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CANON DES LIVRES SAINTS

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1. Pendant la captivité, Daniel, ix, 2, parle des livres qu’il avait lus et parmi lesquels se trouvaient les prophéties de Jérémie, Mais ces recueils étaient seulement des collections privées ou liturgiques sans caractère officiel et public. La plupart des Livres saints existaient déjà et étaient acceptés comme inspirés. Ce ne fut qu’après leur retour de Babylone que les juifs eurent des recueils officiels. D’après la tradition dont le fond resterait vrai malgré les embellissements de la légende, Esdras aurait dressé un premier canon des Écritures qui contenait sans doute tous les livres déjà écrits de son temps. Son contemporain, Néhémie, constitua aussi une bibliothèque et y rassembla les ouvrages sur les rois, les prophètes, les psaumes de David et les lettres des rois (de Perse) relatives aux offrandes. II Mach., il, 13. On a interprété ce passage obscur dans le sens d’une collection d’écrits qui comprenait les nebïim ou livres prophétiques de la Bible hébraïque. Les kctûbim ou hagiographies, qui forment la troisième classe de cette Bible, furent recueillis progressivement et finirent par former un troisième recueil qui, placé à côté de la Loi et des prophètes, est mentionné pour la première fois dans la préface grecque de l’Ecclésiastique sous la désignation vague « d’autres livres des Pères » , « du reste des livres. » Ces trois classes de Livres saints sont mentionnées dans le Nouveau Testament sous les noms de la Loi et des prophètes, Matth., vii, 12 ; Luc, xvi, 16 ; Act., xii, 13 ; Rom., iii, 21, ou de la Loi, des prophètes et des psaumes, Luc, xxiv, 44, et aussi par Josèphe avec le détail de leur contenu. Cont. Apion, I, 8. Ces livres étaient, à tout le moins, ceux de la Bible hébraïque.

Mais il en existait d’autres que les juifs de la dispersion, dont le centre principal était à Alexandrie, reconnaissaient comme divins et inspirés et qu’ils lisaient dans leurs synagogues. Ces livres, dits deutérocanoniques, étaient Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch et les deux livres des Machabées. Il faut y joindre des fragments de Daniel et d’Esther qui n’existent qu’en grec. Ils faisaient partie de la Bible, dite des Septante, dont l’origine est antérieure à l’ère chrétienne, et ils y étaient, non en appendice, mais mélangés aux protocanoniques, ainsi qu’en témoignent les plus anciens manuscrits parvenus jusqu’à nous. Le Nouveau Testament a fait des allusions à plusieurs de ces livres. Stier, Die Apocryphen, Vertheidigung ihres allhergebrachten Ansclilusses an die Bibel, Brunswick, 1853, p. 14 ; Bleek, Ueber die Stellung der Apocryphen des A. T. im clmslliclien Kanon, dans Theol. Sludienund Kritiken, lb53, t. xxvi, p. 337-349. L’Eglise chrétienne les a reçus des juifs hellénistes et les a admis dans son recueil biblique. Voir plus loin. D’ailleurs, Josèphe, loc. cit., les mentionne : « Depuis Artaxercès jusqu’à nous, les événements de notre histoire ont bien été consignés par écrit, mais ces derniers livres n’ont pas l’autorité des précédents, parce que la succession des prophètes n’a pas été établie avec certitude. » Josèphe est certainement un témoin de la croyance des juifs de Palestine, ses contemporains. Ils ne reconnaissaient donc comme divins et inspirés que les livres de la Bible hébraïque. Toutefois, pour concilier son témoignage avec l’admission des deutérocanoniques de la part des juifs de la dispersion, plusieurs critiques ont supposé que, de prime abord, tous les juifs, y compris ceux de Palestine, admettaient comme divins les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, mais que plus tard les Palestiniens ont rejeté de leur Bible ces livres qu’ils avaient d’abord reçus. Si les juifs hellénistes ont admis dans leur Bible les deutérocanoniques, ce n’a pu être que sur l’attestation de leurs frères de Palestine. Esther, XI, I ; II Mach., il, 15. Tandis qu’ils les ont conservés et transmis à l’Église chrétienne, leurs coreligionnaires de Palestine les ont rejetés par application de faux critères

