Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée
1759
1760
GARLOVITZ


hongrois ; ils jouiraient d’une large autonomie administrative, sous la direction d’un voïévode librement élu par la nation, et de la plus complète liberté religieuse, sous la juridiction suprême d’un archevêque désigné par le clergé et le peuple assemblés, et disposant des pouvoirs les plus étendus pour organiser l’Église serbe. Dans l’énumération des provinces soumises à la juridiction du primat serbe, se rencontre, en dehors de la Hongrie et de la Croatie, dépendances de l’Autriche, toute une série de pays, Grèce, Rascie, Bulgarie, etc., situés hors des limites de l’empire austro-hongrois, et sur lesquels son pouvoir n’aurait jamais à s’exercer. L’empereur s’engageait, de plus, à rétablir la nation serbe sur les terres qu’elle venait d’abandonner, dès que la Serbie serait reconquise sur les Turcs. En attendant, il lui concéderait dans son empire un territoire distinct, où elle pourrait se grouper et s’organiser. En échange de ces privilèges, les Serbes s’engageaient à servir fidèlement l’empire et à défendre ses frontières contre les Turcs. Radich, op. cit., p. 4$1-$28. Si les Serbes furent fidèles au pacte conclu, et versèrent leur sang sar.-s compter pour la maison d’Autriche, celle-ci de son côté remplit, dans l’ensemble, les engagements qu’elle avait contractés à leur égard. L’autonomie politique et administrative qu’elle leur avait laissé entrevoir ne pouvait guère se concilier avec les exigences et les prétentions de la politique austro-hongroise ; aussi fut-elle incomplètement réalisée, dès le début, et dans la suite, sacrifiée plus d’une fois à des intérêts plus pressants. La charge de voïévode, établie en principe, ne reçut jamais de titulaire, et, jusqu’à nos jours, la nation rascienne a dû se résigner à subir le joug politique des Magyars. L’Église serbe put, du moins, jouir pleinement des privilèges qui lui avaient été garantis par l’Autriche. L’histoire de son établissement et de son développement, qu’il nous reste à étudier, permettra d’en mesurer la valeur et l’importance.

IL L’Église serbe d’Autriciie-Hongrie avant 1690. — L’histoire de cette période est encore à faire. Elle offre d’ailleurs de sérieuses difficultés à cause de la nature même de son objet. Il existait bien des évèchés orthodoxes serbes, en Croatie, en Syrmie, en Hongrie, avant 1690, mais isolés, semble-t-il, sans lien, sans unité. Il n’existait pas d’Église serbe proprement dite ; celle-ci doit son origine au diplôme impérial du 20 août 1691, qui lui donna une tête et un chef dans la personne du patriarche transfuge et de ses successeurs, et groupa autour de lui les éléments épars de la nationalité et de l’Église serbe en Autriche. L’histoire de cette Église avant 1690 tient donc tout entière dans les maigres et incomplets renseignements recueillis jusqu’ici sur l’existence, l’origine et les transformations des évêchés en question.

Le nombre en est fort incertain ; les débuts précis de la plupart d’entre eux restent inconnus ; tout ce que l’on sait de quelques-uns, c’est le nom de certains de leurs titulaires. Goloubinski, Kratkii otcherk istorii, p. 606614, en donne la liste suivante, que nous reproduisons avec quelques renseignements historiques sur chacun d’entre eux :

1 » Évêché de Syrmie, dont le titulaire avait sa résidence au monastère de ; Krouchedol. On a déjà vu plus haut qu’il fut fondé, vers 1550, par Maxime Hrankovich, successivement despote, moine, puis évêque d’Ougro-Valachie. Quelle fut, au moment de sa fondation, sa situation vis-à-vis du patriarcat dlpek ? Goloubinski, op. cit., p. 607, admet comme plus vraisemblable son indépendance absolue, et pense qu’il avait été créé dans le but de servir de centre et de métropole aux groupements ecclésiastiques serbes éparpillés en terre autrichienne et hongroise. Mais les Turcs étant restés maîtres, pendant une bonne partie du xvie siècle, de 1521 à 1567, des territoires occupés par les réfugiés serbes, il est vraisemblable

