de son temps. De civitate Dei, 1. XXIT, c. x, P. L., t. xi.i, col. 772. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Contra Julianum, 1. VI, P. G., t. lxxvi, col. 788-789.
De plus, les païens réservaient les honneurs de l’apothéose aux empereurs, aux impératrices, à leurs proches parents, ou même à leurs favoris et à leurs favorites. Seuls les Augustes et les personnes de leur entourage immédiat pouvaient devenir déesses ou dieux. On ne connaît pas un exemple d’un homme du peuple ou de condition moyenne, admis après sa mort à de tels honneurs. Or l’Eglise catholique canonise non seulement les rois et les pontifes, mais tous ceux qui l’ont mérité, fussent-ils de petite condition aux yeux des hommes. Lorsqu’ils décernaient l’apothéose, les anciens considéraient seulement le rang social du défunt ; aussi plaçaient-ils dans l’Olympe des hommes perdus de mœurs, souillés de tous les crimes, vrais monstres de l’humanité, selon la juste observation de saint Augustin. De civitate Dei, 1. VI, c. IX, P. L., t. xli, col. 187 sq., et ailleurs, 1. I-VII. Néron divinisa l’impudique Poppée, sa concubine, après l’avoir tuée d’un coup de pied. Caracalla fit dieu son frère Géta, qu’il avait assassiné, pour se débarrasser d’un rival, et il fit à cette occasion ce jeu de mots d’une sanglante ironie : SU divus, dummodo non sit vivust Cf. Tacite, Annal., 1. XIII, n. 45 ; 1. XV, n. 23 ; 1. XVI, n. 6 ; Suétone, In Néron., c. xxv ; Dion Cassius, Hist. rot)}., 1. LXIII. L'Église ne place sur les autels que ceux de ses enfants qui ont pratiqué jusqu'à l’héroïsme les plus sublimes vertus.
Los preuves dont se contentaient les anciens pour croire à la divinité d’un mort, étaient des plus insignifiantes et des plus ridicules. Le corps du défunt était solennellement brûlé, sur un magnifique bûcher, avec une profusion de parfums et d’aromates. Dès les premières flammes, un aigle, qui avait élé dissimulé au sommet du monument funèbre, s’envolait, chassé par la chaleur, et l’on prétendait qu’il emportait au ciel l'âme du nouveau dieu. Dans les apothéoses d’une impératrice, l’aigle était remplacé par un paon. Hérodien, Hist. roni., 1. IV, c. ii, III. Ou bien, il suffisait que le premier venu affirmât avoir vu le défunt dans la gloire immortelle, comme le fit pour Romulus, que les sénateurs avaient tué, un certain Proculus.lunius, soudoyé par les assassins euxmêmes. Tite Live, en rapportant ce fait, marque son étonnement qu’on eût admis avec tant de facilité une pareille allégation. Hist. rom., 1. I, c. xvi. Les empereurs, en semblable occurrence, trouvaient aisément des témoins complaisants, prêts à affirmer avoir vu tout ce que voulait le maître.
Pour canoniser un serviteur de Dieu, l'Église réclame des preuves absolument convaincantes. Son décret est le dernier acte d’un procès long et minutieux, au cours duquel la vie du défunt a été examinée avec la plus sévère critique. Il n’est porté que si le chrétien a poussé toutes les vertus jusqu'à l’héroïsme, et si des miracles incontestables ont été opérés par son intercession. Voir G. Boissier, Apothéose, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. i, p. 323-327. La canonisation des saints ne tire donc pas son origine des apothéoses païennes.
Bellai min, De beatit. et canonizat. sanctorum, 1. I, c. vii, dans les Controv., 4 in-fol., Paris, 1613, t. ii, col. 700, en voit les premiers linéaments dans l’Ancien Testament. L’auteur inspiré de l’Ecclésiastique, en effet, déclara sainis et canonisés en quelque sorte Enoch, Noé, Abraham, Isaac et les justes dont il fait l'éloge, xuv-i.i. Ces huit chapitres peinent être considérés comme une bulle de canonisation collective des s ; iints d’Israël.
