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CARÊME


vent pas être pris à la lettre, mais considérés comme un chiffre rond. Les dimanches de carême étaient affranchis de la loi du jeûne. A entendre Socrate, H. E., loc. cit., les samedis l’étaient pareillement. Mais cette exception du samedi est bien peu conforme aux usages romains. Il est vrai qu’à propos des Quatre-Temps, saint Léon semblerait abonder dans le sens de l’historien grec : Quarto, igitur et sexta feria jejunemus, dit-il ; sabbato autein ad beatuni Pelrum apostolum vigilemus. Serm., lxxviii, 4, P. L., t. liv, col. 111. Ce n’est là qu’une apparence. Si le pape ne parle pas du jeûne du samedi, c’est qu’il y voyait une « superposition » du jeûne du vendredi : ce qu’il était en réalité. L’auteur du Liber ponti/icalis, édit. Duchesne, t. i, p. 141, insiste au contraire sur le jeûne du samedi. Et la raison en est qu’il prend, ainsi que l’a remarqué Ms r Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 223, note 1, l’observance par son côté pratique et non, comme saint Léon, par son coté traditionnel. Rappelons-nous ce que Tertullien disait du jeûne du vendredi, « continué » le samedi par les psychiques. De jejimiis, c. xiv, P. L., t. il, col. 973. Dans son épître à Decentius, le pape Innocent (401-417) préconisait l’obligation du jeûne sabbatique pour toutes les semaines de l’année : Sabbato vero jejunandum esse ratio evidentissima demonstrat, nam si… sexta feria jejunamus sabbalum prætermittere non debemus sed dicimus et sabbato hoc agendum quia ambo dies trislitiani apostolis vel his qui Christum sccuti sunt indixerunt. Epist. ad Decentium Eugubinum, 4, P. L., t. lvi, col. 516 ; cf. Vita Silvestri, dans Duchesne, Liber ponlif., Introduction, p. CXI, CXXUI. Et saint Augustin, dont l’attention fut appelée sur cette obligation, marque expressément que c’était là un usage particulier à l’Église de Rome et à quelques autres. Epist., xxxvi, ail Casulanum, P. L., t. xxxiii, col. 136. Il n’y a donc pas lieu de douter que le jeûne quadragésimal romain ait compris le samedi de chaque semaine. Rome rejoignait ainsi Constantinople pour le nombre de jours consacrés au jeûne pendant le carême : en l’une comme en l’autre Eglise ce nombre s’élevait à trente-six ; et saint Grégoire le Grand († 604) nous est témoin que telle était encore la discipline de son temps :.4 prxsenti die usque ml Paschalisfestivitatisgaudiasex hebdomadseveniunt, , jiiiini))i videlicet dies quadraijinta et duo /huit. Ex quibus dum sex dies dominici ab abslinentia subtrahuntur non plus in abslinentia quam dies sex et triginta rémanent. HomiL, xvi, in Evangelia, 5, P. L., t. i.xxvi, col. 113.

Ce régime alexandrino-romain s’étendit, nous dil Sozomène, à l’Egypte, à la Lybie, à l’Illyrie et à toutes t lises d’Occident. II. E., vii, 19, lue. cit. L’Afrique, l.i Haute Italie, la Gaule et l’Angleterre s’y soumirent. Pour l’Afrique la chose ne semble pas avoir souffert de difficulté. Il n’en fut peut-être pas de même dans les pays de rit gallican, tels que Milan, la Gaule et l’Espagne.

Il est sûr qu’à Milan, on ne jeûnait pas le samedi, du temps de saint Ambroise : Quadragesima, lotis præter sabbalum et dominicain jejunamus diebus. De Elia et jejunio, 10, P. L., t. xiv, col. 708. Comme cette Eglise avait subi l’influence du rit oriental sous le pontificat il Auxence, prédécesseur d’Ambroise, on peut se demander si elle n’observa pas tout d’abord un carême de sept semaines, à l’exemple d’Antioche et de Constanti-Elle aurait de la sorte atteint le chiffre de trenter. joui de jeûne. Mais ce n’est là qu’une hypothèse. Au (lice il saint Augustin, le jeûne du samedi était rare dans l’Eglise au ive siècle. Il ne serait pas étonnant que Milan ne l’eût pas adopté, même pendant le canine, sans s’astreindre pour cela à sept semaines d’abstinence. Tout ce quon sait, c’est que I usage romain réussit à’imposer aux successeurs de saint Ambroise aant le ii’siècle.

