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CASUEL


surnaturelle, et à ce que les autres ne manquent pas du nécessaire dans les exigences quotidiennes de la vie terrestre, suivant la parole du Maître lui-même : Dignus est operarius cibo suo. Matth., x, 10. Il doit donc s’opposer, avec une égale vigueur, aux diverses sortes d’abus qui peuvent si facilement se glisser en des matières si délicates, soit à cause de l’avarice de quelques ecclésiastiques trop attachés aux biens de ce monde, soit à cause de l’ingratitude des peuples, trop portés à oublier les bienfaits reçus.

Ces prescriptions si sages et si modérées à la fois, car elles furent inspirées et par la justice et par la charité, furent reproduites, sans modifications sensibles, par les conciles des siècles suivants. On les retrouve dans ceux des xiv, xve et xvie siècles, en particulier dans les célèbres conciles de Milan, tenus, en 1565 et 1569 par saint Charles Borromée, ce gardien lidèle de tous les droits, et ce ferme appui de la discipline, à une époque troublée, où l’esprit d’indépendance et de critique acerbe, sous l’influence du protestantisme naissant, se glissait de plus en plus dans tous les rangs de la société. Cf. Acla Ecclesiæ Mediolancnsis a S. Carolo cardinali archiepiscopo condita, 2 in-fol., Padoue, 1754 ; Labbe, Sacr. concilia, t. xiv, p. 242 sq. ; t. xv, p. 367 sq. Voir col. 853-854.

Casuel de la confirmation et du saint chrême.


I-^n traitant du baptême, nous avons dû nécessairement parler du casuel des sacrements en général, la raison étant la même pour tous. Atîn d’éviter les redites, nous n’indiquerons maintenant que ce qu’il y aura de particulier à chaque sacrement. L’idée vint de bonne heure de demander une rétribution pour le sacrement de confirmation, comme on le faisait pour celui du baptême. Le document le plus ancien qui réprouve cette coutume est du ve siècle. C’est une lettre du pape saint Gélase I er. Epis t., xi, Mansi, t. viii, col. 38 ; Labbe, t. v, col. 119. Cette coutume fut aussi condamnée dans les siècles suivants, par le 2e et le 4e canons du concile de Rraga, en Portugal (572), Mansi, t. ix, col. 839 ; par le 2e canon du concile de Barcelone (599), Mansi, t. x, col. 482 ; par le 8e canon du XIe concile de Tolède (675), Mansi, t. XI, col. 142 ; par le 12e canon du concile de Chàlons (813), Mansi, t. xiv, col. 96 ; par le 16e du concile de Reims (1049), Mansi, t. xix, col. 742 ; par le 13e du concile de Plaisance (1095), Mansi, t. xx, col. 806 ; par le 1 er du concile de Londres (1138), Mansi, t. xxi, col. 511 ; par le 6e du concile de Tours (1163), Mansi, t. xxi, col. 1178.

Certains évêques, pour se donner une apparence de raison, et justifier ces exactions simoniaques, les décoraient de noms pompeux : tantôt ils les appelaient cathédratique, tantôt offrande pascale, tantôt coutume épiscopale. C’est ce que le pape Alexandre III, en 1180, reproche à plusieurs évoques d’Angleterre : Audivimus quod nummos pr<> chrismate extorquelis, quos nunc cathedralicum, aliquando pasclialem prsestationcm, interdum episcopalem consuetudinem appellatis. Quia vero hoc simoniacum esse cognoscitur, mandamus, qualenus prsetextu alicujus consuetudinis prœscriplos denarios nullalenus exigalis ; … quod si /„„ præsumpseritis, periculum <>rdpiis et dignitatis poteriliê non immerito formidarc. Décrétai., t. V, lit. iii, c- 16, Audivimus.En 1213, le pape Innocent III dut fulminer encore contre cet abus qui avait pris une autre forme. Ne pouvant plus, depuis le décret d’Alexandre III, réclamer les denarios chrismales, vel haies, les évêques d’Angleterre avaient pensé tourner la difficulté en changeant l’époque de la perception. Ils exigeaient la même somme, mais à la mi-carême, 1 I il appelaient cette exaction consueludinem médite quadragesimse. Le pape en écrivit à l’archevêque de ., pour qu’il fit rentrer ses suffragants dans la voi du devoir : Correclionem eludere cupienles, tempus

faciendse solutionis anticipant, recipientes in média quadragesima, quod recipere consuevere post I’ascha ; et ut causant recipiendi dissimulent, nomen denariorum variant, denarios, quos prius chrismales, secundo paschales dicebant, consuetudinem médise quadragesimse nuncupantes. Sed nominum variatio non excusât, ut ait Lactanlius, l. I, c. v. Décrétai., t. V, tit. iii, c. xxxvi, In lantum.

