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CAUSE


transforment, après de multiples étapes, les débris qui n’ont pas servi d’aliment. La chair qui, d’abord, fut animée par l’âme de la gazelle, est ensuite vivifiée par une autre âme dans le corps du lion, par une âme humaine dans la personne des sauvages, par un principe spécifique essentiellement divers dans chacun des résidus organiques. Il y a donc un fond qui passe indilléremment dans le corps de la gazelle, dans celui du lion, ou de l’homme, ou dans les substances de décomposition. Il est un élément constitutif de ces diverses natures, il concourt à leur être, il les cause à sa manière, il est leur matière, leur matière première, leur cause matérielle.

Mais puisqu’il est indifférent à subsister dans des corps divers, il ne peut différencier ceux-ci, ni expliquer leur caractère spécifique. Il ne suffit pas pour constituer à lui seul une substance, quelle qu’elle soit, il ne peut même jamais exister séparément, il lui faut le concours d’un autre élément, principe vital, ou principe spécifique essentiel des natures inférieures. Celui-ci est, avec la matière, cause de l’être. On l’appelle forme substantielle ou cause formelle.

Il se trouve donc, dans chaque corps, un double élément constitutif, une double cause : un élément mobile et de passage, qui va d’une nature à l’autre dans le phénomène d’assimilation, de désassimilation, d’analyse ou de synthèse chimique ; et un élément de stabilité et de détermination spécifique. Les corps résultent intimement de l’union de deux causes, la cause matérielle et la cause formelle.

2° Il existedes changements miraculeux que la théologie connaît et qui lui démontrent surnaturellement l’existence des deux mêmes causes. Le Sauveur, aux noces de Cana, change l’eau en vin. Il y a différence spécifique de l’un à l’autre. Un élément passe de la nature d’eau à celle de vin : élément commun, indifférent de soi à être eau ou viii, et qui, sur l’ordre du divin thaumaturge, cesse d’être l’un pour devenir l’autre ; c’est la matière première ou cause matérielle. Un autre élément cesse qui était dans l’eau, qui la faisait être eau, lui en assurait la nature et lui en conférait les propriétés ; c’est une forme substantielle. Aussitôt qu’il disparait, un noui ] élément survient qui se substitue au précédent et donne à la matière la détermination spécifique du viii, la fait être substance du vin au lieu d’être comme auparavant la substance de l’eau ; c’est une forme substantielle ou cause formelle.

II. EXISTENCE D’USE CAUSE EFFICIENTE. — NûUS

sommes donc en possession des deux causes dont l’union et le concours constituent l’être intime des natures corporelles. Est-ce tout ? Non. Le passage d’une nature à une autre ne se fait pas tout seul, et les deux causes que nous venons de découvrir ne suffisent pas à l’expliquer. La matière première, indifférente à être eau ou viii, ne peut se déterminer à être l’un ou l’autre, encore moins â cesser d’être l’un pour devenir l’autre : ce serait la n’gation de son indifférence. La forme substantielle de i eau ne peut acheminer celle-ci à devenir du viii, ce serait se combattre et se nier elle-même ; elle est dans la matière pour la déterminer à être de l’eau, non pour la porter au contraire. La forme substantielle du viii, qui n’est pas encore, ne peut produire le changement d’eau en vin : ce qui n’existe pas ne peut se donner l’être, âge de l’eau au vin ne peut s’expliquer, m par la matière qui est indifférente, ni par la forme substantielle de l’eau qui est hostile à ce changement où (Ile périt, ni par la forme substantielle encore inexistante du viii, il faut chercher au dehors un principe de tngemi nt, une force existante qui le provoque et le réalise, ce principe c’est la cause efficiente, c’est l’agent ; dans le miracle de Cana, c’est la toute-puissance du Christ. El cette nécessité d’un agent se retrouve dans tous les changements substantiels. Ceux-ci supposent

donc toujours au dehors et au-dessus d’eux une force agissante, une cause efficiente.

