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CANONISATION DANS L’ÉGLISE ROMAINE


beatif. et beator. canonizat., 1. I, c. xxxix, n. 5, t. ii, p. 170. La canonisation se distingue donc de la béatification, en ce que celle-ci est seulement un acte préparatoire au cours d’un long procès ; une simple permission accordée à un diocèse, à une province, à un Etat, ou à une catégorie bien déterminée de personnes, comme par exemple aux membres d’une communauté ou d’un ordre religieux. Voir Béatification, col. 493, 491.

Que par la sentence de canonisation le souverain pontife ait la volonté bien arrêtée d’intimer aux fidèles un précepte rigoureux, cela résulte manifestement des formules dont il se sert dans les bulles qui la proclament. Ces formules sont les suivantes, ou d’autres analogues : Inter sanctos et electos ab Ecclesia universali honorari prsecipimus…, ou : Apostolicæ sedis aucioritate catalogo sanctorum scribi mandavimus ; ou encore : Memoriam inter sanctos ab omnibus de cœlero péri censemus, et anniversarium ipsius dieux solemniter celebrari conslituimus…, statuentes ab Ecclesia universali illius memoriam quolibet anno pia devotione recoli debere, etc. Les mots si souvent répétés dans les bulles de canonisation, slatuimus, decernimus, defmimus, pronunliamus, prouvent la même ebose. Dans les brefs de béatification, ils sont remplacés par ceux-ci : lenore prsesentmm indulgent us… ; licentiam et facultatem concedimus, etc., facultés ou permissions qui ne sont jamais concédées que pour des endroits précis, avec une clause restrictive et marquant que la sentence est loin d’être définitive : donec aiiud per Nos, vel per sedeni aposlolicam, fuerit solemniter ordinatum. Enfin, les formules usitées dans les bulles de canonisation sont non seulement préceptives, mais comminatoires ; elles frappent d’anathème ceux qui auraient la téméraire audace de désobéir : Si quis, quod mm credimus, temerario ausu, contraire tentaverit, … sciât, se, aucturilale B. Pétri, principis apostolorum, cujus vel immerili vices agimus, analhemalis vinculo innodatum.

Le mot canonizatio est beaucoup moins ancien que la chose qu’il signifie. Dès les premiers siècles de l’Église, il y eut des saints bonorés d’un culte public ]>n Ions les fidèles ; mais le mot canonizatio ne parait pas avoir été employé avant le xii c siècle. Le premier qui semble s’en être servi est Udalric ou Oudry, évêque de Constance, dans sa lettre au pape Calixte 11 (11191121) au sujet de la canonisation de l’évêque Conrad. Dans la plus antique bulle de canonisation qui soit parvenue jusqu’à nous, celle de saint Ulric, évéque d’Augs, bourg, faite par le pape Jean XV, le Il juin 9911, le tonne canonizatio ne se rencontre point. Cf. Labbe ConciL, t. ix, col. 741 ; Ilardouin, Concil., t. vi, col. 727 ; llabillon, Acta sanctorum ord. S. Benedicli, pra ?f. ad sj’C. v, §6, n. 88, t. v, p. lviii ; Acta sanctorum, julii 1. ii, p. 79, n. 30 sq. ; p. 80, n. 3’iv sq. ; Propvla’iim, diss. XX, n. 2, maii t. viii, p. 172’; Du Cange, Clossarium iiti’il’ur. et infimse latinilalis, édit. Henschel, 7 in-fol., Paris, 1850, t. ii, p. 107 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 119 ; Moroni, Dizionario di erudizione slorico-ecclesiastica, v Canonizzazione, > 1, t. vii, p. 283.

III. Division.

1° Canonisation particulière et caution’/< nérale. — Cette distinction fut en usage autrefois, pendant une dizaine de siècles, quand la discipline ecclésiastique accordait aux évéques le droit de décerner aux serviteurs de Dieu un culte public dans leurs diocèses. De particulière cette canonisation devenait universelle, lorsque le culte s’étendait à l’Église entière par l’assentiment ou le consentement du souverain pontife. La canonisation particulière n’était rien de plus qu’une béatification. Cf. Benoit XIV, De servor. Dex beatif. et beator. canonizat., 1. I, c. vi, n. 9, t. i, p. 3b, c. xxxix, n. 2, t. ii, p. 109.

