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CANONISATION DANS L’ÉGLISE ROMAINE

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c’est saint Cyrille, martyr à Césarée, en Cappadoce, honoré le 29 mai. Les actes de son martyre prouvent qu’il avait lâge de raison. Cf. Acta sanctorum, maii t. vii, p. 17 sq.

Quant aux saints Innocents, mis à mort par Ilérode, leur fête remonte au Ve siècle environ. Cf. S. Augustin, De libéra arbitrio, 1. III, c. xxiii, n. 68, P. L., t. xxxii, col. 1301. Tous les anciens calendriers et livres liturgiques latins, depuis le VIe siècle, mentionnent cette fête au 28 décembre. L’Église de Conslantinople la célèbre le lendemain. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 257. Mais suivant Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. XIV, n. 3, t. i, p. 87, ces prémices des martyrs constituent une catégorie à part. D’ailleurs, pour une époque aussi reculée, il ne saurait être question de canonisation formelle.

Il n’est pas inutile de noter qu’on ne pourrait pas déduire l’existence d’une canonisation, ni formelle, ni même équipollente, du seul fait de l’inscription d’un saint au martyrologe romain. Dans le martyrologe, en effet, sont inscrits non seulement les noms de ceux que les souverains pontifes ont canonisés ou béatifiés d’une façon formelle ou équipollente, mais aussi ceux de plusieurs serviteurs de Dieu béatifiés uniquement par des évéques particuliers, suivant l’usage de l’ancienne discipline, avant la réserve d’Alexandre III. Au sujet de ceuxci, certaines erreurs ont pu se glisser, qui ont nécessité, quoique rarement, des corrections dans le passé, et en nécessiteront peut-être quelques-unes encore dans l’avenir, comme le confesse Benoit XIV lui-même : aliquos errores in martyrologium romanum aliquando irrepsisse, qui subinde correcli fuerunt, etpauca quscdam menda etiam corrigenda superesse. Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. xliii, n. 14, t. ii, p. 228. Voir col. 415.

13. Canonisations équipollentes douteuses. — Une des plus remarquables est celle de Charlemagne. A l’époque où Alexandre III venait de réserver au saint-siège les causes de canonisation, l’un des quatre antipapes qui s’élevèrent contre lui au cours de son pontificat, Pascal III, sur les instances de l’empereur Frédéric Barberousse, auprès duquel il s’était réfugié à Aix-la-Chapelle, inscrivit Charlemagne au catalogue des saints, le 29 décembre 1165. Jusque-là, cependant, aucun culte public n’avait été rendu à ce prince. Bien plus, on n’avait pas cessé d’appliquer à son âme les suffrages accoutumés pour les défunts. Cf. Fr. Pagi, Breviarium historicoclironologico-crilicum, illuslria pontificum romanorum gesta, concilioruni gencralium acta, etc., complectens, 4 in-i", Anvers (près Genève), 1717-1727 ; Venise, 1739, t. iii, p. 82 sq. Cette canonisation, œuvre d’un antipape, ne fut jamais officiellement approuvée par le saint-siège. Elle fut néanmoins toujours tolérée par les pontifes légitimes. Il y a donc lieu de se demander si Charlemagne doit être considéré comme canonisé, d’une canonisation équipollente. Les auteurs sont partagés à ce sujet. Suivant Benoit XIV, il ne paraît manquer aucune des conditions nécessaires pour constituer une béatification équipollente, surtout si l’on considère la longueur du temps écoulé. De servor. Dei beatif., 1. I, c. IX, n. 4, t. I, p. 58 sq. Cependant, ajoute-t-il, comme ce culte ne s’étend pas au delà de quelques Églises de France, de Belgique et d’Allemagne, on ne peut nullement assimiler cette concession tacite à une canonisation équipollente. Cf. Acta sanctorum, januarii t. iii, >. 190, 503 sq. ; Spondanus, Annales ecclesiaslici ex xii lomis Cmsaris Baronii cardinalis inepitomen redactis, 3 in-fol., Lyon, 1686, an. 814, n. 5, t. iii, p. 256 ; Noël Alexandre, Uist. certes. Y.. T., 2e édit., Il in-fol., Venise, 1778-1793, sac ix, x, c. vii, a. 1, t. vi, p. 277.

[V. Infaillibilité. — 1° <.iuami il prononce les sentences de canonisation, le pape est-il infaillible 1 ? — Le ne du culte et de I invocation des saints a pour correlatif l’existence dans l’Église et dans son chef visible du pouvoir de prononcer des sentences de canonisation. Voir Imocation uts bvlNTfl. bans cette puissance du

vicaire de Jésus-Christ, comment les fidèles sauraient-ils ceux qu’ils doivent considérer comme leurs modèles, et à l’intercession desquels il leur est utile de recourir dans leurs nécessités ?

