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CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE

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col. 934. Il est seulement interdit aux sous-diacres de prendre femme après leur ordination. Le droit de se marier n"est reconnu qu’aux lecteurs et aux chantres, e. xviii, ibid., col. 933 ; décision qui rappelle celle du concile de Vaison de 529 : Cum vero ad œtaleni perfectam pervencrint (lectures)… potestas eis ducendi conjugium non negetur. Can. 1, Maassen, p. 56.

La défense de contracter mariage après la réception des ordres majeurs ne paraît pas avoir été violée pendant la période mérovingienne. Le concile d’Orléans de 533, can. 8, Maassen, p. 62, suppose cependant le cas où un diacre, réduit en captivité, aurait pris iemme ; il n’annule pas ce mariage illicite, mais suspend le coupable de son office.

Un grand nombre des évêques, des prêtres, des diacres et des sous-diacres étaient mariés. Ils se recrutaient, en effet, soit parmi les laïques, soit surtout parmi les lecteurs et les autres clercs inférieurs, auxquels le droit canon accordait formellement la permission de prendre femme. Cf. concile de Vaison de 529, can. 1, Maassen, p. 56. Une fois dans les ordres majeurs, il leur fallait renoncer à tout commerce conjugal : leurs épouses devenaient pour eux des sœurs ; ils pouvaient les garder près d’eux, habiter dans la même maison ; la chambre et le lit seuls devaient être séparés : Ut sacerdotes, sive diaconl cum conjugibus suis non habeant commune lectum et cellulam. Concile d’Orléans de 541, can. 17. Cf. conciles de Tours, de 567, can. 20 (19) ; d’Auxerre de 585-603, can. 21, Maassen, Concilia meroving. , p. 91, 127, 181. Un seul concile mérovingien, le concile de Lyon de 583, can. 1, Maassen, p. 154, exige que les prêtres et les diacres cessent toute relation avec leurs épouses. Mais cette prescription, purement locale, fut bien vite périmée par l’usage contraire, qui était général dans la Gaule. Sous le nom de « prêtresses », de « diaconesses », de « sous-diaconesses », les femmes des prêtres, des diacres et des sous-diacres demeuraient maîtresses au foyer ; elles continuaient à faire le ménage et surveillaient la domesticité, près de laquelle elles prenaient le repos de la nuit. Concile de Tours de 567, can. 20 (19), Maassen, p. 127. Les épouses des évêques, tout en conservant leur titre de episcopissa, se tenaient généralement plus à l’écart de la maison épiscopale. Concile de Tours de 567, can. 14 (13), Maassen, p. 125. Cf. Grégoire de Tours, Gloria confessorum, c. lxxvi, lxxviii ; Uist. Francor., t. I, c. xix ; t. IV, c. xxxvi.

Les relations fréquentes que les clercs mariés entretenaient ainsi avec leurs épouses constituaient pour leur chasteté un réel danger. Les chutes n’étaient pas rares, au moins dans les campagnes. La vertu des évêques était protégée par le voisinage des clercs qui couchaient régulièrement dans la chambre épiscopale ou dans une chambre contiguë. Concile de Tours de 567, can. 13 (12), Maassen, p. 125 ; Grégoire de Tours Uist. Franc, I. IV, c. xxxvi. Les conciles décidèrent pareilnt que les clercs dormiraient, à tour de rôle, dans la chambre de l’archiprétre. Les prêtres ou les diacres H’9 des grands centres étaient seuls soustraits à surveillance nocturne. Mais chaque infraction la lui du célibat était frappée d’une peine canonique. Si l’archiprétre négligeait de dénoncer les coupables à son archidiacre, il tombait lui-même sous le coup des canons ; une pénitence d’un mois au pain t.i l’eau, ou même une excommunication d’un an, (’tait son châtiment. Concile de Tours (567), cm. 20(19) ; oncile d’Auxerre (585-603), can. 20, Maassen, p. 127128, 181.

L’A ; et l’Irlande suivirent l’exemple du con tinent. Les Pénitentielt de Vinniaus et de Colomban, et surtout l.i lettre que celui-ci adressa à saint Grégoire le Grand, Epi » t. ail Gregorium papa » ), c. iv, 1’. L., t. lxxx, col. 262 sq., en font foi. Sur ce point,

cf. Funk, Zur Geschlchte der allbriuschen Kirche, dans Ki rchengeschichlliclie Abhandlungen, t. i (1897), p. 450-455.

