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CARLOVITZ


pol, Szégédin, Buda et Alba Regalensis, Mohacs et Szigethvar, Versecz, Gross-Vardein et Eger. Le total s’en élève à sept. Comparées, les deux listes n’offrent que deux éléments communs : les noms de Buda et d’I.’nopol. Il est probable d’ailleurs qu’elles ne nous livrent ni l’une ni l’autre la situation véritable et l’état réel des évêchés serbes à la date de 1690. Celle du Syntagmation, bien qu’imprimée en 1715, se réfère peut-être à des documents bien antérieurs, ou, ce qui ne paraît pas invraisemblable, pourrait être inexacte et fautive. Celle que renferme le diplôme impérial énumère les évêchés existants en 1695, après la réorganisation opérée par le patriarche Arsène. Or il est à croire que cette réorganisation avait entraîné avec elle des changements, suppressions, additions ou translations de sièges anciens sans que l’on puisse en préciser la nature ou l’étendue. III. De 1690 a 1848. — L’émigration serbe de 1690 s’était faite sous la conduite du patriarche Arsène et du vice-voïévode Jean Monasterlija. Ce dernier, que les Serbes considéraient un peu comme le locum tenons du despote prisonnier, n’eut, en dépit des promesses relatives à l’organisation de la nation serbe en groupe autonome, au point de vue administratif et politique, aucun rôle important à jouer. Il ne fut même pas remplacé après sa mort, et la dignité de voïévode resta dès alors supprimée. D’ailleurs, dès 1691, Léopold avait, par son diplôme du 20 août, conféré pleins pouvoirs au patriarche, dans l’ordre civil comme dans le domaine religieux : ut omnes ab archiepiscopo, tanquam capite suo ecclesiastico, tant in spiritualibus guam in ssecularibus dependeant. Radich, op. cit., p. 50. En fait, à partir de 1729, en droit, depuis 1779, la juridiction civile du primat serbe fut bien réduite et même presque entièrement supprimée. Dans le domaine religieux et ecclésiastique, ses pouvoirs ne subirent pas dans la suite de restrictions sérieuses. Il put, dés le début, en user pleinement et même en abuser, comme nous allons le voir. A peine installé sur le sol hongrois, à Saint-André, localité située sur le Danube, un peu au-dessus de Buda, et où, dès les premières migrations, les Serbes s’étaient établis en nombre, le patriarche Arsène se mita l’œuvre et consacra une partie de ses forces et de son activité à la réorganisation de l’Église dont il était devenu le chef. Le surplus fut dépensé dans la lutte contre la propagande catholique. Cette dernière avait obtenu de sérieux succès auprès des Serbes émigrés, puisque, en 1690, 1a Croatie et la Syrmie possédaient chacune un évêché serbe-uni. Arsène, profitant de l’étendue et de l’imprécision même des pouvoirs qui lui avaient été reconnus, prétendit posséder sur ces deux diocèses juridiction pleine et entière. Le diplôme impérial du 20 août 1691 s’exprimait ainsi : … grseci rilus ecclesiis et ejusdem professionis communitati prseesse valent et propria auctoritate ecclesiastica… in tola Gracia, liascia, Bulgaria, Dalmatia, Bosnia, Ienopoliæt Herzegovina, nec non in Ilungaria et Croalia, Mijsia et Illyria … facultate disponendi gaudeat. Celui du 4 mars 1695 renouvelle ces pouvoirs et accorde le confirniatur impérial aux titulaires désignés pour occuper les sept épiscopaux, alors établis, Radich, op. cit., p. 47, 48 ; Engel, op. cit., t. ii, p. 198-199. Cette dernière pièce spécifiait, il est vrai, que les pouvoirs en question ne visaient que les Serbes émigrés en 1690, populos serviattos de turcica seriHtute recenter vindicatos. Markovich, op. cit., p. 418. Ceux qui constituaient le novau principal des diocèses unis de Martch et d’Hopovo s trouvaient donc soustraits ; niais Arsène ne l’entendit pas ainsi. Tant qu’il était resté sur son trône patriarcal d’Ipek, il s’était montré assez disposé à une entente avec Rome, il avait même fail transmettre en 1688 au pape Innocent XI une lettre relative à cette grave question. Markovich, op. cit., p. 4IS, note 39. Lorsqu’il en fut descendu et qu’il eut trouvé en Autriche un refuge et

