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CALIXTE I er (SAINT)


pardonner, alors que l'Église se bornait simplement, par mesure disciplinaire, à ne pas user de son pouvoir, à leur refuser l’absolution et à les réserver à Dieu.

Or, que fait Calliste ? Soit parce que le nombre des pécheurs augmentait avec les progrès accentués du christianisme et que la plupart se soustrayaient aux rigueurs d’une pénitence perpétuelle non couronnée d’un pardon officiel, soit parce que les rigueurs de cette pénitence amenaient les catéchumènes à retarder le plus longtemps possible la réception du baptême, Calliste prend le parti de faire une brèche à la discipline en vigueur. Il déclare, non pas qu’il pardonne tous le « péchés sans distinction, comme semble le lui reprocher l’auteur des Philosoplmmena, mais, ainsi que le précise Tertullien, qu’il supprime la réserve relative au péché de fornication ou d’adultère, tout en la maintenant encore pour l’apostasie et l’homicide. Nous ne possédons pas, il est vrai, le document authentique où se trouve consignée et motivée une décision aussi importante ; mais la réfutation qu’en lit Tertullien dans son De pudicitia, entre 218 et 222, permet d’en connaître l'économie et la haute portée théologique.

Calliste connaît l’objection qui court : <r A quoi bon la pénitence si elle n’obtient pas le pardon ? » De pudicit., 3, P. L., t. il, col. 985. Il aurait pu répondre : l'Église s’en remet à Dieu du soin de la récompenser. Mais non, Calliste prétend donner lui-même une sanction à la pénitence, en pardonnant, dès ici-bas, le fornicateur ou l’adultère pénitent et en lui rendant la paix ou la communion ecclésiastique. Un tel acte d’autorité n’est pas, comme le prétend Tertullien, une usurpation du droit divin ; c’est l’exercice légitime d’un droit reçu de Dieu. Et c’est pourquoi Calliste en emprunte les preuves à l'Écriture. Il commence d’abord par montrer que Dieu bon et miséricordieux met la miséricorde audessus de la justice, préfère le repentir à la mort du pécheur et il veut le salut de tous, surtout celui des fidèles, De pudicit., 2, P. L., t. ii, col. 983 ; il rappelle les paraboles de la brebis égarée, de la drachme perdue, ibid., 7, col. 993, de l’enfant prodigue. Ibid., 8, col. 994. Il y joint les exemples de la pécheresse repentie et pardonnée, de la Samaritaine, ibid., 11, col. 1001, de l’incestueux de Corinthe, ibid., 13, col. 1003, de Jézabel avertie par l’Esprit-Saint qu’un temps lui est accordé pour se repentir de sa fornication et faire pénitence. Ibid., 19, col. 1017. Puis, se basant sur les paroles de Jésus-Christ à saint Pierre : Tibi dabo elaves regni c : rlestis ; quæcunque alligaveris vel solveris in terra, erunt alligata vel suluta in csclis, ibid., 21, col. 1025, il revendique le droit pour l'Église de remettre les péchés, ibid., 21, col. 1024, droit qui n’est pas seulement personnel et exclusif à saint Pierre, mais qui passe à ses successeurs, qui appartient aux évoques, numerus episcoporum, ainsi qu'à toute l'Église unie à celle de Pierre, ad omnem ecclesiam Pétri propinquam, ibid., 21, col. 1025 ; et par là il légitime son décret, dont la formule est ainsi donnée par Tertullien : Ego et mœchiæ et fornicationis delicta pxiiite ?Uiæ functis dimilto. De pudicit., 1, /' L., t. ii, col. 981. A cette preuve d'Écriture, Calliste ajoute la preuve de tradition. Il invoque l’autorité du Pasteur et de la coutume ancienne ; car Tertullien ne manque pas d'écarter le témoignage d’IIermas, ii, mine trop favorable aux fornicatcurs, ibid., 10, col. 1000, et écrit : Ilodie conceditur mœchiæ venia quia et aliquando roncessa est, ibid., 6, col. 990, concession qu’il trouve abusive, en raison de ses sentiments montani

La thèse de Calliste, bien qu’uniquement appliquée au cas de forniration ou d’adultère, a une portée plus générale. Tertullien le remarque et s’indigne d’une telle exception qu’il déclare injustifiée, De pudicit., 9. /'. l.., t. ii, col. 999 ; car ce qui milite en laveur de l’un des cas réservés, milite également, et pour I

raisons, en faveur des deux antres, ce qui est juste : quæcunque auctoritas, quæcunque ratio mœc/io et fornicatori pacem ecclesiasticam rcddit, eadem debebit et liomicidse et idololatrse psenitentibus subvenire. De pudicit., 22, P. L., t. ii, col. 1028. Très certainement Calliste n’aurait pas désavoué un tel raisonnement. Du reste la pratique ultérieure de l'Église donnera raison à l’observation de Tertullien ; elle finira par englober le cas d’idolâtrie ou d’apostasie et celui d’homicide dans la même indulgence pénitentielle.

