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CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE


Cette pratique passa insensiblement en loi générale. La législation de Justinien, différant à cet égard de celle de Théodose, Constitution de 420, Code théodosien, XVI, 2, c. xliv, tomba même dans l’excès. Sous prétexte que l’évêque doit être le père spirituel des fidèles et par conséquent n’être pas retenu par l’affection de ses enfants selon la chair, l’empereur décide que « celui qui aura des enfants ou des neveux ne pourra être ordonné évêque ». L. xlii, c. i, loi de 528. A plus forte raison le clerc marié élevé à l’épiscopat ne pourra-t-il entretenir un commerce charnel avec son épouse : les Novelles, vi, 1 ; cxxiii, 1, supposent même que l’évêque est vierge ou n’est plus retenu par le lien conjugal.

Quant aux clercs inférieurs mariés, il les autorise à user de leurs droits conjugaux, mais il rappelle que les prêtres, les diacres et les sous-diacres n’ont pas, suivant les canons, le droit de se marier après leur ordination, et ces canons, il les adopte, et leur donne une sanction civile, qui se surajoute à la sanction ecclésiastique. Non seulement le clerc coupable sera puni de la perte de sa dignité, sacerdolii amissione, mais le mariage qu’il aurait contracté sera nul, et les enfants issus de ce mariage illégitimes, ne legilimos quidem et proprios esse. L. xlv, loi de 530.

L’Eglise orientale régla à peu près dans le même sens que Justinien la discipline du célibat, au concile in Trullo ou Quinisexte de 692. L’évêque fut astreint à la continence absolue ; s’il était marié, son épouse devait à partir de son ordination, quitter le domicile conjugal et vivre dans un monastère éloigné ; l’évêque était seulement tenu de subvenir aux frais de sa subsistance-Can. 48, Mansi, t. xi, col. 965. Les dispositions conciliaires qui regardent le clergé inférieur marquent une intention évidente d’hostilité contre la discipline introduite depuis trois siècles dans l’Église latine. Il est interdit aux prêtres, aux diacres et sous-diacres de prendre femme après leur ordination, can. 6, ibid., col. 911 ; mais s’ils sont mariés avant d’entrer dans les ordres, ils sont autorisés à user du mariage ; faire profession d’y renoncer comme le veut l’Église romaine, c’est aller contre les antiques canons : « Nous voulons que les mariages contractés légitimement par ceux qui sont dans les ordres demeurent fermes et stables… ; nous défendons qu’on exige d’un prêtre, d’un diacre ou d’un sous-diacre, au moment de son ordination, qu’il renonce à user d’un commerce légitime avec son épouse ; nous respectons ainsi les noces établies par Dieu et bénies par sa présence ; nous nous conformons à la parole évangélique : Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni, Matth., xix, 6, et à la doctrine de l’apôtre : Êtes-vous lié à une épouse, ne cherchez pas à rompre ce lien. I Cor., vii, 27. Si quelqu’un osait, en dépit des Canons apostoliques, priver un prêtre, un diacre ou un sous-diacre des droits qu’il a sur son épouse légitime, qu’il soit déposé. Semblablement, si quelque prêtre, diacre ou sous-diacre rejetait son épouse sous prétexte de piété, qu’on l’excommunie, et s’il persévère (dans sa faute), qu’on le dépose. » Can. 13, ibid., col. 948.

On retrouve là un écho des Constitutions et des Canons apostoliques ; c’est le dernier mot de la discipline ecclésiastique ilaus l’Église grecque. Ce régime est encore celui des orthodoxes. En pratique, cependant, les siècles y apportèrent une légère modification. Il est d’usage, sinon de règle écrite, que les fonctions pastorales ne soient confiées qu’à des prêtres mariés. Cf. Schaguna, pendium des canonischen Reclus, 1868, § 183. Celle pratique, que le cardinal Iluinhcrt Constate déjà au xi’siècle. P. L., t. cxi. iii, col. 1000, n.’M ; voira ce sujet la polémique soulevée par Nicétas, moine de Studium, ibid., col. 981-982. et la réponse du cardinal Humbert, ibid., col. 997-1000, fut officiellement consacré < au concile russe de 1274. Stralh, Getchichte der russischen Kirche, p. 260-262.

