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CANONISATION DANS L’ÉGLISE ROMAINE

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cause et des interprètes pour traduire les pièces du procès entrepris par l’évêque, dans le cas où elles seraient rédigées en une autre langue que le latin et l’italien. Alors, devant la S. C. des Rites, commence un débat contradictoire pour examiner si ce procès ne pèche pas par quelque défaut essentiel de procédure, et s’il doit être admis comme valide. Le doute est ainsi formulé par le tribunal : An sententia ordinarii super fama sanctitatis. .., ou bien super non cullu lata, sit confirmanda vel infirmanda. Les avocats parlent en faveur de la validité, contre laquelle le promoteur de la foi soulève toutes les difficultés possibles.

Si la sentence de l’ordinaire est approuvée, la cause n’est pas cependant encore officiellement introduite. Un nouveau procès subsidiaire, une troisième instance préparatoire, s’ouvre alors, à l’effet d’examiner les écrits du serviteur de Dieu, s’il en a laissé, quels qu’ils soient : livres, traités, lettres, méditations, simples pages volantes, etc. On les recherche avec soin pour en découvrir les moindres fragments et les soumettre à la plus rigoureuse critique. Cette loi, portée par Urbain VIII, est la suite d’une coutume de beaucoup plus ancienne. Cf. Hardouin, Concil., t. vi, col. 1319 ; Baluze, Vitse paparum avenionensium, 2 in-4°, Paris, 1693, t. i, col. 1176 ; Rocca, De sanctorum canonizatione, in-4°, Rome, 1601, c. xxx, p. 67.

Si dans ces écrits, qu’ils aient été publiés ou non, se trouvait quelque doctrine hétérodoxe, elle rendrait suspecte la foi de leur auteur, et sa cause de canonisation serait à jamais arrêtée. Avant d’introduire une cause devant le tribunal suprême, il est donc convenable de s’assurer à l’avance qu’elle ne rencontrera pas un obstacle de ce genre qui serait absolument insurmontable. Même après l’introduction de la cause, si on découvrait quelques livres entiers, ou de simples fragments, ayant échappé aux premières perquisitions, le cours des autres procédures serait aussitôt suspendu, et l’on travaillerait tout d’abord à la revision des pièces nouvellement trouvées. L’examen des écrits est extrêmement sévère et très minutieux. Le cardinal rapporteur en a la charge spéciale. Il commence par remettre des exemplaires de ces ouvrages à des théologiens habiles. Ceux-ci les étudient séparément, sans se concerter, car leur choix est tenu secret. Après les avoir lus en entier avec une grande attention, ils sont obligés de donner au cardinal leur appréciation par écrit, appréciation très détaillée, contenant une analyse raisonnée de chaque ouvrage, avec le plan, les divisions et subdivisions, ainsi que la manière de procéder de l’auteur. Ils doivent surtout signaler tout au long les difficultés que cette lecture ferait naître. Ces rapports sont remis cachetés au cardinal. Il les propose ensuite, dans une séance ordinaire, à l’examen de la S. C. des Rites, qui prend tout le temps nécessaire pour résoudre avec maturité les doutes qu’ils pourraient susciter. Le promoteur de la foi y assiste comme toujours, pour donner aux difficultés toute leur force. Il n’est pas nécessaire, pour arrêter à jamais une cause de canonisation, que les ouvrages du serviteur de Dieu renferment des erreurs formelles contre le dogme ou la morale ; il suffit qu’on y trouve des nouveautés suspectes, des questions frivoles, ou bien quelque opinion singulière opposée à l’enseignement des Pères et au sentiment commun des fidèles. Cf. RenoltXIV, De servorum Dei béatifie, et bealor. canonizat., 1. II, c. xxv-xxxv, lu, t. iv, p. 3-68, ’204-210.

Quand les ouvrages ont été approuvés, la tignature de la commission apostolique, pour l’introduction de la cause, ne larde pas d’ordinaire. Après l’avis favorable des cardinaux à ce sujet, la supplique est formulée par le postulateur de la cause, examinée ou modifiée par le promoteur de la foi, « j n i peut y ajouter ou retrancher, .selon qu’il le juge bon. Elle est ensuite remise au secrétaire de la S. C, qui la porte au pape, auquel il fait

connaître officiellement l’avis favorable émis par les cardinaux. Si le pape l’approuve, il met au bas de la supplique le mot placet, avec la première lettre du nom qu’il portait avant son exaltation au souverain pontificat. Benoit XIV, op. cit., 1. II, c. xxxv, n. 10, t. iv, p. 72.

