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CAUSE


qu’existante, elle doit l’être en tant que prévue et voulue, et ici encore l’existence des causes finales nous prouve chez la cause première du monde, l’existence de la volonté. Il y a prévision (cause exemplaire), et volition du but (cause finale). Nous trouvons la causalité finale toutes les fois qu’un phénomène est produit à cause de l’avenir et prédéterminé par lui.

De tout ce qui précède, nous pouvons conclure qu’il y a plusieurs genres de causalité, mais que tous se rencontrent dans un caractère commun qui peut servir à leur définition et qu’Aristote exprime ainsi : « Un premier terme d’où procède, soit l’être, c’est-à-dire la quiddité, soit le devenir, soit la connaissance d’une chose. » llaaâiv |j.kv ouv xoivov TtiSv àpx<5v to upaiTov Eivai oôev 7} Ètt’.v r { -fiyvîTac r YtYvt^crxETat. Metapli., t. IV, C I.

La dernière expression s’applique aux causes logiques ou principes scientifiques dont nous n’avons pas à parler ici. La première concerne la cause matérielle et la cause formelle, causes internes constitutives de la quid- » dite ou essence, la seconde convient surtout à la cause efficiente, à la cause finale et même à la cause exemplaire, causes externes qui déterminent le devenir.

v. applications ruÉoWGiQUES. — L’existence des causes matérielle et formelle, des causes efficiente, finale et exemplaire, est de la plus haute gravité en théologie où la plupart des polémiques du côté orthodoxe consistent à rétablir la notion de causalité, et à fixer le rôle de chacune des causes. Suivant que la causalité productrice du monde est considérée comme immanente ou extérieure, la théologie est panthéiste ou orthodoxe ; le pancosmisme met en danger la doctrine théologique par sa confusion des causes matérielle et formelle ; le fatalisme s’appuie surtout sur une fausse intelligence de la causalité exemplaire ; l’amoralisme sur la négation des causes finales ; le matérialisme sur la suppression des causes eflicientes supérieures ; l’arianisme introduisait dans la Trinité la causalité au lieu de l’action mystérieuse et immanente de la génération divine ; l’occasionnalisme supprime toute causalité finie, l’agnosticisme rompt le lien qui rattache la cause à l’effet et qui permet au raisonnement d’aller de l’un à l’autre.

II. ÉTUDE synthétique.

1 « Nature de la cause matérielle ; 2° Nature de la cause formelle ; 3° Nature de la cause efficiente ; 4° Principe de causalité ; 5° Nature de la cause exemplaire ; 6° Nature de la cause finale.

I. NATURE DE LA CAUSE MATÉRIELLE.

1° La philo-Sophie et la théologie scolastiques distinguent la matière première et la matière seconde. Celle-ci est la substance corporelle ou même immatérielle toute constituée, servant de substratum et de terrain à des modifications accidentelles. L’homme vivant et complet dans sa nature d’homme, est, par le baptême, élevé à l’ordre surnaturel, il reçoit la grâce et tout l’être surnaturel qui fait . rétien ; une faute grave le jette en déchéance, bientôt il se repent, est absous de son péché, puis retombe, se relève. Ces alternatives de chutes et de ements ont l’homme pour théâtre ; il est le sub-Btratum qui subit ces transformations morales, il est matière seconde de changements surnaturels. On explique plus communément cette doctrine par l’exemple de la statue. Un marbre est tiré d’une carrière ; l’ouvrier s en empare. Sera-t-il dieu, table ou cuvette ? Il sera t représentera Jupiter ou Apollon. Le marbre est l.i matii re seconde qui reçoit une modification accidentelle, nne figure qui détermine sa torme, mais n’atteint i substance.