que ceux-ci retombèrent, à cette époque, sous la juridiction du primat d’Ipek. L’évèché de Syrmie avait cessé d’exister en 1690, ou plutôt s’était fondu dans celui de Témesvar et Iénopol, puisque, d’une part, il n’est pas mentionné dans le privilège impérial du 4 mars 1695 constituant les nouveaux évêchés d’après le nombre des sièges anciens alors subsistants, et que, d’autre part, l’évêque de Témesvar et Iénopol joint à ses autres titres celui d’archimandrite de Krouchedol. On croit savoir le nom de l’un de ses titulaires, Joachim, qui se trouvait vers 1667 en Russie, pour y recueillir des aumônes. Encore l’appellation d’évêque serbo-slavon accolée à son nom et qui pourrait convenir aussi bien à l’évêque de Pozéga, en Slavonie, laisserait-elle subsister des doutes sérieux sur son authenticité.

Évêché de Buda.

Son existence reste douteuse, attendu qu’elle n’est appuyée que sur la mention, dans un évangéliaire serbe, à la date de 1552, d’un métropolite de Buda, du nom de Mathieu. Or le mot serbe qui correspond au nom de Buda peut désigner également la ville serbe de Budiml ou Budim. Nous ne le mentionnons donc que pour mémoire.

3° Évêché de Szégédin et Bacs, en Hongrie. — La première mention que l’on rencontre de cet évêché remonte à l’année 1579. La date de sa fondation reste inconnue.

4° Évêché de Varasdin ou de Martch, en Croatie, dont la juridiction s’étendit sur les comitats de Varasdin et de Kreuz, avec résidence du titulaire au monastère de Saint-Michel de Martch, près de Kreuz. Grâce aux documents recueillis par le P. Nilles, Symbolæ adUlustrandam historiam Ecclesix orientalis in terris coronee S. Stephani, Inspruck, 1885, t. ii, p. 730-748, son histoire reste moins inconnue que celle des précédents.

Ce fut l’émigration, mentionnée plus haut, de plusieurs milliers de familles serbes de Bosnie en Croatie, vers 1573, qui fut l’occasion de son érection. Ces émigrants bosniaques avaient amené avec eux leur vieil évêque Gabriel et une troupe de moines. Entourés de Croates catholiques, et touchés par la charité de ceux qui les avaient accueillis, les nouveaux venus se laissèrent facilement gagner par la propagande catholique. A la mort de leur vieil évêque, un évêché de rite grecuni fut érigé pour eux. Il eut pour premier titulaire Siméon Vrétanja, l’un des moines émigrés, qui s’était converti à l’union, et s’en était fait l’apôtre parmi ses compatriotes. Consacre à Rome, en 1611, par Paul V, le nouvel élu prit avec le titre d’évêque de Svidin celui d’archimandrite de Saint-Michel.

Le premier de ces titres reste pour nous inexpliqué ; on ne Connaît pas, dans les provinces soumises à sa juridiction, laquelle, aux termes mêmes de la lettre de confirmation de Paul V, s’étendait sur les Rasciens unis de rite grec, en Croatie, en Slavonie, en Hongrie même et en Carniole, de ville ou de localité importante portant ce nom. Le second s’explique mieux. Siméon Vrétanja, avec le concours sans doute de Pierre Domitrovich, d’origine serbe lui aussi, et qui devint évêque latin de Zagreb (1613-1628), restaura la vieille église ruinée de Martch, dédiée à saint Michel, bâtit tout auprès un monastère où il installa les moines basiliens, et y fixa sa propre résidence. Radich, op. cit., p. 28, prétend qu’après avoir été sacré à Rome, Siméon alla se faire reconsacrer à Ochrida par l’archevêque orthodoxe, et, de concert avec les moines de Martch et de Lepavina, abandonna dès lors l’union. Mais cette affirmation n’est pas prouvée et paraît peu vraisemblable. Cf. Nilles, op. cit., p. 743. Ses successeurs, il est vrai, se montrèrent beaucoup moins attachés à l’union : sur cinq d’entre eux, un seul, Basile, paraît y être reste sincèrement fidèle. Après avoir fait profession de foi catholique entre les mains du nonce pontifical à Vienne, ils n’éprouvaient aucun scrupule à aller se faire cou-