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CARLOVITZ


essais successifs de groupement et d’organisation ecclésiastique.

Lors de la grande migration qui amena, des plaines situées au nord des Karpathes sur la rive droite du Danube inférieur et de la Save, une fraction importante du groupe slave, les tribus serbes et croates, invitées par Héraclius à s’installer sur les confins nord de l’empire pour les protéger, quelques groupes se détachèrent sans doute, en cours de route, de la masse des tribus en marche vers le sud et restèrent éparpillés du nord au sud, sur la vaste plaine hongroise. Il y en eut aussi, vraisemblablement, qui, au lieu de se fixer sur la rive droite du Danube et de la Save, où on les avait d’abord confinés, allèrent chercher sur la rive gauche de ces deux fleuves plus d’espace et plus de liberté. On pourrait ainsi faire remonter jusqu’au Vit » siècle l’existence des premiers groupements serbes, éparpillés au nord de la Croatie, en Slavonie, en Syrmie, en Batchkhie, dans le banat de Temesvar et plus haut, jusqu’au pied du versant méridional des Karpathes. Ces premières colonies serbes, noyées, au Xe siècle, sous le Ilot de l’invasion hongroise, ne durent pas disparaître complètement et restèrent, sans doute, comme des centres de ralliement, autour desquels vinrent se grouper, plus tard, les fractions de population serbe que des émigrations successives déversèrent du XIIe au xviiie siècle sur le sol hongrois. Radich, Die V erfassung des obersten Kirchenregiments in der orthodox-kallioiiiiclien Kirche bei den Serbenin Œsterreicli-Ungarn, Versecz, 1877-1878, p. 1-2, A. Rambaud, L’empire grec au Xe siècle, Paris, 1870, p. 450 sq.

Les premières migrations connues des populations serbes commencent à l’époque où le Croissant, à force d’étendre ses conquêtes, finit par rapprocher ses avantpostes des rives du Danube. La Hongrie menacée fait alors appel aux populations chrétiennes échelonnées le long de ses frontières du sud ; elle les invite à s’unir à elle pour repousser l’ennemi commun, et leur offre un abri et des terres sur son propre territoire.

L’une des premières eut lieu sous Bêla II, 1131-1141, dont la femme Hélène, fille d’un jupan serbe, installa un groupe de ses compatriotes dans l’île danubienne de Tchépel, non loin de Budapest. Cette colonie serbe obtint, avec le temps, d’importants privilèges. L’empereur Sigismond concéda, en 1401 et en 1428, à la ville franche de Kovin, qui en faisait partie, de nouveaux territoires, et exempta ses magistrats de toute juridiction supérieure. Ce privilège, ainsi que celui de la franchise d’impôts accordé par Vladislas, lui fut confirmé, en 1458, par Mathias Corvin, et, dans la suile, par plusieurs de ses successeurs. Radich, op. cit., p. 6-7 ; Goloubinski, Kratkii otcherck istorii pravoslavnykh tserkvei bolgarskoï, serbskoï, i roumynskoî, Moscou, 1871, p. 645.

La sanglante bataille de Kossovo (1389) avait porté à la Serbie le coup de grâce. Cependant, les Turcs laissèrent encore une ombre de pouvoir au lils du héros serbe Lazare, tombé à Kossovo. Lorsqu’il mourut en 1427, sans héritier, la charge de despote passa dans la famille des Brankovich. Le premier d’entre eux, Georges I er, s’empressa de céder à Sigismond de Hongrie, Belgrade, Matchva et d’autres territoires serins, contre des possessions en Hongrie, Solnock, Kulpin, Vilagosvar, Tokay, Munkacz, Debreczen, etc., et un palais à Ofen (Buda). Pour occuper ses nouvelles terres et les mettre en rapport, Georges y installa un certain nombre de familles serbes, (huit l’émigration s’était faite à l’insu des Turcs, maîtres ilii pays. Plus tard, en 1439, lorsque son beau-fils, le sulian Mourad, lui eut enlevé Smédérévo, dont il avait fait sa résidence habituelle, Georges obtint encore plus d’une centaine de terres dans les comitats d’Arad et de Zarand, en échange de nouveaux territoires serbes abandonnés a la Hongrie. Il finit par s’y réfugier lui-même, et y vécut du revenu de

ses terres — revenu considérable pour l’époque — entouré d’égards et d’honneurs. En 1446, à la mort de Vladislav, lorsqu’il fut question de désigner un régent pour gouverner durant la minorité de Ladislav le Posthume, son nom figura même dans la liste des candidats éventuels à cette haute fonction. Soucieux de l’avenir de sa famille, il avait eu soin, lors des premières négociations avec Sigismond, en 1426, de faire stipuler que le titre et la dignité de despote resteraient assurés à ses descendants. Radich, op. cit., p. 7-9.