Le viiie siècle fut une période de crise pour la discipline du célibat ecclésiastique. La moralité du clergé diffère, il est vrai, suivant les pays. En Gaule, sous le gouvernement de Charles Martel, elle est visiblement en décadence. Cf. S. Boniface, Epist., xlix, ad papa » ) Zachariam, P. L., t. lxxxix, col. 745. En Espagne, le roi Witiza abroge tout simplement la loi du célibat, cf. .1. Ferreras, Histoire générale d’Espagne, trad. d’Hermilly, 1742, t. ii, p. 419, pensant peut-être couvrir ainsi ses propres déporlements. Les conciles eurent ensuite grand’peine à rétablir la sévérité des antiques canons.

Sous le règne des Carolingiens, la discipline s’améliore sensiblement. Dans ses Capitulaires, Charlemagne associe son autorité à celle de l’Église pour taire observer les règles traditionnelles. Les conciles rappellent que les prêtres, les diacres et les sous-diacres mariés doivent s’abstenir de tout commerce conjugal, sous peine de déposition. Concile de Worms de 868, can. 9, Mansi, t. xv, col. 871. On ne voit pas que la règle qui leur interdisait de contracter mariage après leur ordination ait été violée. On cite cependant, à Vienne, en Gaule, le cas d’un diacre qui avait pris femme en s’autorisant d’une dispense obtenue du pape Nicolas I er (856-867). Le souverain pontife averti s’empressa de démentir cette fausse et scandaleuse allégation. Mansi, t. xv, col. 449.

Lorsque vinrent les heures tristes de la décadence carolingienne, notamment en ce Xe siècle qu’on a justement appelé « un siècle de ter », la discipline ecclésiastique subit une éclipse générale, et la loi du célibat en particulier se ressentit gravement de l’abaissement moral du clergé. Non seulement les prêtres et les diacres mariés cohabitaient avec leurs épouses, mais ceux mêmes qui jusqu’à leur ordination étaient restés célibataires prenaient femme, malgré les canons, et vivaient ainsi dans une sorte de concubinage, selon l’expression du temps. Voir Du Cange, au mot Concubinage. Le pape Léon VII (936-939) nous apprend que ce mal sévissait en Germanie et juge « lamentable que des prêtres osent ainsi se marier publiquement ». Mansi, t. xviii, col. 379. André, abbé de Vallombreuse, atteste que la Lombardie offrait un spectacle semblable. « On voit, dit-il, des prêtres vagabonder avec des chiens ou des faucons ; les autres tiennent des tavernes ou des banques ; presque tous vivent avec leurs épouses ou des femmes moins respectables. » Vita sancti Arialdi, c. I, n. 7, dans Acta sanct., t. vu junii, p. 252. Selon Bonizo, évêque de Sutri, le mal gagnait peu à peu toutes les provinces et atteignait même l’épiscopat. « Ce ne sont plus seulement les ministres du second ordre, les prêtres et les lévites, nous dit-il, mais encore les évêques eux-mêmes qui çà et là vivent dans le concubinage ; et cela est devenu si commun que le déshonneur attaché à une telle conduite est en quelque sorte aboli. » Liber tertius ad amicum, P. L-, t. cl, col. 813. La Gaule n’était guère plus respectueuse de la loi du célibat. En Normandie, par exemple, on vit plusieurs archevêques île Houen se déshonorer par leur conduite scandaleuse. Bobert (989-1037), fils de Richard I er, s’autorisait de son titre de comte d’Évreux pour épouser Herlève, dont il eut trois enfants. Orderic Vital, Uist. eccles., t. V, c. xii, P. L., t. clxxxviii, col. 403. Cf. Acta archiepiscoporu » ) Rotomagensium, P. L., t. CXLVH, col. 277. Sous un tel pontife on devine quelle pouvait être la conduite du clergé inférieur.

.Mais ce n’était pas seulement les Églises particulières qui avaient à souffrir de l’inobservation de la loi du célibat ecclésiastique. Rome même, la mère des Églises, riait en proie au même désordre, (’/est un pape qui le constate. Après noir noté que le commun des cleics,