2 » Quand, au contraire, la substance est atteinte, qu’à une nature en succède une autre, le résidu, ce qui transformations substantielles, se

nomme matière première. Il importe de distinguer au moins logiqui ment deux états de la matière première : ou elle se présente revêtue de virtualités et de déterminations sourdes qui l’enchaînent dans une certaine

mesure, ou elle se conroit absolument nue et pure de tout alliage. La matière de chair morte qui devient aliment ou qui se corrompt peut devenir un certain nombre de substances, mais elle est incapable de constituer toute substance : elle fait partie d’un cercle fermé, d’où elle ne peut sortir ; il y a une série fixe de substances auxquelles elle peut appartenir, jamais elle n’entrera dans une nature étrangère à cette série. Cela vient de ce qu’elle n’est pas exempte de toute détermination, de toute actuation ; quand elle passe d’une substance à une autre, elle se sépare bien du principe spécifique de la première substance, mais elle en garde quelque virtualité, il y a en elle des traces de ce qu’elle a été, et ces restes d’existences antérieures lui imposent ses transformations futures, ils la déterminent à devenir ceci et non cela. En devenant de l’eau l’oxygène perd sa nature d’oxygène, l’hydrogène perd sa nature d’hydrogène, mais la matière de l’un et de l’autre garde quelque chose, quelque détermination, quelque impulsion, que la nature d’hydrogène et d’oxygène a laissée en elle et qui l’amène à composer de l’eau. Si, au contraire, nous recourons à l’abstraction, nous pouvons nous représenter une matière dépourvue non seulement de toute nature spécifique, et qui n’est ni minéral, ni métal, ni végétal, rii animal, ni homme, mais encore dépouillée de toute virtualité émanant de ces natures spécifiques, matière indifférente à tout état substantiel, pouvant être tout corps et n’en étant aucun. Nous possédons alors la matière première pure. Les déterminations qui viennent s’ajouter à elle pour la taire entrer dans telle ou telle série, dans telle ou telle nature, sont des formes substantielles. Sans doute la matière première n’est jamais sans une forme substantielle, comme le marbre n’est jamais sans une figure extérieure, mais elle n’en est pas moins distincte comme le marbre n’est pas identifié avec la figure qui l’accompagne. De même que la matière première n’est jamais réalisée sans une forme substantielle, ainsi dans ses migrations successives n’apparaît-elle jamais sans les déterminations virtuelles dont nous avons parlé, héritage des formes antérieures qui prépare et amène les états postérieurs. On ne réduit pas, par des forces naturelles, la matière première à l’état de puissance absolument pure. Cf. Chollet, De la notion d’ordre, c. ii, n. 48, Paris, s. d., p. 49.

3° Cette distinction est nécessaire pour marquer la différence qui sépare les changements substantiels naturels des changements substantiels miraculeux. Les premiers sont liés par les virtualités et enfermés dans un cercle. L’eau décomposée donne nécessairement une quantité déterminée d’hydrogène et d’oxygène, et ne peut se résoudre en d’autres substances. Les changements miraculeux sont indépendants de la loi des virtualités. A Cana, sur l’ordre de Jésus, l’eau se change en vin : la matière première est dépouillée non seulement de la forme substantielle d’eau, mais encore de l’héritage de virtualités que celle-ci laisse d’ordinaire après elle, et à la façon d’une matière absolument pure, est prête à devenir, par la volonté du Sauveur, toute substance corporelle ; elle se change en vin comme elle aurait pu se transmuer en sang, ou en un liquide quelconque.

4° Irons-nous plus loin et invoquerons-nous la transsubstantiation ? Ici le miracle révèle une opération plus profonde encore de la divinité. Si nous en croyons I Ange de l’École, ce n’est plus la matière première du pain et du vin qui, restant elle-même, se dépouille de la forme substantielle du pain et de la forme substantielle du vin pour revêtir à la place la forme substantielle du corps et la forme substantielle du sang du Christ, mais le changement atteint simultanément la matière et la

irmi II a pour base l’être lui-même, id qnod est enlitatis, dit l’Ange de l’École, l’être qui est commun au