2° Canonisation formelle et canonisation équipoblente. — La discipline actuelle n’admet plus les canonisations particulières ; mais, en même temps que les canonisations formelles, elle reconnaît encore les canonisations équipollentes. — La canonisation formelle, ou proprement dite, est celle qui termine un procès régulièrement ouvert et poursuivi dans toute la rigueur d’une procédure très sévère, pour constater juridiquement l’héroïcité des vertus pratiquées par un serviteur de Dieu, et la vérité des miracles par lesquels le ciel l’a manifestée. Cette sentence définitive, notifiée officiellement urbi et orbi, est prononcée par le souverain pontife dans la plénitude de sa puissance apostolique, et au milieu de solennelles cérémonies qui en révèlent l’importance. — La canonisation équipollente est une sentence par laquelle le souverain pontife ordonne d’honorer comme saint, dans l’Église universelle, un serviteur de Dieu pour lequel n’a pas été introduit un procès régulier, mais qui, depuis un temps immémorial, se trouve en possession d’un culte public. Il faut que ses vertus héroïques, ou son martyre, ainsi que les miracles opérés par son intercession avant et après sa mort, sans avoir été constatés juridiquement, soient pourtant racontés par des historiens dignes de foi, et fassent l’objet de la croyance générale des peuples. Le saint-siège commence par permettre un office en son honneur ad libitum dans l’Église entière ; puis, il l’impose, do prsecepto, à tous ceux qui sont tenus à la récitation du bréviaire. Alors, la canonisation équipollente est achevée, car, selon Benoit XIV, c’est en ce dernier acte qu’elle consiste essentiellement. De servor. Dei beatif. et beator. canonizat., 1. I, c. xli, n. 4, t. ii, p. 181.

Pour montrer avec quelle sage lenteur l’Église procède dans les canonisations équipollentes, et de combien de précautions elle s’entoure avant de prendre des décisions aussi graves, nous allons donner quelques exemples, survenus après le décret d’Alexandre 111. Nous les rapporterons en suivant l’ordre chronologique, d’après l’année de la mort des saints ainsi canonisés.

1. Saint Wencestas, duc de Bohême et martyr, mort en 929. Sa canonisation équipollente ne fut terminée que 800 ans après, car son office fut étendu à l’Église entière ad libitum par Clément X, le 26 juillet 1670, et impose de prsecepto par Benoit XIII, le 14 mars 1729. Cf. Acta sanctorum, septembres t. vii, p. 766.

2. Saint Bomuald, fondateur de l’ordre des camaldules, mort en 1027. Au témoignage de son contemporain saint Pierre Daniien, qui, le premier, écrivit sa vie, les camaldules furent autorisés, cinq ans après sa mort, à élever un autel sur son corps, retrouvé intact et préservé’des atteintes de la corruption. Vila saneti Romualdi, c. xx, n. 10ï, P. L., l. cxi.iv, col. 1088. Dans cette concession, dont on n’a jamais pu découvrir le texte authentique, il ne faudrait pas voir une canonisation, comme le pense Baronius, Annules, 12 in-fol., Home, 1593-1607, an. 1027, n. 13, t. xi, p. 92 ; mais simplement une béatification, puisque ce ne fut qu’une faculté accordée à une communauté particulière, et ne concernant aucunement l’Église universelle. Jusqu’au xvr siècle, le culte de saint Romuald fut restreint aux maisons de son ordre, et à quelques provinces d’Italie. En 1466, plus de 400 ans après sa mort, son corps lut retrouvé encore parfaitement conserve ; une foule de miracles s’opérèrent à l’occasion de la translation de ses restes vénérables, et, un siècle après, il l’ut canonisé d’une manière équipollente par le pape Clément III. qui, le 19 juillet 1595, étendit de prsecepto son office a l’Église entière. Cf. Acta sanctorum, februarii t. ii, p. 105 sq., 141 sq.

3. Saint Etienne, roi do Hongrie, mort en 1038. C’est seulement 650 ans après son trépas que sa canonisation équipollente fut accomplie par le pape innocent M. qui, le 28 novembre 1086, imposa son office de prxcepto a