IVe siècle que les canonisations s’étendirent à ceux qui, n’ayant pas verse leur sang pour la foi, s’étaient néanmoins illustrés par des vertus éminentes. Jusqu’à cette époque, en effet, on ne trouve presque aucune trace de culte public décerné aux confesseurs. Cf. card. Bona, Iîerum Uturgicarum libri duo, 1. II, c. XII, § 3, 4 infol. , Turin, 1747-1755, t. iii, p. 266 sq. ; Innocent III, De mysterio missm, 1. III, c. x, P. L., t. ccxvii, col. 849 ; Mabillon, op. cit., præf. ad sæc. v, n. 97, t. v, p. lxiv.
On a même supposé que le culte des confesseurs ne fut pas introduit dans l’Église avant le viie siècle, car le pape Boniface IV, élu en 608, ayant consacré à tous les saints le Panthéon d’Agrippa, lui donna le titre de Sainte-Marie-des-Martyrs, Sanctœ-Marix-ad-Martyres, sans faire aucune mention des confesseurs, même pontifes. Cf. Sarnelli, Lettere ecclesiastic/ie, 9 in-4°, Venise, 1716, t. il, p. 75 ; t. iv, p. 80 ; t. vi, p. 73. Il suffit cependant de lire les Dialogues composés vers 513 par saint Grégoire le Grand, un des prédécesseurs de Boniface IV, pour se convaincre que déjà, depuis longtemps à cette époque, les confesseurs étaient honorés d’un culte public. Dialog., 1. III, c. XV, et passim, P. L., t. lxxvii, col. 249.
L’objection formulée à propos de l’acte de Boniface IV tombe d’elle-même, si l’on remarque que, dans l’antiquité chrétienne, les mots « martyrs » et « confesseurs » n’avaient pas le sens spécial et déterminé qu’on leur a donné plus tard. Au contraire, et en vertu même de l’étymologie, ils étaient considérés comme synonymes. Qu’était un martyr, si ce n’est un témoin, un confesseur de la foi, suivant la parole même du Sauveur : Omnis qui confitebitur me coram hominibiis, con/itebor et ego eum coram Pâtre mco, qui in cœlis est 1 } Matth., x, 32. Les autels ou oratoires élevés sur le corps des martyrs s’appelaient indifféremment confessiones ou martyria. Dans les basiliques romaines nous avons encore les confessions de saint Pierre et de saint Paul. De même, des marlijria étaient bâtis sur les tombes des confesseurs. Saint Jérôme nous rapporte que saint Antoine commanda par humilité d’ensevelir son corps dans un endroit absolument ignoré de tous, ne Pergamiiis, qui in illis locis ditissimus erat, sublato ad villam suani corpore, martyrium fabricaret. In vita sancti Hilarionis, n. 31, P. L., t. xxiii, col. 45. Au VIe siècle, saint Isidore de Séville mettait aussi les saints confesseurs au rang des martyrs : Duo autem sunt martyrii gênera : unum in aperta passione, alterutn in occulta animi virtute… Nain per hoc quod se omnipoienti Deo in corde mactaverunt, cunclis carnalibus desideriis resistentes, etiam pacis tempore martyres facli surit. Elymol., 1. VII, c. xi, n. 4, P. L., t. lxxxii, col. 290. Cependant, le nom du confesseur prit au ive siècle la signification d’ascète.
Dès le IV siècle, beaucoup de solitaires commencèrenl à être honorés publiquement, entre autres les Pères de la vie érémilique, saint Paul, premier ermite, saint Antoine, et saint Hilarion, son disciple. Cf. Sozomène, IL E., 1. III, c. xiv ; I. VIII, c. xix, P. G., t. i.wii, col. 1077, 1565. Vers la même époque, saint Basile, saint Grégoire de Nazhnze et saint Grégoire de Nysse prononcèrent plus d’une fois le panégyrique de saint Athanase et de saint Éphrem, aux jours anniversaires de leur mort. En Occident, saint Martin de Tours n’était pas moins honoré. Sulpice Sévère, Episl., ii, ail Aurclium, P. L., I. xx, col. 179, le déclare égal aux martyrs : Nam, licet ci ratio temporis non potuertt prwstare martyrium, gloria tamen martyrum mm cdrebit, quia voto algue virtutibus et potuit esse martyr et voluit. Cf. card. liona, Uerum liturgie, I. ii, c. III, n. 3 ; Martène, I)e anliquit Ecclesise rilibus, I. IV, c. xw, n. 3, 4 in-fol., Venise, 1788, t. III, p. 198. Le I" concile provincial de Tours, tenu < ri 161, parle de la fête de saint Martin comme d’une solennité depuis longtemps
en usage. Hardonin, Collectio conçu., t. ii, col. 793. Dans le courant du Ve siècle, une église fut bâtie à Borne, près de celle de Saint-Sylvestre, en l’honneur de saint Martin, par le pape Symmaque, élu en 498. Cf. Benoit XIV, De servorum Dei béatifie, 1. I, c. v, n. 5, t. i, p. 32. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 200-201.