A partir de ce moment, le serviteur de Dieu reçoit le titre de vénérable, car cette décision est le signe que la réputation de sainteté dont il jouit, a été prouvée juridiquement. Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. xxxvii, n. 4, t. il, p. 153. Ce n’est pas à dire que la preuve de sa sainteté soit faite ; mais il est acquis que les foules le croient saint, et c’est à cause de la réalité de cette réputation, que l’Église le cite à son tribunal suprême.

Ainsi est ouverte la vaste carrière des informations qui doivent être faites par l’autorité du souverain pontife, en vue de la béatification et de la canonisation. Dès lors, la S. C. des Rites étant officiellement saisie de l’affaire, dont la signature de la commission apostolique l’a chargée, en lui conférant tous les pouvoirs nécessaires pour l’instruction du procès, l’ordinaire n’a plus le droit de s’en occuper : tout ce qu’il entreprendrait de ce chef, serait désormais radicalement nul. Cf. Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. xxii, n. 4, t. ii, p. 46 ; 1. II, c. xxxv-xxxviii, lui, n. 7 sq., t. iv, p. 68-86, p. 212 sq.

De l’introduction de la cause à la béatification.


Après que la cause a été introduite et à la demande du postulateur, la S. C. des Bites recommence de sa propre autorité l’enquête précédemment entreprise par l’ordinaire sur la renommée de sainteté, les vertus et les miracles attribués au serviteur de Dieu ; sur le concours des fidèles autour de son tombeau, et sur les faveurs surnaturelles qu’ils y obtiennent. Dans ce but, et par des lettres appelées en style de curie litterse re>nissoriales, elle institue des commissaires chargés de prendre en son nom les informations nécessaires. Ces juges, délégués par l’autorité pontificale pour se transporter sur les lieux et y recueillir les dépositions, sont, en général, trois évéques, parmi lesquels il est d’usage de désigner celui dont le diocèse possède le tombeau du serviteur de Dieu. Cf. Benoît XIV, op. cit., 1. II, c. XLV, n. 10, t. iv, p. 139 sq. Ils prêtent serment sur les saints Évangiles de garder le secret le plus absolu sur toutes les opérations de la procédure, sous peine d’excommunication lalse sententix, dont seul le souverain pontife pourrait absoudre, à l’exclusion même du cardinal grandpénitencier, en dehors de l’article de la mort. Ils font prêter ensuite le même serment à tous les officiers qui prendrpnt part à cette enquête : vice-promoteur, vicepostulateur, notaire apostolique, secrétaire, greffier, et tous ceux qui ont mission de rédiger, collationner ou transcrire les pièces de la procédure, et qui, sans exception, et sous peine de nullité, doivent être des ecclésiastiques. Benoit XIV, op. cit., 1. II, c. xxxix-xliv, t. iv, p. 92-127 ; Troylus Malvezzi, De canonizatione sanctorum, dans Tractât, magn. juris universi, Bologne, 1487, t. xiv, p. 103 sq.

Les dépositions des témoins ne peuvent être reçues dans un lieu profane, mais seulement dans une église, une chapelle, un oratoire ou une sacristie. Cette prescription du droit a probablement pour but d’inspirer aux témoins un plus grand respect pour la vérité et une plus vive horreur pour le parjure. On leur fait jurer à tous sur les Évangiles de dire la vérité sans déguisement ni réticence, et de ne parler à personne des questions qu’on leur posera et des réponses qu’ils y donneront. Les interrogatoires émanent de la S. C. des Biles elle-même. Ils ont été dressés avec la plus grande attention par le promoteur de la foi, d’après les articles ou posi lions du postulateur. A celui-ci, en effet, incombe le soin d’exposer et de communiquer par avance à la S. C., classes sous des litres différents, les faits dont la constatation juridique fournira les éléments du débat qui va s’engager, devant le tribunal suprême, touchant les