2° Culte '/es martyrs dans la primitive Eglise, — Le
premier culte qui fut rendu aux sainis dans l'Église fut
celui des martyrs. Les Gdèles recueillaient et vénéraient
les reliques de ces héros. Iles autels, des oraloiros étaient élevés sur leurs lombes, et les prêtres y célébraient les
sacrés mystères. Voir 1. 1, col. 2580. Ce fut la plus ancienne et la plus simple forme de la canonisation ; elle fut en vigueur durant les siècles de la persécution. Les anniversaires des martyrs remontent au IIe siècle. Celui du martyre de saint Polycarpe († 155) fut institué à Smyrne aussitôt après sa mort. Martyr. Pohjcarpi, 18, n. 3, Funk, Patres aposlolici, Tubingue, 1901, t. 1, p. 336. On ne peut donner la preuve qu’ils ont été aussi anciens à Rome. Les martyrs authentiques du IIe siècle ne sont pas inscrits dans les calendriers ecclésiastiques du temps de Constantin. Les anniversaires marqués dans ces calendriers se rapportent à des martyrs du iiie siècle au plus tôt. A partir du m siècle, la célébration d’une solennité ecclésiastique en l’honneur des martyrs devint d’un usage universel. Ces anniversaires étaient naturellement des fêtes locales. Chaque Eglise honorait ses saints. On célébrait quelquefois une commémoration générale de tous les martyrs de la localité, soit que cette fête fût unique, soit qu’elle s’ajoutât aux fêtes particulières de chaque saint. Mor Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 272-273. Cf. S. Augustin, In natali Cypriani martyris ; Serm., cccx, c. il, n. 2, P. L., t. xxxvii, col. 1473 ; Prudence, De passione sancti Vincenlii, P. L., t. LX, col. 378, 410 ; Eusèbe, H. E., iv, 15 ; v, 1, P. G., t. xx, col. 361, 408 ; Acla sanctorum, Paris, 1862, januariit. il, p. 709 ; Mabillon, Musseum italicum, 2 in-4°, Paris, 1687-1689, t. i, p. 250 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édil., Paris, 1877, p. 201-203. Mais même alors, personne ne pouvait rendre un culte public à un martyr que par l’autorité de l'évéque et avant que le martyre n’eût été prouvé. Des chrétiens mis à mort violemment ne méritaient pas le titre de martyr. Il était donc nécessaire de préserver les fidèles des entraînements résultant d’un enthousiasme qui ne serait pas justifié. Cf. S. Cyprien, Epist., xxxvii, n. 2 ; lxxix, P. L., t. iv, col. 238, 422 ; S. Optât, De schismate donalistarum, 1. I, P. L., t. xi, col. 916 ; Ruinart, Acla martyrum sinceræt selecta, pra^f., § 4, n. 71, in-fol., Amsterdam, 1713, p. lxxv ; Mabillon, Acta sanctorum ord. S. Benedicti, 9 in-fol., Paris, 1688-1702, pra’f. adsnpc. v, $6, n.95. t. v, p. lxii. Onrecueillaitsoigneusement lesactesdes martjrs. Voir t. I, col. 320-321, et Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, par dom Cabrol, t. I, col. 373-$1-$26. Toutefois, il n’est pas certain qu’une corporation de notarii chrétiens ait été officiellement chargée de copier les actes des martyrs dans les greffes des tribunaux, ou de sténographier les interrogatoires à l’audience. L’auteur du Liber ponti/icalis rattache, il est vrai, à cette charge l’institution des notaires ecclésiastiques de Rome. Il la fait remonter à saint Clément, ('dit. Duchesne, t. i, p. 123 ; il attribue à saint Anléros un zèle particulier à rechercher et à conserver les actes des martyrs, ibid., p. 147, et à saint Fabien une ordonnance qui chargeait sept sous-diacres de surveiller le travail des notaires. Ibid., p. 148. Mais les véritables fondions des notaires ecclésiastiques sont mentionnées dans la notice de saint .Iules, ibid., p. 205. Les renseignements antérieurs n’ont pas de valeur historique, et Mfl r Duchesne, Le Liber pontificalis, introduction, t. i, p. c-Ct, pense que l’auteur du Liber a voulu faire remonter le plus haut possible l’origine du corps des notaires ecclésiastiques, et leur a donné des attributions compatibles avec la situation de l'Église pendant les persécutions, au moins telle qu’il se la figurait. En réalité, c'étaient les greffiers du tribunal ou des notarii de circonstance qui consignaient, les uns officiellement, les autres de leur propre autorité, les procès-verbaux des interrogatoires des martyrs.
Les procès-verbaux officiels étaient déposés dans les archives proconsulaires. Ils existaient encore après la paix de l’Eglise, et ils ont servi decanevas aux passiones martyrum. A Home, cependant, il n’est resté qu’un seul spécimen d’actes authentiques et sincères : ce sont les interrogatoires de saint Justin et de ses comp ignoils.