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CAUSE

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gation de l’espèce. La finalité intérieure établit entre la nature de chaque être qui est immuable et l’activité qui jaillit d’elle, des rapports permanents et nécessaires qui prennent le nom de lois de la nature. Ces lois sont donc la manière uniforme et régulière suivant laquelle les êtres agissent conformément à leur nature et en vue de leur fin. Ce concept est essentiel pour démontrer la possibilité et le caractère exceptionnel du miracle. Si les lois de la nature n’existaient pas, le miracle se confondrait avec les événements ordinaires et perdrait, avec son côté insolite, sa valeur apologétique. Voir Miracle.

4° Si l’on veut bien considérer que la fin est primum in incentione, qu’elle est donc le point de départ de toute causalité, qu’elle en est aussi le point d’arrivée, ultimum in exccutione ; que toute causalité s’enchaîne, on en déduira que la fin est principe d’ordre, qu’elle crée nécessairement un ordre, que partout où il y a fin, il y a ordre, que réciproquement partout où il y a ordre il y a fin. Je veux, par exemple, apprendre la science astronomique : c’est là un but conçu par l’esprit (cause exemplaire), voulu par la volonté (cause finale). Immédiatement parce que je veux acquérir cette science, je cherche dans mon esprit les moyens propres à y atteindre, je les trouve ; c’est l’étude, l’observation des mouvements célestes avec les instruments, ce sont les leçons des maîtres ; je décide de prendre tous ces moyens ; puis je les mets en œuvre et petit à petit la lumière se fait en moi : un jour, je quitte les observatoires, je ferme les livres, je dis adieu aux maîtres, l’ère des moyens est close parce que je suis arrivé à mon but, je sais l’astronomie. Le but voulu, le but acquis encadrent les moyens, et ceux-ci sont sériés et dirigés vers l’acquisition du but final à la lumière du but préconçu et sous l’impulsion du but voulu. Il y a donc là un ensemble, une multiplicité des moyens commandés par l’unité du but et ordonnés par lui et vers lui. Or la multiplicité dans l’unité, c’est l’ordre, la fin créant la multiplicité des moyens dans l’unité’de sa poursuite est donc principe d’ordre. Voir Ordre. On doit ajouter qu’inversement l’ordre ne saurait s’expliquer sans une fin, c’est elle qui fait choisir la multiplicité des moyens, qui les subordonne et les coordonne, qui les dirige ; sans un but les divers éléments de l’ordre seront inertes et pêle-mêle.

5° Une des principales preuves de l’existence de Dieu est basée sur cette liaison essentielle entre l’ordre et la fin, elle consiste à démontrer qu’il y a un ordre dans le monde, que cet ordre suppose une intelligence et la volonté d’un but et que cette intelligence et cette volonté ne sont pas immanentes au monde, mais transcendantes, et le dépassent, enfin qu’elles ne peuvent être que l’intelligence et la volonté divines. Voir Dieu, son

    1. EXISTENCE##


EXISTENCE.

6° On voit, par ce qui précède, que la fin suppose des moyens, et que les moyens tendent à la fin. Dieu peut réaliser immédiatement et ad nutum ses vouloirs. Il peut donc, à la rigueur, se passer de moyens, étant tout de suite, s’il le veut, arrive au but ; mais il ne le vent pas toujours ; alors il emploie des moyens dont l’évolution lente ou rapide marche avec ordre et sagesse la fin préconçue et prédéterminée par lui. D’autres fois, la nature même des fins poursuivies par Dieu exige l’emploi des moyens proportionnés. Si Dieu veut que nous jouissions en victorieux du bonheur céleste, il faut qu’il nous en donne d’abord les moyens. Les mojens sont donc la série des actes qui vont de la fin voulue à la fin conquise ; leur conception découle de la conception de la fin, leur réalisation précède et prépare la réalisation de la fin. Ils sont d.me bien in medio, intermédiaires, et le nom de « moyens » leur convient souverainement. La fin décide des moens ; la nature de la fin détermine la nature des moyens, mais d’ordi’naire la même fin peut être obtenue plus ou moins parfaitement à l’aide de moyens divers ; la nécessité de poursuivre une fin n’impose donc pas infailliblement l’emploi de tel ou tel moyen, c’est ce qui laisse une place à la liberté, voir Liberté, Déterminisme, Prémotion, Prédétermination, et ce qui explique la nature du péché mortel, du péché véniel et de l’imperfection, suivant le rapport des actes à la fin. Voir ces mots.