Mais, d’après Tertullien, il y a autre chose encore dans le décret de Calliste, c’est l’attribution aux martyrs du pouvoir pénitentiel qui appartient aux évêques. De pudicit., 22, P. L., t. il, col. 1026. Christus in martyre est ut mœclws et fornicatores martyr absolvat. Ibid., col. 1027. Tertullien ne veut pas en entendre parler : Sufficiat martyri propria delicta purgasse. Mais la question est de savoir si Calliste attribuait aux martyrs plus qu’une simple intervention déprécative, et rien ne l’indique ; il est marqué, au contraire, que Calliste estimait efficace auprès de Dieu l’intervention des martyrs en faveur des fornicateurs et des adultères : mœchis et fornicatoribus a martyre ex^postulas veniam. De pudicit., 22, P. L., t. ii, col. 1028. DeRossi avait supposé que, du temps de Calliste, les martyrs délivraient à ces pécheurs des billets de réconciliation, qu’ils devaient soumettre à l'évêque, Roma sotler., t. il, p. 202 ; et Rolfl’s suppose que ce pouvoir des martyrs était subordonné, dans la pensée du pape, à celui de l'évêque. Das Indulgenz-Edict, Leipzig, 1893, p. 23 sq. Le texte de Tertullien n’autorise pas ces hypothèses. Quoi qu’il en soit de ce point particulier de discipline pénitentielle. il est certain qu'à partir de la persécution de Dèce l’intervention des martyrs n’est plus tolérée soit à Carthage, soit à Rome. Cf. Batilfol, Études d’histoire, Pans, 1902, p. 100-102, 126-129.

L’autre reproche fait à Calliste par les Philosoplmmena, en matière de discipline pénitentielle, celui d’admettre sans pénitence les hérétiques et les schismatiques, n’a pas de raison d'être. Car il y a lieu de distinguer entre ceux qui de l’orthodoxie sont passés au schisme ou à l’hérésie et ceux qui sont nés dans le schisme ou dans l’hérésie ou qui n’y sont venus qu’en sortant du paganisme. Les premiers, l'Église les traitera comme des déserteurs ; elle continuera d’exiger d’eux qu’ils fassent pénitence, car ils ont trahi leur foi. Quant aux derniers, Calliste a raison de les traiter avec bienveillance : la facilité de leur admission est un acte de justice et un moyen, ainsi que le constatent les Philosophumena, de désagréger les sectes en ce moment en décadence et d’augmenter à leurs dépens le vrai troupeau de Jésus-Christ.

Discipline ecclésiastique.

1. Les Philnsophumena accusent d’abord Calliste de ne pas déposer tout évêque prévaricateur, coupable d’une faute mortelle, Trpb ; Oâvaxov. Phil., IX, ii, 12, p. 444. D’après la discipline en vigueur au commencement du in » siècle, les trois péchés réservés, une fois avoués ou prouvés, entraînaient la pénitence publique pour les laïques, la déposition pour les clercs, l’irrégularité pour les uns et les autres. Par suite Calliste aurait innové sur l’un des points les plus importants de la discipline canonique. Mais nous n’avons ici que le témoignage isolé d’un esprit prévenu et suspect. Rien ne prouve, d’autre part, qu’on puisse voir là un acte d’autorité pour mettre h s évéquesà l’abri de toute accusation imprudente et li ou d’une cabale et pour empêcher de recevoir la déposition d’ennemis ou de témoins disqualifiés, ainsi que le suggérerai ! la fausse décrétale attribuée a Callisti librit decreti Boniionit episcopi excerpta, dans Mai, Nova bibliolh., t. vu. p. 35 ; /'. < :., t. x, col. 122. Beaucoup plus vraisemblable sérail l’hypothèse de Da Rossi, d’après laquelle le pape aurait porté une véritable déci-