Mais si l’autorité ecclésiastique veilla attentivement à ce que seuls les vrais martyrs reçussent un culte public, elle apporta encore plus de soins pour que seuls les vrais confesseurs fussent honorés par le peuple chrétien. A leur sujet les erreurs pouvaient se commettre avec plus de facilité encore que pour les martyrs, dont la mort violente subie pour le Christ était relativement aisée à constater. Des hommes au-dessus de tout soupçon et choisis par le pape ou les évêques, eurent mission de consigner par écrit les vertus héroïques des confesseurs qui devaient être canonisés, ainsi que les miracles opérés par eux ou par leur intercession pendant leur vie et après leur mort. Cf. Acta sanctorutn, præf. gen., c. i, §2, Paris, 1861, t. I, p. xv.
On trouve, dans divers conciles provinciaux, des prescriptions canoniques défendant de rendre un culte public à des serviteurs de Dieu, avant que l’autorité ecclésiastique n’eût porté un jugement officiel sur leur sainteté ; et il ne manque pas, alors, de décrets rayant de la liste des bienheureux des noms qu’une erreur populaire y avait insérés prématurément et sans l’intervention de l’autorité compétente. Cf. Lupus, Synodorum generalium ac provincialium décréta et canoncs, t. iv, p. 265 sq.
Par analogie avec ce qui se pratiquait pour les martyrs dont les actes étaient transmis d’une Eglise aux autres, afin que leur culte s’étendit, le récit des vertus héroïques des confesseurs et de leurs miracles était envoyé aux diocèses voisins, et de là se propageait plus loin encore. Inscrits dans les dyptiques sacrés des Eglises qui possédaient leurs restes, ou des pays dans lesquels par des prodiges Dieu avait manifesté leur gloire, les saints s’ajoutaient progressivement à ceux qu’honoraient les autres Églises. Cf. Benoit XIV, De servor. Dei beati/ic. et de beator. canonizat., I. I, c. v, n. 7, 8, t. i, p. 38.
Ainsi dans leurs diocèses respectifs et après une sérieuse enquête juridique, les évêques décernaient aux serviteurs de Dieu les honneurs d’un culte public. Était-ce là une canonisation proprement dite, ou simplement une béatification ? La seconde hypothèse paraît de beaucoup la plus probable. Le pouvoir d’un évêque, en effet, ne dépasse pas les frontières de son diocèse, et il est de l’essence de la béatification d’être limitée à certains lieux. Voir Béatification, col. 493. Le culte ne s’élevait à la dignité d’une canonisation que lorsque, passant de diocèse en diocèse, il s’étendait à l’Eglise entière, avec l’assentiment exprès ou tacite du souverain pontife. Cf. Mabillon, Acta sanctorum ord.S. Benedicli, præf. ad srre. v, § 6, n. 92, t. v, p. i.ix ; Gonzalez, Conimentariaperpetiiaiiisinguloste.rtuslihr. Décrétai., 5 in-fol., Lyon, 1673, 1. III, tit. xlv, c. I, n. 7 ; liellarmin, De sanctorum bealilud., 1. 1, c. VIII, t. ii, col. 701 ; Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. v, n. 9, t. i, p. 38 sq.
4° A quelle époque les causes de béatification et de canonisation furent-elles reserrées exclusivement au souverain pontife ? — La discipline de l’Église touchant le culte public des saints persista plus de mille ans, telle que nous venons de l’exposer. Toutefois, durant cette longue période, bien des abus s’étaient introduits. L’imprudente piété des peuples trompée par des vertus plus apparentes que réelles, et la négligence de quelques évêques à prendre les informations qui devaient précéder
les béatifications particulières, obligèrent les papes à ne plus s’en tenir à un simple consentement tacite, mais à réserver à leur tribunal suprême la connaissance d’affaires aussi graves. Dés la fin du xr siècle et au