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1597 CANON DES LIVRES SAINTS 1598

Matera riposta aussitôt qu’il avait été décidé dans une congrégation générale qu’on omettrait à dessein d établir une différence entre les Livres saints propter hujus rei difficultatem.., hoc prsetertim tempore. Le général des augustins signalait une contradiction du décret : en approuvant les traditions apostoliques, on recevait les canons des apôtres, qui admettaient l’Ecclésiastique, non pas comme un livre canonique, mais seulement comme livre de lecture pour les jeunes gens ; d’autre part, on affirmait sa canonicité. Merkle, p. 38, 39, 40. Comme les avis étaient différents sur diverses questions, on résolut de rédiger des doutes qui seraient soumis à l’examen des Pères. Merkle, p. 40, 529, 530. Deux se rapportent à notre sujet : 7° Faut-il maintenir ou effacer les mots : pari pietatis affectu ? 13° Comme il a déjà été décidé en congrégation générale qu’on n’établirait pas de distinction entre les Livres saints et qu’on les énumérerait purement et simplement comme au concile de Florence, reviendra-t-on sur ce sujet ? Les Pères émirent leur avis sur ces doutes à la congrégation du 1 er avril. Notons les plus intéressants. Le cardinal de Trente désirerait qu’on fit la distinction des livres et qu’on établit quelque degré entre eux ; l’énumération serait faite comme au concile de Florence, sed per gradus, ut inter eos aliqua distinctio appareat. Le cardinal de Jæn estime qu’il n’y a pas à revenir sur les questions déjà tranchées. Deux ou trois Pères disent expressément qu’il ne faut établir ni distinction ni degré. Le sommaire des votes signale que la majorité s’est prononcée sur le 13° doute et a conclu qu’il n’y avait pas à revenir sur ce qui avait été décidé en congrégation générale. Theiner, p. 73-77. Elle se prononçait donc de nouveau contre toute distinction à faire entre les livres canoniques, et le projet de décret ne fut pas retouché à ce propos.

M. Loisy, Histoire du canon de l’A.T., p. 199-201, a cependant prétendu que les Pères avaient laissé dans cette congrégation générale la question libre et que plusieurs d’entre eux avaient voté contre l’admission des deutérocanoniques désignés par eux sous le nom d'apocryphes. Quoique le texte du procès-verbal, obscur par endroits, paraisse favoriser cette conclusion, l’étude attentive des Acta la rend inadmissible. L’examen du projet de décret avait, on s’en souvient, provoqué un grand nombre d’observations, qui furent résumées en 13 capita dubitationum. Or, dans la commission du 23 mars, l’évêque de Sinagaglia avait demandé que le dernier livre d’Esdras et le IIIe des Machabées soient expressément rejetés. Celui de Castellamare voulait aussi l’exclusion expresse du IIIe et du IVe livre d’Esdras et du IIIe des Machabées. A la congrégation générale du 27 mars, le même Père parlait encore du IIIe livre de Baruch (?), du IIIe et du IVe des Machabées. Theiner, p. 68, 72 ; Merkle, p. 521, 522. Ce sont évidemment ces observations qui ont donné lieu au 4e doute, exprimé en ces termes : An libri qui appellantur apocryphi, conjungi soliti in omnibus vulgatis Bibliae codicibus, cum libris sacris, sint per hoc decretum nominatim resecandi, an silentio preetereundi ? Theiner, p. 72. Le doute consistait donc à savoir si, comme dans le canon du pape Gélase, la liste des Livres sacrés contiendrait nommément ou pas les livres apocryphes qui leur sont ordinairement joints dans les manuscrits bibliques, Selon la teneur du procès-verbal, beaucoup de Pères répondent : « Que les apocryphes soient reçus ou ne soient pas reçus avec les autres livres canoniques ; qu’ils ne soient pas exclus ; qu’ils soient inscrits prout ab Ecclesia recepti sunt ou bien recipiantur ut in aliis concilius ; ou encore, de apocryhis dicatur prout in decreto. » Il semblerait bien que ces avis concernent les deutérocanoniques. Mais cette interprétation, fondée seulement sur une rédaction obscure du secrétaire ne lient pas en face d’autres sentiments, plus clairement exprimés. Beaucoup disent qu’il faut sous silence les apocryphes ; qu’il ne faut pas les rejeter spécialement, expressément. Le cardinal de Jæn, qui ne veut pas que les apocryphes soient revus au même degré que les autres livres canoniques, avait déclaré tout d’abord qu’on ne devait pas revenir sur les décisions prises. Les évêques de Sinigaglia et de Castellan peu favorables aux deutérocanoniques, disent cependant que les apocryphes soient reçus et en même temps qu’on ne fasse pas de distinction entre les Livres saints. Se contrediraient-ils donc ? Il vaut mieux interpréter les votes dans le sens indiqué par le résumé : 4l voix se sont prononcées pour que les apocryphes soient passés sous silence, 4 pour qu’ils soient désignés, 8 sont douteuses. Cette interprétation répond mieux a l’énoncé du doute posé et au résultat obtenu. Si, en effet, on acceptait l’explication de M. Loisy, il en résulterait que 41 voix ont décidé de passer sous silence dans le décret les deutérocanoniques, qui pourtant sont mentionnés. On a seulement décidé de ne pas mentionner les apocryphes, qui étaient ordinairement joints aux Livres canoniques dans les manuscrits bibliques.