Il importe cependant de remarquer que la plupart des Orientaux qui sont restés en communion avec l’Église romaine ont fini par accepter la discipline du célibat. Quelques-uns, comme les Maronites et les Arméniens par exemple, suivent toujours l’ancienne coutume grecque, que Rome tolère.

En Occident.

Le plus ancien témoin d’une loi concernant le célibat ecclésiastique est le canon 33e du concile d’Elvire, vers 300. La rédaction en est bizarre, mais le sens assez clair. Tous les évêques, prêtres et diacres, c’est-à-dire les clercs voués au ministère (de l’autel) doivent s’abstenir de tout commerce avec leurs épouses et renoncer à avoir des enfants ; quiconque enfreindra cette règle sera déposé : Placuil in lotum prohibere episcopis, presbyleris et diaconibus vel omnibus clcricis positis in minislerio abstinerc se a conjugibus suis et non generare filios ; quicumque vero fecerit, ab honore clericalus exterminetur. Mansi, t. il, col. 11. Nous prenons les mots vel omnibus clericis positis in minislerio, dans un sens explicatif. Cf. Vacandard, Etudes de critique et d’histoire religieuse, 1905, p. 101, note 6.

La même discipline était vraisemblablement déjà en vigueur à Rome, sans néanmoins qu’un texte écrit en fasse foi. Le concile romain de 386, tenu par Sirice, montre quelle était à cet égard la pensée des papes. II interdit formellement la cohabitation des prêtres et des diacres avec leurs femmes : quod sacerdotes et levitæ cum uxoribus suis non coeant.. laffé-Lœvenfeld, Regesta romanor. pontificum, t. i, p. 41. Sirice entreprend même de faire prévaloir cette règle dans toute l’Église laline, et il invoque en faveur de son décret l’autorité de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les prêtres de l’ancienne loi n’étaient-ils pas tenus à la continence pendant la durée de leur service dans le temple ? L’apôtre ne déclare-t-il pas que ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu ? Les ministres qui servent chaque jour à l’autel doivent donc renoncer pour toujours aux œuvres de la chair. C’est en ces termes qu’il recommande le célibat, dans sa lettre à Himère, évêque de Tarragone ; les prêtres et les diacres qui contreviendront à cette loi seront punis selon le degré de leur culpabilité ; s’ils ont péché par ignorance de la règle, on se bornera à les empêcher de s’élever aux ordres supérieurs ; s’ils ont violé la loi sciemment, en invoquant l’exemple des prêtres de l’ancienne loi, ils seront dépouillés de leur dignité, en vertu de l’autorité du siège apostolique. C. vii, P. L., t. lvi, col. 558-559.

La sentence que portait Sirice devait avoir un caractère universel. Himère fut charge de la communiquer non seulement à son diocèse, mais encore à presque toute l’Espagne : Non solum connu (in nationem episcoporum ) qui in tua smit diœcesi constitua, sed eliam ad universos Carthaginoises ac Bœlicos, Lusitanos atque Gallicos, etc. C. xvi, col. 562.

Le pape l’adressa en outre aux évêques d’Afrique, comme l’atteste le concile de Telepte (ou Zelle), en l ! K(i. Se déliait-il de l’accueil qu’allaient lui faire ses « frères » africains ? Il prend, du moins, avec eux un ton insinuant et presque suppliant : « Que les prêtres et les lévites, dit-il, n’aient pas de commerce avec leurs femmes, nous le conseillons, parce que cela est digne, pudique et honnête… qu’on nous épargne cet opprobre, je vous en prie…, » qua de re hortor, moneo, rogo. Can. 9, P. /, ., t. i.vi, col. 728. Vers la fin de sa lettre cependant, il parle avec le sentiment de son autorité et adresse aux contrevenants la menace d’une excommunication. Ibid., col. 730. Quelques années plus tard le pape Innocent l pr renouvelait ces avertissements dans les lettres qu’il adressait à Victriee de Rouen el à Exupère de Toulouse. Ad Victricium, can. 10 ; ad Exsuperiwn, can. 1, P. L., i. xvi, col. 523-524, 501.

L’Afrique, l’Espagne, la Gaule s’engagèrent résolu-