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CARMES (ORDRE DES)


gidarhtm, 2 vol., Gand, 1899. Dans les sciences exactes, le P. Jérôme de l’Immaculée-Conception (Pierre Badani, f 1847) tient le premier rang. Tenu en grande estime par Napoléon I er, il lut longtemps la lumière de l’université de Gènes ; il découvrit la résolution générale des équations algébriques, problème réputé insoluble.

La plus importante contribution que le Carmel ait faite pour l’étude de l’Écriture sainte est comprise dans les 4 vol. de la Bibliotfteca criticse sacrse et les 9 vol. de la Sununa criticse sacrse de Chérubin de Saint-Joseph († 1716). Thaddée de Saint-Adam (Antoine Dereser, f 1828), docteur et professeur à l’université d’Heidelberg, gâta par son rationalisme ses vastes talents. Il vengea pourtant, d’une manière aussi savante que solide, la canonicité des livres deutérocanoniques.

En histoire, les Réflexions sur les règles et l’usage de la critique, du P. Honoré de Sainte-Marie ( f 1729), forment un ouvrage capital et de haute érudition. Il fut traduit en plusieurs langues. Le P. Honoré édita, de plus, contre les jansénistes et les pseudo-mystiques de son temps, des études auxquelles rien ne semble manquer. Le P.Alexandre de Saint-Jean de la Croix († 1795) continua l’histoire de l’Église par Fleury.

Le P. Paulin de Saint-Barthélémy († 1806) a le mérite d’avoir écrit la première grammaire sanscrite et d’avoir ouvert le chemin à la philologie comparée ; de plus ses recherches en histoire orientale furent des plus fructueuses. D’autres missionnaires encore ont travaillé aux langues orientales, surtout en Perse. Citons le P. Célestin de Sainte-Lidwine († 1672) et le P. Ange de Saint-Joseph († 1697) ; les publications de ce dernier sont encore aujourd’hui tenues en grande estime.

En Pologne, les carmes déchaussés se rendirent célèbres par leurs disputes publiques avec les hérétiques ; ainsi, le P. Jean-Marie de Saint-Joseph, dans une assemblée des plus soleniisl’LS, convainquit d’erreur le socinien Jean Statorius (Statowski) et plusieurs de ses adhérents. Il refusa constamment le siège épiscopal de Lublin et mourut en 1635. En France, le P. Pierre Thomas de Sainte-Barbe († 1766) tourna ses efforts contre le gallicanisme ; le P. Marc de Saint-François († 1793), contre le jansénisme.

Plus importante que tout cela est la part prise par l’ordre des carmes dans le domaine de la mystique. En mystique, le Carmel du moyen âge avait été presque stérile ; mais à partir du XVIe siècle les carmes prirent décidément les devants. Il suffît de nommer sainte Thérèse et celui qui fut à la fois son disciple et son maître, saint Jean de la Croix, pour mettre en évidence les mérites de l’ordre à ce sujet. Thérèse passa par toutes les phases de la vie mystique et fit l’expérience des phénomènes surnaturels les plus relevés. Sur l’ordre de son confesseur, elle écrivit le récit de sa vie ; ses traités sur l’oraison témoignent de sa science infuse. Saint Jean de la Croix, écrivant sur le même sujet, éleva sa théologie mystique sur les bases solides de la psychologie thomiste. Il insiste surtout sur la nécessité du dénùment de l’âme ; de même que le bois avant de prendre feu doit être desséché, de même l’âme avant d’être embrasée par l’amour divin doit passer par la mortification systématique de toutes ses facultés. Sainte Thérèse et saint Jean de la Croix sont restés les maîtres incontestés de la théologie mystique. La contemplation étant devenue une portion principale dans la vie des enfants spirituels de sainte Thérèse, il est naturel que le mysticisme ail été étudie 1 par eux sous tous ses points de vue. De fait, il a été réduit en véritable système théologique, toujours selon les principes de saint Thomas. La partie ascétique ne fut jamais exposée avec plus de lucidité que par le vénérable I’. Jean de Jésus-Marie ( ; 1615) ; le vénérable P. Jérôme Gralien, le conlesscur et le dis ciple fidèle de l’illustre réformatrice du Carmel, consacra aussi ses talents et sa plume à cette branche de la science sacrée ; le P. Modeste de Saint-Amable (fl681), dans ses traités sur l’art d’obéir et l’art de commander, décrivit, à la perfection, les devoirs des supérieurs et des sujets. La partie purement mystique a exercé les talents d’écrivains tels que le vénérable P. Thomas de Jésus († 1627) ; ce savant et saint religieux réunissait en lui seul les deux aspects de la vie du Carmel : la contemplation, comme auteur de plusieurs ouvrages d’une haute spiritualité et comme premier instituteur des « déserts » ; l’action, comme propagateur des missions non seulement dans l’ordre, mais dans l’Église entière. Parmi les auteurs mystiques carmes déchaussés, il faut nommer encore le P. Philippe de la Sainte-Trinité, dont la Summa theologisc mystiese (rééditée en 1875), représente la doctrine de l’ordre en cette matière, Antoine du Saint-Esprit, évêque d’Angola († 1674), avec son Directorium mysticum, Antoine de l’Annonciation († 1714), enfin, Joseph du Saint-Esprit († 1739), auteur d’un grand cours de théologie mystique en 3 volumes.