Casuel de la pénitence.

L’Ancien et le Nouveau Testament présentent les aumônes comme un mojen efficace d’expier les péchés. Daniel, iv, 24 ; Ps. xlviii, 9 ; Prov., xiii, 8, etc. Pour satisfaire à la juslice divine, on a donc aussi les aumônes, outre les prières, les pèlerinages, les jeûnes, les abstinences, les flagellations volontaires et les autres austérités. Quand, vu les circonstances, quelqu’une de ces œuvres satisfactoires est impossible, on peut la remplacer par une autre qui, par son abondance, supplée à celles qui manquent. 11 est vrai que les canons pénitentiaux de la primitive Église, Mansi, t. I, col. 49 sq., n’ont jamais indiqué que tel péché pourrait être expié par telle somme d’argent fixée à l’avance, comme les amendes dans une loi pénale. Ils n’ont jamais dit formellement non plus qu’il serait loisible de commuer en aumônes les jeûnes, les veilles et les macérations. Ils prescrivaient seulement les années de pénitence publique qu’exigerait chaque crime, et laissaient à l’évêque le soin de veiller sur les pénitents, et de modifier en plus ou en moins, suivant les cas, la rigueur de leur pénitence. Rien d’étonnant que, parfois, l’évêque, voyant les pénitents dans l’impuissance de s’adonner aux jeûnes, aux veilles et aux mortifications corporelles, songeât à les en dispenser, mais en leur imposant par des aumônes une juste compensation. Si ce n’était pas suivant la lettre des canons pénitentiaux, c’était, du moins, conforme à leur esprit. D’ailleurs ces commutations ne furent jamais laissées au choix du pénitent, mais toujours au jugement de l’évêque, auquel l’Église s’en rapportait pour l’interprétation de ses lois. On en comprend facilement la raison. Les macérations sont des peines médicinales ; elles portent dans la plaie béante le fer et le feu, pour extirper jusqu’aux racines du mal. Les aumônes, au contraire, ne sont que la privation d’un bien extérieur elles affectent beaucoup moins l’individu et ne le touchent pas dans ce qu’il a de plus sensible : sa propre chair, son être même. Pi l’on pouvait toujours racheter ses péchés par de l’argent, on achèterait pour ainsi dire la faculté de pécher, et, tandis que l’on donnerait à pleines mains, on n’en resterait pas moins altaché à toutes sortes de vices.

Dans ces commutations, les évêques usèrent donc de prudence, tout en condescendant à la faiblesse humaine. Ce n’est que peu à peu que l’on en vint à admettre, comme une règle à peu près générale, que l’on pût racheter par des aumônes les peines corporelles auxquelles les chrétiens relâchés n’avaient plus le courage de se soumettre.

C’est vers le IXe siècle que celle coutume s’introduisit, et que l’on chercha à préciser par quelle quantité d aumônes les peines canoniques de chaque péché seraient rachetantes. Un des premiers exemples d’une législation de ce genre est celle du concile de Tribur, près <li’Mayence (895), auquel assistèrent les archevêques de Mayence, de Cologne et de Trêves, avec une vingtaine d’évéquea et beaucoup d’abbés. Les 58 canons qui y furent promulgués, tendent presque tous à réprimer les violences et à punir les crimes. Arnoul, roi de Germanie, y assista, et promit l’appui de son autorité pour l’observation des lois édictées par les prélats.

Les canons 54 et 55, Mansi, t. XVIII, col. 156-157, délerminèrent la pénitence pour un homicide volontaire : interdiction pendant sept ans d’user d’aliments gras, de vin et de fromage. Il y avait cependant un