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CASUEL

ISiO

Au commencement et pendant les siècles de persécution, les chrétiens, quoique appauvris par les confiscations et traqués de tous côtés par les tyrans, subvenaient spontanément à l’entretien de leurs prêtres. Cf. S. Cyprien, Epist., iv, ix ; De eleemos., c. xv, P. L., t. iv, col. 111, 120, 613 ; concile d’Elvire, tenu en 305, c. xxviii, Labbe, Sacrosancta concilia, Paris, 1672, t. i, col. 598 ; Bail, Sumnut conciliorum omnium, 2 in-fol., Paris, 1672, t. il, p. 20 ; Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église touchant les bénéfices et les bénéficier, 5 in-fol., Paris, 1679-1681, part. I, t. III, c. ii, iii, t. i, p. 332-337.

Ils étaient tellement convaincus de leurs devoirs à ce sujet, que l'Église n’avait pas encore senti le besoin de promulguer des lois pour régulariser la perception de ces redevances. Tout était laissé à l’inspiration et à la charité de chacun. L'Église n’entassait pas, mais distribuait, soit aux pauvres, soit à ses ministres, les ressources, au fur et à mesure qu’elles lui arrivaient. Ce n’est guère, en elfet, que dans le cours du iiie siècle, qu’elle posséda quelques biens immeubles dont les revenus furent affectés à assurer l’avenir de ses œuvres. Cf. Lactance, De morte persecutor., c. xlviii, P. L., t. vii, col. 267 ; Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, t. II, c. xxxv-xii, P. G., t. xx, col. 1013-1017. Quand la paix lui fut rendue, ces acquisitions se multiplièrent ; des biens-fonds furent constitués, et des revenus fixes lui appartinrent. Le casuel devint alors beaucoup moins nécessaire pour l’entretien des ministres des autels, à mesure que le patrimoine ecclésiastique se formait, grâce à la protection des empereurs chrétiens. Ils voulurent eux-mêmes y contribuer puissamment, soit par leurs largesses, soit par leurs édits, qui reconnaissaient à l'Église le droit de posséder et de recevoir des donations testamentaires, en même temps qu’ils pei mettaient de réglementer les perceptions d’autres redevances régulières, comme celles des prémices et des dîmes. Cf. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église, part. I, t. III, c ii-xr, t. i, p. 335-357 ; Mansi, Concil., t. ix, col. 947. Le droit romain à cette époque abonde en prescriptions de ce genre. Cod. Justin., I. I, tit. iii, c. xx ; Cod. Theodos., t. V, tit. iii, c. i ; t. XVI, tit. ii, C xx, xxvii, xxviii ; Novel., V, XXXVII, XLIII, i ; CXXXI, v. Les terres de l'Église étaient même exemptées d’impôts. Cod. Justin., I. I, tit. xxii ; Cod. Theodos., t. II, lit. i, c. i ; t. XVI, tit. i, c. i, ii, viii, x, xix, xxi, xxiv, xxix, xxx, etc.

L'Église, d’ailleurs, avait toujours été extrêmement circonspecte pour autoriser ses prêtres à recevoir un casuel proprement dit, c’est-à-dire une rétribution à l’occasion des sacrements. Tout en admettant et en proclamant la légitimité de cet usage, elle craignait que, par un effet de l’infirmité humaine, plusieurs de ses ministres ne fussent exposés par là à tomber dans le crime de simonie. Les fidèles peu éclairés, ou les ennemis de notre foi n’auraient pas manqué de s’en prévaloir pour répéter que l’on pouvait vendre et acheter les sacrements à prix d’argent. Aussi, suivant que le danger de sirnonie était plus ou moins probable, et que les ressources fixes des diocèses étaient plus ou moins considérables, les coutumes à cet égard varièrent, soit avec les temps, soit avec les lieux. Nous allons indiquer succinctement les principales phases par lesquelles I la discipline en ce <|iii concerne le casuel, soit il a la collation des sacrements, soit par rapport aux autres fonctions ecclésiastiques.