7 » L’ordre qui révèle l’existence de la fin, en éclaire aussi les différences. Prenons l’ordre social d’un État : au sommet le gouvernement dont le but doit être d’amener, dans la paix, le bien-être matériel, intellectuel et moral de toute la nation. Le gouvernement est, dans l’Etat, le premier agent du bien universel, et ce bien est son but propre, sa fin naturelle. Au-dessous du gouvernement, il y a, par division d’attributions ou par divisions territoriales, des agents secondaires dont la raison d’être et la fin sociale sont d’assurer dans leur ressort et dans la sphère de leurs attributions le bienêtre général. Et ainsi, à mesure que l’on descend dans la hiérarchie, on trouve des agents moins puissants, à attributions diminuées, dont les buts sont inférieurs, subordonnés au bien général, mais coordonnés aussi vers lui. Ces buts inférieurs sont en même temps des moyens vers le but supérieur, et un même bien est but pour l’agent inférieur, et, pour ses chefs, moyen vers le but universel de bien-être social. On comprend dès lors que la fin suprême de la société est universelle et médiate, les fins inférieures sont particulières et immédiates.

8° On distingue encore la fin réelle et la fin personnelle. Celle-là est le bien poursuivi, celle-ci la personne que l’on veut faire bénéficier de ce bien. La fin réelle de la société est le bien-être défini plus haut, tous les citoyens sont la fin personnelle que l’Etat doit faire jouir du bien-être. Un même moyen pouvant servir simultanément à conquérir plusieurs buts, ceux-ci peuvent être visés en même temps par l’agent, celui qui est surtout visé s’appelle fin principale, celui qui est visé subsidiairement est fin secondaire, ou accessoire. Pour la moralité d’un acte, il faut que tous les buts poursuivis soient honnêtes. — Une fin peut encore êlre consciente ou inconsciente. L’archer lance sa flèche vers la cible, l’archer veut atteindre la cible, c’est un but voulu et conscient ; la flèche va vers la cible sans le savoir, c’est un but poursuivi inconsciemment. Cette distinction explique comment il peut y avoir dans le monde matériel et inconscient un ordre réel et voulu, pourvu que, dans le même monde, il y ait au-dessus des natures corporelles d’autres agents intelligents et volontaires qui dirigent les natures inférieures à la manière dont l’archer dirige la tlèche. — Tout instrument ou moyen est, de sa nature, ordonné à des résultats ou buts déterminés qui s’appellent fines operis. Ces résultats peuvent être utilisés par un agent intelligent en vue de buts nouveaux qui se nomment fines operantis. — La création de l’ordre surnaturel a ajouté aux fins et aux moyens de l’ordre naturel, une hiérarchie de tins et de moyens qu’on appelle surnaturels.

9° La philosophie téléologique, c’est-à-dire la philosophie qui admet l’existence des fins dans le monde, a pour adversaire le mécanisme qui répudie les fins pour ne garder que les résultats. — 1. Il n’y a, pour les mécanistes, que des agents, des causes efficientes qui évoluent aveuglément, par la force spontanée de leur activité. Ainsi se produisent des effets qui n’ont été ni préconçus, ni voulus, qui sont dus à l’impulsion naturelle des êtres, qui se heurtent, se corrigent mutuellement et sont arrivés à constituer le monde tel qu’il est. Il n’est pas, selon eux, nécessaire de recourir à l’idée d’un principe intelligent, libre ordonnateur de toutes choses, pour comprendre l’univers ; celui-ci est suffisamment expliqué par le jeu des forces naturelles, par l’évolution