Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée
1707
1703
CARACTÈRE SACRAMENTEL


admise par la plupart des théologiens, cette doctrine a été étendue par eux à la confirmation et à l’ordre. En effet, ces sacrements ne pouvant pas être réitérés, s’ils ne pouvaient pas revivre, celui qui les aurait indignement reçus serait privé à jamais des grâces spéciales à ces sacrements, c’est-à-dire de secours indispensables pour accomplir dignement les actes auxquels ces sacrements le destinent. A la vérité, ces grâces spéciales sont des grâces actuelles, mais pour y avoir droit, il faut que le sujet soit en état de grâce habituelle. Tel est, d’après de Lugo, De sacr. in gen., disp. VI, sect. iv, n. 81, l’enseignement commun. — c) Ces grâces spéciales auxquelles le caractère donne droit sont déjà un puissant secours pour conserver la grâce sanctifiante, mais le caractère contribue encore à cet effet d’une autre manière. Les Pères enseignent que le caractère fait fuir les démons qui l’ont en horreur et appelle sur celui qui en est revêtu la protection des bons anges, qui voient en lui quelqu’un de leur famille. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., i, n. 3, P. G., t. xxxiii, col. 374.

3° Si l’on envisage le caractère par rapport à l’Eglise, il est un signe qui distingue les fidèles, soit de ceux qui n’appartiennent pas à l’Église, soit entre eux, en les partageant en différentes classes.

1.Il va de soi que Dieu n’a pas besoin du caractère pour reconnaître ceux qui lui appartiennent. Quant aux bons anges, nous savons par les Pères que le caractère sacramentel est comme une lettre de recommandation et qu’il fait fuir les démons : néanmoins, saint Thomas enseigne que le caractère ne leur est pas nécessaire pour distinguer les fidèles. C’est donc seulement par rapport aux hommes que le caractère serait une marque distincrive, mais comment cela se peut-il, puisqu’il est invisible ? Cette difficulté disparait si l’on observe que les fidèles croient à l’existence du caractère chez ceux qui ont reçu le sacrement qui le confère. Par suite, dès que l’on a la preuve, facile à obtenir, qu’un tel a été baptisé, confirmé ou ordonné, on tient que ces sacrements ont imprimé en lui leur caractère et on l’admet dans l’Église aux actes pour lesquels ce caractère est requis. S. Thomas, In IV Sent., t. IV, dist. IV, q. I, a. 2. Sans doute il peut arriver, dans un cas particulier, que l’Église soit trompée, cf. tit. De presbytero non baplizalo, 1. III Decr., mais cette erreur tout accidentelle n’infirme pas la possibilité de connaître en règle ordinaire, avec toute la certitude nécessaire, la validité du sacrement en cause. En ce sens, le caractère est bien, comme l’enseigne le décret aux Arméniens, Denzinger, n. 570, sigitnm a céleris distinctivum, et constitue, selon le sacrement d’où il dérive, les fidèles dans des classes véritablement distinctes. Le bapfisé est séparé des infidèles, devient membre du corps du Christ et acquiert le droit aux sacrements ; la confirmation le sépare des simples fidèles en le sacrant officiellement soldat du Christ ; enfin, s’il reçoit l’ordre, il sera séparé’du reste du peuple et appartiendra à la hiérarchie sacrée.

2. Les considérations précédentes fixent la place du caractère dans la théologie de l’Église. — a) Si, avec les théologiens, on rapporte à l’âme de l’Eglise non seulement la grâce sanctifiante et les dons qui en sont inséparables, mais encore les dons gratuits, attendu qu’elle tient les tins et les autres de Jésus-Christ, son chef invisible, les caractères sacramentels devront être rangés dans cette dernière catégorie. Toutefois, ceux chez qui ils existent, sans être accompagnés de la grâce sanctifiante, ne sont unis à l’âme de l’Eglise que d’une façon imparfaite. — b) D’aulre part, la validité de tous les sacrements dépend du baptême et celle de tous les autres sacrements, le mariage excepté’, suppose chez le ministre l’ordre presbytéral ou épiscopal. Or, les sacrements sont les moyens ordinaires par lesquels la vie surnaturelle est communiquée aux fidèles : par conséquent, le caractère du baptême et celui de l’ordre sont la condition normale de la

DICT. DE TI1ÉOL. CATHOL.

vie surnaturelle de l’Église. — c) Enfin ces mêmes caractères du baptême et de l’ordre sont également essentiels pour l’existence du corps de l’Église et spécialement de la hiérarchie qui donne à ce corps son unité sociale. La perpétuité de l’Église est tout particulièrement intéressée à la permanence du caractère épiscopal, parce que, s’il venait à faire défaut, le remplacement des ministres sacrés deviendrait impossible.