une seconde patrie, il se déclara l’adversaire acharné de l’union. La crainte de voir l’Autriche s’en faire un instrument pour dénationaliser les Serbes ne fut peut-être pas étrangère à ce soudain revirement. Quoi qu’il en soit du motif déterminant, Arsène commença par s’emparer des monastères de Syrmie, nombreux alors dans cette région où aujourd’hui encore on n’en compte pas moins de treize, disséminés sur la Fruska Gora ; il mit la main sur le district d’Essek et sur celui de Pakraz qui relevaient alors du siège de Syrmie. Ce dernier avait pour titulaire, depuis 1690, un homme sincèrement attaché à l’union, Pierre Ljubibraticli. Chassé d’Hopovo, sa résidence officielle, par les manœuvres des orthodoxes, il se réfugia d’abord à Essek, puis à Pakraz, de là, sur les contins du banat, aux extrêmes limites de son diocèse. Il s’adressait de tous côtés pour trouver appui et secours. Ses appels à la puissance civile et à 1 autorité religieuse ne paraissent pas avoir été entendus, et il mourut en 1705, sans avoir eu la consolation de rentrer à sa résidence d’Hopovo. On ne lui donna pas de successeur ; la cause de l’union, peu ou point défendue, continua à décliner ; la plupart des anciens convertis revinrent à l’orthodoxie ; le petit nombre de ceux qui restèrent fidèles passa au rite latin. Nilles, op. cit., p. 751, 752. Le procès-verbal d’une enquête judiciaire datée du 12 janvier 1701, ibid., p. 751, note 1, nous livre, pris sur le vif, les procédés dont usait le peu scrupuleux patriarche pour arriver à ses fins : circulaires clandestines, réunions secrètes, troubles organisés ; les moines étaient en la circonstance ses agents les plus dévoués et les plus actifs. Il employa les mêmes manœuvres en Croatie pour venir à bout de l’évêque et des Serbes-unis du diocèse de Varasdin ; mais la défense y fut plus opiniâtre et plus heureuse. Une lettre du cardinal Kollonich, datée du 25 février 1699, vint lui rappeler qu’il ne pouvait prétendre à exercer de juridiction que sur les orthodoxes émigrés avec lui de Serbie. Elle ajoutait que l’envoi de légats ou de visiteurs dans les différentes provinces de la Hongrie, de la Croatie et de la Slavonie était de sa part un abus de ses pouvoirs, et la création par lui de nouveaux évoques, une atteinte aux droits de l’empereur. Nilles, op. cit., p. 754. La lutte n’en continua pas moins sous ses successeurs.

En 1713, nous voyons le métropolitain de Carlovitz travailler à la constitution de deux nouveaux évêchés, l’un à Séverin, dans la généralité de Varasdin, l’autre à Kostanica, sur les confins du banat. Plusieurs monastères, notamment ceux de Lépavina et de Komogovin, étaient passés du côté des orthodoxes. Celui de Gomirjé fit de même en 1716. En 1727, le primat serbe prétend asseoir un de ses partisans sur le siège de Martch. Nouvelles tentatives pour s’en emparer, en 1736. L’année suivante, à l’occasion de la fêle patronale de l’église, le monastère de Saint-Nicolas est envahi et mis au pillage par les orthodoxes. Le sièi ; e del’évôché passe, vers 1753, de Martch à Préséka. En 1777, Marie-Thérèse, après entente avec Rome, le fixe définitivement à Kreuz, et autorise son érection en évéché indépendant, car le titulaire de Martch n’avait été jusque-là qu’un simple coadjuteiir de l’évêque latin pour les Serbes-unis. Nilles, op. cit., p. 28-31.

Tant qu’Arsène vécut, la situation canonique de l’Eglise serbe d’Autriche n’offrit rien d’anormal. Elle était, de fait et de droit, autonome, ayant à sa tête un patriarche régulièrement élu, et auquel son exode de Serbie en Autriche n’avait rien enlevé des droits que lui conféraient son élection et sa consécration. Mais à sa morl (1706), il fallut songer à régulariser la situation. Les Turcs lui avaient donné comme successeur sur le trône d’Ipek le grec Callinique. C’est avec ce dernier que s’engagèrent

les négociations qui aboutirent, vers 1708, à la reconnaissance officielle par le patriarcal d’Ipek, d’une métropole spéciale, et presque autououie, de fait, pour les