m. existence d’une cause exemplaire. — La cause efficiente doit toujours être proportionnée aux effets qu’elle engendre. Il y a une corrélation nécessaire entre le produit et son principe, entre le fait et la force qui le crée. Qu’une grosse pierre pèse lourdement sur le sol, cet effet a sa cause suffisante dans la nature et le poids même de la pierre et il n’y a pas à chercher d’explication ailleurs. Que cette pierre vienne à tomber du sommet d’une montagne et, dans sa chute, en heurte une autre qui la fasse voler en éclats, c’est l’effet du hasard, c’est-à-dire de la rencontre de deux choses qui existaient et agissaient séparément et indépendamment l’une de l’autre, et qui étant venues à se croiser, l’ont engendré. On appelle donc hasard la rencontre de plusieurs causes indépendantes qui, en suivant chacune leur route, viennent à se combiner. Dans leur rencontre se produit un choc et arrive un résultat qui est appelé effet du hasard. Il s’explique par la combinaison des actions et réactions des causes concurrentes, il est toujours exceptionnel et rare. Mais si, au lieu d’avoir des éclats informes d’un bloc de pierre, je trouve au pied de la montagne des morceaux réguliers d’un marbre poli et géométriquement taillé, je dirai que la cause de cette forme ne peut être cherchée ni dans la nature, ni dans les propriétés de cette pierre, ni dans sa rencontre avec d’autres roches : l’effet serait disproportionné à la cause ; il n’y aurait plus l’équation nécessaire entre le principe et le résultat ; la cause serait inférieure à l’effet sorti d’elle, ce qui est inadmissible. Il faut donc chercher en dehors de la pierre et du hasard une cause adéquate. Elle sera dans l’action d’un ouvrier intelligent qui aura taillé la pierre suivant une idée préconçue. Si, au lieu d’être taillée en simple cube régulier, la pierre est façonnée en une superbe statue très expressive, il me faudra à plus forte raison chercher, en dehors du hasard, l’explication de sa forme artistique et de son symbolisme émouvant. Les instruments eux-mêmes ne suffiront pas à m’en rendre compte. Ici je découvrirai l’action de la scie, là celle du ciseau, ailleurs celle du polissoir, mais ni la scie, ni le ciseau, ni le polissoir ne justifient l’ensemble, il faut au-dessus d’eux une idée qui les inspire, les combine et les guide. Ceci revient à dire que, quand, dans un effet, il y a une régularité parfaite, une coïncidence constante, quand entre la multiplicité des phénomènes il y a un ordre certain, il faut chercher non seulement la cause des faits, mais encore celle de leur régularité, de leur constance, de leur symétrie. Or cette cause est nécessairement l’idée, la pensée. A la source de toute multiplicité harmonique et ordonnée, il y a une intelligence, une idée, on l’appelle cause exemplaire. Elle est exemplaire puisqu’elle est le type, l’exemple dont l’agent s’inspire et sur lequel il modèle son œuvre.

Or cette cause exemplaire existe de par le monde, car non seulement l’univers a un ordre admirable et dans son ensemble, manifesté par cette loi de l’attraction universelle qui soumet depuis les astres jusqu’aux atomes, et dans la forte harmonie de ses applications constantes, mais encore la nature a imposé à chaque règne un ordre intime et merveilleux. « Rien de plus délicat (que les cristaux), de plus harmonieux, de plus coquet. Une géométrie sévère, en donnunt aux angles une constance invariable pour les mêmes espèces, trace les facettes et en arrête les contours, mais elle le fait toujours avec un goût exquis. Les artistes les plus renommés pourraient, là comme ailleurs, s’instruire à l’école de la nature. Ces cristaux groupés entre eux par sa main invisible, dessinent des étoiles. des croix, (les Heurs, des arhoresreie II s d’une élégance merveilleuse ; tandis que chacun d’eux, pria à part, possède une physionomie spéciale, indice de sa constitution intime, comme les traits du visage chez une personne sont un signe certain de son caractère