1 « Casuel du baptême. - Dans plusieurs églises, entre autres celles d’I spagne, d’Italie et d’Afrique, la urne s'était introduite de donner quelques pièces d’argent en recevant le baptême. Si l’on considère combien dans c< siècles reculés, la ferveur était grande et la foi était pure, on ne peut douter qui' ces dons ne fussent pleinement volontaires. Les saints Pères

qui mentionnent cet antique usage, n’y découvrent pas la moindre ombre de simonie. Cf. S. Ambroise, De sacramentis, t. III, c. i, P. L., t. xvi, col. 431 ; S. Augustin, Epist., liv, ad Januar., c. vii, n. 9, P. L., t. xxxiii, col. 204. Mais avec le cours des années, la coutume devint comme une sorte de loi obligatoire, et ce qui avait été d’abord libre parut nécessaire. Trop de prêtres s’habituèrent à regarder ces libéralités comme le paiement d’une dette. Ainsi, par la malice des hommes, une pratique d’abord innocente fut entachée de simonie. Les conciles jugèrent alors à propos de l’abolir, surtout dans les pays où le clergé avait d’autres ressources pour son entretien.

Cette question du casuel du baptême fut agitée dans un concile régional, quelques années même avant que Constantin eût rendu la paix à l'Église. Ce fut au concile tenu à Elvire, en 305. Dans son canon 48e sur la discipline, il défendit même les dons volontaires, car non seulement il n’autorisa pas les ministres des sacrements à exiger quoi que ce fût, mais il empêcha les nouveaux baptisés de jeter de l’argent dans le tronc ou trésor de l'Église : Emendari placuit, ut hi qui baptizantur, ut fieri solebat, nummos in concham non mittant, ne sacerdos quod gratis accepit, prelio distrahere videatur. Labbe, Sacr. concilia, X. i, p. 598 ; Mansi, Concil., t. ii, col. 13 ; Bail, Summa conciliorum omnium, t. ii, p. 20, col. 2 ; Guérin, Les conciles généraux et particuliers, 3e édit., Paris, 1868, t. i, p. 41.

La raison de cette sévérité, qui paraîtra excessive, était le grave abus par lequel les pauvres différaient de recevoir ce sacrement de la régénération' ou de le procurer à leurs enfants, sous prétexte qu’ils n’avaient pas de quoi faire à l'Église le présent que la coutume commandait d’offrir à l’occasion du baptême. Malgré les prescriptions si formelles du concile d’Elvire, ils continuèrent à ne pas s’en croire dispensés, tant une coutume invétérée plonge de profondes racines dans les cœurs. D’ailleurs, il faut l’avouer, ils étaient entretenus dans cette persuasion par la conduite coupable de certains prêtres mercenaires, qui trop souvent se refusaient à baptiser les enfants dont les parents n’avaient rien à leur donner. Cette avarice sordide avait été la cause de la perte éternelle de ces âmes infortunées.

Plus de deux siècles après le concile d’Elvire, en 573, le IIIe concile de Braga, en Portugal, défendit encore, sous les peines les plus sévères, de rien réclamer. 11 permit cependant d’accepter les dons volontaires, can. 7 : Hi qui infantes suos ad baptismum offerunt, si quid vohinlarie pro suo offerunt voto, suscipiatur ab eis ; si vero, per nécessitaient paupertalis, aliquid non habent quod offerant, nullum illis pignus violenter tollatur a clericis, nam mnlti pauperes hoc timentes, filios suos a baptismo retrahunt. Mansi, t. IX, col. 840 ; Labbe, t. vt, col. 580.

Ainsi, quoique cet abus si déplorable n’eût pas cessé, le concile de Braga crut néanmoins devoir mitiger les prescriptions trop absolues du concile d’Elvire. Il en fut de même dans la suite. Une foule de conciles, tout en défendant de rien exiger pour le baptême, permirent pourtant de recevoir ce qui serait spontanément offert. Celle coutume devint dès lors générale et se maintint à travers les siècles, car on n’y vit jamais la moindre trace de simonie. Entre autres testes de luis disciplinaires, de ces temps reculés, citons le 9° canon du concile de Mérida, en Portugal (666) : Quod si quis offerat per bonam voluntatem, accipiat graie. Mansi. t. xi, col. 80. Le 8' canon du XI' concile de Tolède (675) défend sous peine d’excommunication de rien prendre, excepté' ce

qu’on offre volontairement. Le texte de cette loi a donné' lieu à une discussion qui ne manque pas d’intérêt. Dans la plupart des manuscrits, on lit : Quicumque pro baplitandis… prelia qumlibel vel preemia, nisi voi.vntarie oblata, susceperit, si presbyte ? est, trium mensium