Le troisième exode des Serbes vers la Hongrie se produit à la suite de la complète incorporation de la Serbie à l’empire turc, qui eut lieu en 1459. En dépit de cette transformation, qui faisait de la Serbie une simple province turque, la charge de despote avait été maintenue par le sulian et conférée à Michel Abogovich. C’était déposséder officiellement de ce titre la famille des Brankovich. Aussi, le second fils de Georges I er, Etienne, s’était-il empressé, en 1460, de se faire reconnaître à son tour, en vertu de l’accord conclu par son père avec Sigismond, comme despote des Serbes de Hongrie. Il réussit, à l’exemple de son père, à entraîner avec lui en Hongrie un groupe assez considérable de ses compatriotes, et reçut de Mathias Corvin, en récompense de ce service rendu au royaume, la confirmation officielle de son titre de despote. Une tentative avortée de soulèvement en Serbie l’obligea à se réfugier en Albanie, auprès de Scanderbeg ; à partir de 1407, on le rencontre en Italie, où il mourut peu après. Radich, ibid. ; Engel, Geschichte des ungarisclien Reichs und seiner Ncbenlânder, Halle, 1797-1804, t. iii, p. 444-450.

Un de ses parents, Vuk, avait profité de son éloignement pour se faire décerner le titre de despote. Pour continuer la tradition inaugurée par ses prédécesseurs, ce dernier conduisit, lui aussi, en Hongrie, un groupe nombreux de réfugiés serbes, qu’il installa dans la province de Syrmie. Dans l’une des nombreuses incursions tentées, à cette époque, sur le territoire serbe, un de ses lieutenants, Paul Brankovich, ramena avec lui, du district de Kruchevaz, en Hongrie, plus de 50000 Serbes, qui reçurent des terres dans le comté de Temesvar. Vuk fut auprès de Mathias Corvin persona grata, et son influence valut aux Serbes d’être exemptés par le synode royal de 1481 des dîmes qu’ils avaient dû payer jusque-là au clergé latin de Hongrie. Cette exemption n’était, il est vrai, que provisoire, et ne devait devenir définitive que bien plus tard, sous son deuxième successeur.

L’exode des Serbes vers la Hongrie et la Syrmie se poursuivit sous le despote Georges II, fils du prédécesseur de Vuk, dont la résidence se trouvait fixée à Kupinick, en Syrmie. Ce second Georges Brankovich finit par abdiquer et par se retirer au monastère de Krouchedol, fondé par sa mère Angélina. Il y revêtit, sous le nom de Maxime, l’habit monastique. Consacré hiéromoine par le métropolite Lévit de Sophia, il se rendit en Valachie, sur l’invitation du prince Radou le Grand (1494-1507), et y accepta la dignité’de métropolitain d’Ougro-Valachie, avec résidence à Tergovist. H sut profiter de sa nouvelle situation pour étendre son inlluence etsa juridiction sur les réfugiés serbes établis en Syrmie. L’avènement de Michna I er (1508-1510) et les tentatives de ce prince, ami des Turcs, pour le livrer entre leurs mains, l’obligèrent à abandonner momentanément son siège. Il le réoccupa, rappelé’par Niéga-fiessaraba (15131518), mais pour peu de temps, car il ne tarda pas à se choisir un successeur et à reprendre le chemin de la Svrinie pour aller finir ses jours, vers 1516, au monastère de Krouchedol.

C’est de cette époque que daterait la fondation de t’évéché de Syrmie, le premier évêché serbe en Hongrie, celui dont l’institution marque les débuts de l’Eglise serbe d’Autriche-Hongrie, et prépare pour un avenir encore assez éloigné l’établissement de la métropole de