Que le pape soit infaillible dans la canonisation des saints, ce fut, même avant le concile du Vatican, l’enseignement presque unanime des théologiens et des canonistes. Cf. S. Thomas, Quodlibel.DL, q. vlli, a. 16 ; S. Antonin, Summa theol., part. III, tit. xii, c. viii,

4 in-4°, Venise, 1582, t. iii, p. 175 ; Bannez, In Summa theol, *l x, q.i, a. 10, dub. 7, concl.2 ; MelchiorCano, De locis llieologicis, . V, c. v, q. v, a. 3, concl. 3, in-4°, Venise, 1759, p. 138, 140 ; Bellarmin, De sanctorum beatitudine et ca » onizationc, . I, c. ix, Controv., Paris, 1613, t. ii, col. 702 ; Suarez, Tract., I, De fide, disp. V, sect. viii, n. 8 ; Defensio (idei catholiese adversus anglic. sect. errores, I. II, c. viii, Opéra omnia, 28 in-4°, Paris, 1856-1878, t. xii, p. 163, n. 8 ; t. xxiv, p. 1C6 sq. ; Vasquez, Comment, in 2 am II* D. Thomse, disp. CLXV, c. ix, 10 in-fol., Lyon, 1631-1633, t. iii, p. 103 ; Fagnan, Comment, in quinque Décret, libros,

5 in-fol., Rome, 1661, 1. II, tit. xx, c. lii, n. 10-39 ; Gonzalez, Comment, perpétua in singulos textus libr. Décret., Lyon, 1673, 1. III, tit. xlv, c. i, n. 6 ; Barbosa, Jus ecclesiasticum universum, 2 in-fol., Lyon, 1650, 1. I, c. il, n. 42 sq., t. I, p. 32 ; Reifiènstuel, Jus canonicum universum, 1. III, tit. xlv, § 1, n. 8, Venise, 1775, t. iii, p. 554 ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. III, tit. xlv, § 1, Naples, 1738, t. iii, p. 183 ; Lupus, Synodorum generalium ac provincialium décréta et canones, t. iv, p. 268.

Voici, en résumé, les solides raisons sur lesquelles s’appuient ces nombreux auteurs pour prouver leur thèse :

1. Il n’est pas possible que le souverain pontife induise en erreur l’Église universelle dans les matières qui concernent la morale et la foi. Or, c’est ce qui arriverait s’il pouvait se tromper dans les sentences de canonisation. Présenter à la vénération des peuples un homme damné ne serait-ce pas, en somme, dresser des autels au diable lui-même ? Nec differt diabolum colas, an hominem condemnatum. Melchior Cano, op. cit., concl. 3, p. 139. Dieu, après avoir fondé son Eglise sur Pierre, et lui avoir promis de la préserver de l’erreur, la laisserait s’égarer à ce point ? Une telle supposition serait un blasphème. En outre, le culte public décerné aux saints, et qui a un rapport si étroit avec la morale, n’est-il pas comme une profession de foi ? Hnnor, quem sa/iclis exhibemus, quædam professio fidei est, </tta sanctorum gloriam credimus. S.Thomas, Quodlibet, IX, q. VIII, a. 16, ad 2um.

2. Un autre argument non moins frappant est fourni par l’histoire elle-même. Quoiqu’on ait découvert quelques erreurs dans les sentences émanées autrefois des évéques particuliers, il a été impossible d’en signaler jamais aucune parmi tant de canonisations faites par les pontifes romains. Comment expliquer cette merveille sans une assistance spéciale de l’Esprit-Saint, qui leur communique le privilège de l’infaillibilité, bien que, dans les informations juridiques, les papes aient dû nécessairementrecevoirles dépositions de témoins humains, qui peuvent, comme tout homme, se tromper et tromper ? I’< <ii I m rissimæ providenliæ abunde magnum argumeutum est quod nunquam (in ccmonizationtbtw) in/irmala est /ides ab humanis testibus i)> luijusmodi judiciis shscepta, quod in casibus civilibus, ssepe accidit. Melchior Cano, op. cit., concl. 3, p. 140. Le docteur angélique,

lue. cit., s’exprii sncore plus clairement : Divinapro videntia preeserval Ecclesiam, ne in talibus per fallibile tesHmonium hominum fallatur, Les souverains pontifes ont souvent affirmé eux-mêmes leur infaillibilité dans les bulles de canonisation, par exemple, sixte IV, dans celle de saint Bonaventure : Confidente » quod in