Le 5 avril, le décret corrigé fut lu en congrégation générale. Le cardinal de Trente, non par esprit de contradiction, mais pour dire sa pensée, observa que, puisqu’on recevait tous les Livres saints sans tenir compte des distinctions faites par saint Augustin, saint Jérôme et les autres Pères, on plaçât au moins les livres qui avaient une autorité moindre en dernier lieu. Le livre de Tobie, que saint Jérôme rangeait parmi les apocryphes, passe dans le décret avant plusieurs autres sur lesquels il n’y a jamais eu de doutes. Le cardinal de Jæn ne désapprouvait pas cette observation. L’évêque de Castellamare exprime aussi son sentiment personnel : Dubito, dit-il. an libri Baruch et Machabæorum debeant recipi pro canonicis ; posset dici quod sunt de canone Ecclesiae. Un autre Père se rallie à cet avis. Enfin le général des carmes dit qu’il lui plairait que les Livres sacres fussent distingués des apocryphes comme saint Jérôme les distinguait. Theiner, p. Si. S.") ; Merkle, p. 45. Le lendemain, on examina une dernière fois dans les commissions les termes du décret. L’évêque de Castellamare désapprouvait les mots : pro sacris et canonicis, « à cause du livre de Judith et de quelques autres qui n’étaient pas dans le canon des Hébreux. On devrait dire qu’ils sont dans le canon de l’Église. » Le président lui répliqua : « Bien que vous disiez vrai, nous suivons le canon de l’Église et non le canon des Hébreux ; si donc nous employons le mot « canonique » , nous l’entendons du canon de l’Église. » Theiner, p. 86. A la session solennelle du 8 avril, le décret, qui avait été approuvé la veille, fut promulgué dans sa teneur actuelle. L’évêque de Fiésole renouvela encore la protestation qu’il avait faite en congrégation générale. Malgré les réclamations constantes de quelques Pères, le concile proclamait sacrés et canoniques, sans faire aucune différence entre eux. les protocanoniques et les deutérocanoniques. Non seulement il les mélanges comme l’avaient fait les documents antérieurs ; il affirme encore que l’Église les reçoit avec un égal respect.

Tous les théologiens ont reconnu dès lors que les deutérocanoniques ne diffèrent pas des protocanoniques au point de vue de la canonicité. Les uns et les autres sont sacrés, c’est-à-dire inspirés ; ils sont aussi canoniques et capables de fournir des témoignages en faveur des dogmes ; ils sont également pour leur part la règle de la foi et des mœurs. Cf. Melchior Cano, De locis theologicis t, I. II, c. XI, dans Cursus completus theol., de Migne. t. i. col. 124 ; Bellarmin, De verbe Dei, I. I. c. iv. x. Controv. , Milan. 1721, t. i. p. 10, 32 ; Sixte de Sienne. Bibliotheca sancta, Venise. 1556, t. i. p. 9 ; Stapleton Controv., v. q. ii. a. 3. Anvers. 1596, p. 510 : F. Sonnius, De verbo Dei, c. xiii. dans Demonstr. relig. christ.,