de canonicité. Ils n’auraient maintenu au canon que les livres qui étaient rigoureusement conformes à la loi mosaïque, telle qu’ils l’interprétaient, et ceux qui étaient anciens, composés en Palestine ou au moins en langue hébraïque. Cette hypothèse s’appuie sur les discussions qui s’élevèrent au I er siècle de notre ère parmi les juifs de Palestine au sujet des livres canoniques. Quelques scribes discutaient l’inspiration du Cantique et de l’Ecclésiaste ; mais une décision fut prise en faveur de ces livres par l’école de Hillel au synode de Jabné ou Jamnia, vers l’an 90. Mischna, traité Yddayim, m, 5 ; Talmud de Babylone, traité Megliillah, la. Ces discussions tirent sentir aux juifs le besoin d’un canon rigoureusement déterminé, et c’est alors, au commencement du IIe siècle, que les rabbins tixèrent le canon actuel de la Bible hébraïque, comprenant vingt-quatre livres. S’ils éliminèrent les livres deutérocanoniques, reconnus antérieurement comme inspirés, ce fut en opposition à la tradition et par application des rigoureuses règles de canonicité indiquées plus haut. Cf. Movers, Loci quidam hist. canonis V. T. ilhistrati, Brestau, 1842, p. 21 sq. ; J. Danko, De sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 13-20 ; Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 19-24 ; Vigouroux, Manuel biblique, IIe édit., Paris, 1901, t. I, p. 84-94 ; Dictionnaire de la Bible, t. il, col. 141-143 ; Magnier, Élude sur la canonicité des saintes Écritures, Paris, 1892, p. 171-193 ; Pôrtner, Die Autoritàt der deuterocanonisclien Bûcher des A. T. nachgewicsen aus den Auschauungen des palûstinischen und hellenistichen Judenlhvms, Munster, 1893 ; P. van Kasteren, Le canon juif vers le commencement de notre ère, dans la Bévue biblique, 1896, t. v, p. 408415, 575-594 ; C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, Paris, s. d. (1898), p. 83-107.

4e Diversité du canon palestinien et du canon alexandrin. — Mais d’autres critiques, catholiques ou protestants, soutiennent que les juifs de la Palestine n’ont jamais reconnu de livres inspirés en dehors de ceux de la Bible hébraïque, et que les juifs d’Alexandrie, en admettant l’inspiration des deutérocanoniques, se sont séparés en ce point de leurs coreligionnaires palestiniens. Tous les témoignages, cités précédemment, ne sont favorables qu’aux livres de la Bible hébraïque. Jamais les deutérocanoniques n’ont fait partie du recueil palestinien ; Josèphe en fait foi. Sans doute, ils avaient cours dans le monde juif ; la tradition rabbiniquene les place pas au nombre des Livres saints ; elle ne les condamne pas non plus ; elle tient à leur égard la même attitude que Josèphe. Les rabbins les citent, mais pas connue Ecriture, ou si quelques-uns le font, ce n’est qu’une opinion particulière. Saint Jérôme n’a connu qu’un seul canon juif, celui de Palestine. Si Origène, In Ps. I, P. G., t. XII, col. 1084, assure que de son temps les juifs joignaient Baruch à Jérémie, el si les Constitutions apostoliques, v, 20, P. G., 1. 1, col. 896, témoignent qu’au IVe siècle on lisait ce livre dans les synagogues, saint Jérôme, In Jeremiam, prref., P. L., t. xxiv, col. 680, affirme catégoriquement que Baruch apud Hebrœos nec legiturnechabetur.Cf.K. Épiphane, Depond.el mens., 5, P. G., t. xi.iii, col. 245. Toutefois, il pourrait se faire que la pratique des synagogues n’ait pas été uniforme. Celles de la dispersion se servaient de Baruch comme d’un livre inspiré’, tandis que celles de Palestine continuaient à le laisser de côté. Le I*. Cornely, Introductio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 57-65, admet l’existence d’un canon alexandrin, plus (’tendu et pins complet que le canon palestinien. M. Loisy, Histoire du canon de VA. T., Paris, 1890, p. 60-67, nie --cm existence, au moins comme canon déterminé et rlos officiellement M. Chauvin, op. cit., p. 102-187, partage ce sentiment et conclut que si, en fail, le caractère sacre de tous les livres de la Bible était reconnu par les juifs de Pales-