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CAROLINS (LIVRES)


dans Hefele, op. cit., p. 716-717 ; trad., p. 141-142, la liste des passages des livres carolins qui correspondent aux citations de la lettre du pape.

Cette première question résolue, il s’en présente une seconde, qui est la suivante : la priorité appartient-elle aux livres carolins actuels ou aux capitula qui furent envoyés à Adrien ? Petau, op. cit., n. 8, p. 242, pense que les livres carolins auraient été composés trois ans après le concile de Nicée (donc en 790), comme il est dit dans la préface du t. I, col. 1003 ; puis, le concile de Francfort (794) en aurait recueilli les titres des chapitres, en modifiant leur ordre et parfois leur énoncé, et cet extrait, ce capitulare, comme l’appelle Adrien 1 er, col. 1249, aurait été envoyé à Rome. Dans sa l, e édition, trad., p. 140, Hefele avait été d’avis que les capitula transmis au pape furent antérieurs à nos livres carolins, et que ceux-ci ont été élaborés après coup, par ordre de Charlemagne, pour renforcer, par des preuves assorties, les capitula primitifs ; dans la 2e édition, p. 713, il a abandonné cette manière de voir pour se ranger à celle de Petau.

II. Doctrines.

Culte des images.

Le pape Adrien fit traduire les actes du IIe concile de Nicée et envoya un exemplaire de cette traduction à Charlemagne. Charlemagne avait alors à se plaindre des Grecs ; ils appuyaient les résistances des princes lombards contre la domination des Francs en Italie, et un projet de mariage entre Rothrude, fills de Charlemagne, et l’empereur grec, Constantin VI, venait d’échouer. Il est permis de croire que Charlemagne fut aise d’avoir une occasion d’humilier les Ryzantins ; parla s’expliquent, en particulier, des passages très vifs des livres carolins contre Constantin VI et sa mère l’impératrice Irène. Du reste, il y avait, dans l’Église franque, des tendances défavorables au culte des images. Et, de plus, la traduction du concile de Nicée était très défectueuse ; il en résulta une méprise grossière sur le fond même du débat. Le concile a nettement établi, sess. VII, Labbe et Cossart, Concilia, Paris, 1671, t. vii, col. 556 ; cf. Denzinger-Slahl, Enchiridion, doc. xxx, 9e édit., Wurzbourg, p. 82, la différence entrel’adoration véritable, àXï)81xï|V Xaipeiav, qui ne convient qu’à Dieu, et l’honneur, xi|j.^, l’adoration improprement dite, la vénération, TC(j.r, xcxr, v 7rpoaLJvT)(7tv, que l’on donne aux images et qui ne s’arrêtent pas à elles, mais qui vont à ceux que les images représentent. Voir t. i, col. 437-438. Or, là où le texte grec portait le mot 7t ?o17x-jv7j<Tiç la traduction latine avait adoratio. Le mot adoratio, dans l’Ecriture, ne désigne pas toujours le culte de latrie ; l’autour des livres carolins le constate, t. I, c. ix, col. 1027-1029. Dans l’usage des théologiens, il a pu s’entendre du culte de dulie quand le contexte ne laissait pas de doute sur le sens véritable. Voir, par exemple, Suarez, De incarnat., disp. LIV, De usu et adoralione imaginum, p. 790 sq. Dans la traduction latine des actes du concile de Nicée, ce mot avait tout au [dus une signification équivoque ; l’auteur destivres carolins, qui interpréta, sur toute la ligne, le texte traduit du concile dans le sens le plus défavorable, part de cette idée que le concile réclame pour les images l’adoration proprement dile. Un autre passage de la traduction, qui ne pouvait que le confirmer dans son erreur, est celui qui fait dire à Constantin, évêque de Constantia, dans l’Ile de Chypre, et cela errteris (episcopis) consentientibus : Suscipio et amplector honorabiliter sanctas et venerandas imagines secundum servitium adorationis quod consvbstantiali et rivi/icatrici Trinù tali emitto, col. 1148. Or, il y a dans l’original, Labbe et Cossart, op. cit., col. 188 : « J’accepte et je baise avec honneur les saintes et vénérables images ; quant à l’adoration qui consiste dans la latrie, c’est-à-dire dans le service dû à Dieu, je la réserve à la seule supersubstantielle et vivifiante Trinité. » Le malentendu était donc aussi grave que possible ; le concile de Nicée reluseaux

images l’adoration proprement dite, et les livres carolins s’indignent de ce que le concile de Nicée la leur accorde.