En Gaule on aperçoit, du rv 9 au VIe siècle, quelques tâtonnements dans la fixation des jours de jeûne quadragésimal. Un sermon que les meilleurs critiques attribuent à Fauste de Riez, et qui témoigne en tout cas de l’usage gallican du Ve siècle, Sermo de Quadragesima, P. L., t. liv, col. 488 ; cf. Revue du clergé français, 15 mars 1901, p. 137, note 1, nous apprend que, dans l’église où il fut prononcé, le jeûne commençait le lundi après le premier dimanche de carême, et qu’on ne jeûnait régulièrement que cinq jours par semaine : Verili sunt ne quinque dierum jejuniis prolongatis, etc. Faut-il en conclure que dans cette région le carême comprenait primitivement sept semaines de jeûne, comme en Orient, au lieu de six ? Cela est fort douteux, car l’auteur de l’homélie, qui veut introduire une semaine supplémentaire de jeûne, parle de cette addition comme d’une nouveauté, n. 1, col. 488.

Bientôt du moins, l’usage romain apparut en Gaule. Le concile d’Agde de 506 exige que « toutes les Églises jeûnent tous les jours de carême, même le samedi » ; il n’excepte formellement de cette obligation que les dimanches, can. 12. Et un peu plus tard le concile d’Orléans (541) insiste sur le même précepte, en invoquant l’autorité des Pères : palrum slaluta, can. 2. Chose remarquable, ce dernier concile interdit d’allonger le carême ou quadragésime par une quinquagésime ou une sexagésime, can. 2. M « r Duchesne en conclut que l’usage oriental des sept semaines déjeune, introduit en Gaule au ive siècle, « se défendait encore sur quelques points. » Origines du culte chrétien, p. 235. Ne faudrait-il pas voir plutôt dans cette mesure disciplinaire une répression de tentatives semblables à celles de Fauste de Riez, faites au Ve ou au VIe siècle sur plusieurs points du territoire ?

L’Espagne ne nous fournit pas de textes bien clairs sur l’observance quadragésimale avant le viie siècle. Du moins saint Isidore témoigne que de son temps (et sans doute bien avant lui, car il fait appel à la tradition), on jeûnait le samedi et trente-six jours par carême, ce qui constituait la dîme de l’année. De ecclesiasticis officiis, t. I, c. xxxvii, n. 4, P. L., t. i.xxxin, col. 772 ; cf. Elymut. , t. VI, c. xix, n. 69, P. L., t. lxxxii, col. 258. Nous reconnaissons là l’usage romain, préconisé par saint Léon et par saint Grégoire le Grand.

L’Angleterre, qui doit à saint Grégoire son évangélisation, ou du moins une nouvelle semence de l’Évangile vers la fin du vie siècle, n’a pu qu’adopter, en matière de jeûne quadragésimal, la discipline de l’Église romaine. Quelle était, avant cette époque, la coutume de l’Église bretonne ? Nous ne saurions le dire.

Le jeûne quadragésimal ne fut pas observé partout avec la même rigueur.

Il ne comportait primitivement qu’un seul repas par jour, sans autre adoucissement. Mais sur l’heure où ce repas devait se prendre, les Eglises ne paraissent pas avoir été tout à fait d’accord. Saint Basile, saint Épiphane et saint Jean Chrysostorne laissent entendre qu’il n’élait permis de rompre le jeûne que vers le soir. S. Basile, De jejunio, homil. I, 10, P. G., t. xxxi, col. 181 ; S. Épiphane, Expositio fidei, c. xxiii, P. il., t. xi.n, col. 828 ;

5. Chrysostorne, Homil., ix, adpopulum Antiochenum,

6, P. G., t. xux, col. 68. Selon Socrate, au contraire, on ne jeûnait, en certains endroits du moins, que jusqu’à none, c’est-à-dire jusque vers trois heures de l’aprèsmidi. II. E., lne. cit. ; cf. Didascalie des apôtres, c. xxi, lue. cil. ; Const. apost., v, 13, toc. Cit. Dans Ions les cas, le repas, qui, chez les anciens, se prenait habituellement à la cinquième heure, soit onze heures du malin, S. Augustin, Serm., cccxi.v, de contemptu mundi, 5, P. L., t xxxix, col. 1521 ; cf. Martial, Epigrammata, vin. 67, se trouvait retardé de plusieurs heures, ici de quatre, là de cinq ou six.

La rigueur du jeûne ne portait pas seul’nu ni sur la