IV. Le quasi-caractère.

La permanence des effets de l’extrême-onction et surtout du mariage a induit certains théologiens allemands, cf. Laake, Uber den sakramentalen Charakter, p. 156-201, à considérer ces deux sacrements comme produisant quelque chose d’analogue au caractère, ou quasi-caractère, en vertu duquel ils ne peuvent pas être réitérés à volonté et jouissent de la propriété de revivre dans les mêmes conditions que le baptême, la confirmation et l’ordre. Schvvetz, Theologia dogmatica, 5e édit., Vienne, 1869, t. iii, p. 166 sq ; Oswald, Die dogmatische Lettre von den lieiligen Sakramenten, 5e édit., Munster, 1891, p. 104 ; Berlage, Kalolisclie Dogmatik, Munster, 1864, t. vii, p. 73.

M. Earine, Der sakramentale Charakter, p. 77-95, tout en reconnaissant que le sacrement de mariage n’imprime aucun caractère sacramentel et ne consfilue pas les époux dans un état sacramentel particulier, trouve cependant dans ce sacrement une analogie symbolique avec le caractère sacramentel, puisque le mariage constitue principalement et immédiatement un état permanent, et signifie les grâces d’état auxquelles il donne droit.

Cette assimilation des effets de l’extrême-onction et du mariage à ceux du caractère sacramentel est manifestement peu heureuse. Le caractère confère à ceux qui le reçoivent un certain pouvoir dans l’Église où il les constitue en tant que fidèles, secundum stalum fidei, dans une classe distincte. Or ni l’extrême-onction ni le mariage ne confèrent au sujet aucun pouvoir dans l’Eglise, et s’il est vrai que le mariage établit les époux dans un nouvel état de vie et leur donne certains droits, ces droits et cet état ne modifient en rien le rang qu’ils occupaient auparavant dans la société des fidèles. Ainsi la dénomination de quasi-caractère ne repose sur aucune base solide. Sans doute l’extrême-onction ne peut être réitérée dans le cours de la même maladie, non plus que le mariage du vivant de l’autre conjoint, et de plus, ce dernier .sacrement crée un lien indissoluble ; aussi la reviviscence de ces deux sacrements est très vraisemblable, mais ces raisons ne suffisent point à faire conclure que ces sacrements laissent dans l’âme une impression plus ou moins durable, analogue au caractère. Si, dans certaines limites, on ne peut pas les réitérer, c’est uniquement en vertu d’une défense divine qui résulte impli citement de la fin du sacrement d’extrêmeonction et qui a été portée explicitement par Jésus-Christ pour le mariage. La reviviscence de ces sacrements ne serait pas un meilleur argument en faveur du quasi-caractère, puisque les théologiens qui l’admettent la déduisent uniquement de l’impossibilité relative de leur réitération.

Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, Paris, s. d. ; S. Uonaventure, lu IV Sent., t. VI, dist. VI, Quaracchi, 188’. » , t. iv, p. 136145 ; S. Thomas, In IV Sent., t. IV, dist. IV, q. I, Paris, 1873, t. x, p. 86-96 ; Sum. theol., III*, q. lxiii ; Scot, In IV Sent., t. IV, dist. VI, q. xxi, Paris, 1894, t. XVI, p. 615-654 ; tous les commentateurs du IVlivre des Sentences et do la Ht partie de la Somme théologique ; tous les théologiens qui ont traité des sacrements en général, notamment Suarez, Vasquez, T..lot ; de Lugo, De sacramentis in génère, disp. VI ; Hellarmin, De sacr. in génère, t. II, c. xvii sq. ; Franzelin, De sacramentia in genere, th. xii, xiii ; Oihr, Die heiligen Sakramente, 2e édit., Fribourg-en-Iiris^au, 1 ! K)2, t. i ; Lorinser, De charactere sacramentali, 1H14 ; O. Laake, Vber tien sakramentalen Chorale* ter, Munich, 1903 ; J. L. Farine, Der sacramentnle Charakter ICin dogmatische Studie, dans Slrassburgcr theologisclie Six*’CUen, I iib.-tn-D., 1<JU4, t. VI, fasc. 5. II. Munir, m t.

M. - 51