Mais tout le conflit tenait-il à un malentendu ? Le concile de Nicée déniait aux images le culte de latrie, mais déclarait légitime un culte inférieur, de simple vénération. Là-dessus les livres carolins s’accordent-ils avec lui ? A se fier à certaines apparences on pourrait d’abord le croire. Dans la préface du t. I, col. 1002-1005, nous lisons des paroles aussi dures contre le synode iconoclaste deConstantinople (en 751 ; les livres carolins, col. 1002, le placent à tort en Bithynie) que contre celui de Nicée incriminé à faux pour avoir prescrit l’adoration des images. Çà et là les livres carolins semblent ne blâmer que le culte de latrie décerné aux images, et admettre qu’on puisse leur rendre un certain culte. C’est ainsi qu’à l’objection tirée de ce fait que le pape Sylvestre porta des images à l’empereur Constantin, ils répondent, t. II, c. xiii, col. 1078 : 1° Le livre des Actes de saint Sylvestre, qui raconte ce fait, n’a pas de crédit ; 2° si le pape a présenté des images à Constantin, ce n’était pas pour que celui-ci les « adorât » ; 3° s’il avait ordonné à Constantin de les « adorer » , ideo fortassis juberet ut eum qui visibilium cullor crat per visibilia ad invisibi/ia provocaret ; donc, conclut-on, il peut y avoir des circonstances, de l’aveu des livres carolins, où le culte des images peut être utile. Noël Alexandre, P. L., col. 979-988 ; Witasse, op. cit., p. 531532, 558-568, ont essayé d’établir que les livres carolins ne sont pas absolument hostiles à tout culte envers les images. Petau, op. cit., c. xvi, n. 2-4, p. 262-261, préfère (veri arbitror esse similius) l’opinion d’après laquelle ces livres excluent toute sorte de culte. Il est difficile de n’être pas de son avis. Les livres carolins protestent que les images ne sont pas des idoles et ne veulent pas qu’on les détruise, mais en affirmant que leur utilité se réduit à orner les églises, à rappeler les souvenirs du passé, t. I, prsef., col. 1006 : imagines in ornamentis ecclesiarum et memoria rerum gestarum liabentes, et solum Deum adorantes et ejus sanctis opporlunam venerationem exliibenles, nec cum illis frangimus nec cum islisadoramus. A Dieu l’adoration, aux saints la vénération, mais nullum penilus locum imaginum ctillus et adoratio tenent, t. II, c. xxi, col. 1085, et encore, col. 1085-1086 : Sanctis… veneralio exltibenda est, imagines vero, omni suicullura et adoralione seclusa, ulrum in basilicis propter memoriam rerum gestarum et ornamentum sint an etiam non sinl, nullum fidei catholicm aflerre poterunt præjudicium. Il importe peu d’en avoir ou de ne pas en avoir ; elles ne sont nécessaires à aucun tilre. On ne doit, en aucune manière, les comparer à la croix du Christ ou à l’Écriture sainte, aux vases sacrés, aux reliques des corps et des habits des saints ; tous ces objets sont vénérés, conformément à une tradition ancienne, tandis que les images ne le sont pas. L. II, c. xxvin-xxx, col. 1096-1109 ; t. III, c. xxiv, col. 1165-1166. On ne peut dire que l’honneur rendu aux images passe aux saints que les images représentent, L. II, c. xvi, col. 1146-1148 ; cf. J. Tunnel, Histoire delà théologie positive, Paris, 1904, p. 4-80, 481. Il est insensé d’allumer des cierges et de brûler de l’encens devant les images. L. IV, c. ni, col. 1187-1188. Si elles sont saintes, comme on le prétend, pourquoi les placer sur les chemins ou dans les places publiques, qui ne sont pas des lieux saints ? L. IV, c. xxvi, col. 1243-1244. Ln outre, t. IV, c. XXVII, col. 1241-1246, toutes les images ne sont pas belles ; si la mesure de leur beauté est celle de leur sainteté et de leur efficacité, celles qui sont dépourvues de beauté ne sont pas saintes et efficaces, et ainsi leur sainteté’ne vient pas d’un motif de religion, mais de l’habileté de l’artiste. Dira-ton que l’honneur dû aux Images est indépendant de leur valeur artistique ? Dans ce cas, il n’y a qu’à supprimer la justice,