Parmi les carmes de l’ancienne observance, sainte _ Marie-Magdeleine de Pazzi occupe la place occupée par sainte Thérèse dans la réforme ; citons aussi le P. Michel de Saint-Augustin († 1684), et le frère convers Jean de Saint-Samson († 1636), auteur de plusieurs ouvrages ascétiques et mystiques. Un autre frère convers, déchaussé celui-ci, Laurent de la Résurrection († 1680), mérite d’être cité ; ses conversations et ses lettres, œuvre posthume, constituent un petit livre d’or.

IX. Dévotions.

Il nous reste à ajouter un mot sur les dévotions principales des carmes. Consacré à la sainte Vierge, l’ordre du Carmel s’est toujours tait un devoir particulier de pratiquer et de propager la dévotion envers sa céleste patronne. Totus marianus est, c’est le témoignage unanime des écrivains. Aussi, la sainte Vierge, sa personne, ses privilèges, son culte défraient-ils en grande partie la littérature carmélitaine ; livres de dévotions, sermons, traités académiques, se trouvaient en grande abondance dans les bibliothèques du moyen âge ; les siècles suivants n’ont pas été moins féconds. Le Carmel s’est fait un des défenseurs et un des propagateurs les plus zélés de la dévotion envers le privilège de l’Immaculée Conception. Dès le commencement du XIVe siècle, la fête de la Conception était célébrée parmi eux avec la plus grande splendeur, et la cour romaine avait l’habitude d’assister officiellement dans leurs églises aux solennités de la fête. La dévotion au scapulaire (voir ce mot) commenta à se répandre dès le milieu du xive siècle et prit dès lors des proportions toujours croissantes. Elle fut entre les mains des carmes le moyen préféré d’accroître parmi les populations la vénération pour la Mère de Dieu. Les images miraculeuses de la sainte Vierge, vénérées dans les églises du Carmel, sont très nombreuses, nous ne mentionnerons que celle de Toulouse et celle de Naples. La sainte eucharistie a toujours été entourée au Carmel de la dévotion la plus tendre ; il suffit de rappeler les effusions admirables de sainte Thérèse envers le saint-sacrement. Les carmes semblent avoir inauguré dans l’Église latine, la dévotion envers sainte Anne, mère de la sainte Vierge ; on rencontre sa fête dans leur liturgie, des 1315. Depuis la fin du xv siècle, saint Joachiin partage au Carmel les honneurs rendus à sa sainte épouse. La fête de saint Joseph apparaît pour la première fois dans les documents liturgiques de l’ordre, en li-80 ; cependant, il existe des marques de dévotion privée ou même locale envers ce saint, antérieures à cette époque. Ce n’est pas le moindre mérite de sainte Thérèse et de sa réforme d’avoir répandu dans le monde entier le culte du patriarche de Nazareth. Une dévotion plus moderne, mais très populaire, est celle de l’Enfant-Jésus de Prague. Elle fut inaugurée en 1629, par le P. Cyrille