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CANON DES LIVRES SAINTS


ment relevé l’autorité de l’Église en matière de canonicité (voir col. 1566), n’hésite pas à prouver l’inspiration des prophètes par l’accord surprenant de leurs prédictions. De consensu evangelist., 1. III, c. vii, n. 30, P. L., t. xxxiv, col. 1175-1176. Il aflirme maintes fois que Dieu, qui prévoit l’avenir, l’a prédit par la bouche et la plume des prophètes.

Cette manière de démontrer l’origine divine de l’Écriture par son contenu a persévéré dans l’Église, même lorsque d’autres méthodes avaient prévalu. Ainsi Junilius, à la question : Unde probamus libros rcligionis nostrse divina esse inspiratione conscriptos" ? répond : Ex multis, quorum prima est ipsius Scripturse veritas, dcincle ordo rerum, consonantia præceptorum, modus locutionis sine amhilu purilasque verborum. Additur conscribentium et prtedicantium qualitas, quod divina homincs, excelsa viles, infacundi subtilia nonnisi divino repleli Spiritu tradidissent ; tum prsedicationis virtus, quse mundum licet a paucis despeclis prædicaretur, obtinuit. Accedunt his lestificatioconlrainorumutsibyllarum vel philosophorum, expulsio adrersariorum, ulilitas consequentium, exilns eorum quæ per acceptiones et figuras prx.diclionesque prsedicta sunt ; ad postremum miracula jugiter facta, donec Scriptura ipsa susciperetur a genlibus, de qua hoc nunc ad maximum miraculum sufficit, quod ab omnibus suscepta cognoscitur. Instit. regul. divïnse legis, 1. II, c. xxix, P. L., t. lxviii, col. 42 ; Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 527.

Au xif siècle, Baudoin, archevêque de Cantorbéry, fait dépendre la vérité de la foi de l’autorité de l’Écriture, et pour démontrer cette autorité, il s’appuie, le premier à notre connaissance, sur le témoignage des prophètes qui ont eu conscience de leur inspiration divine et qui ont confirmé leur témoignage en faveur de leur inspiration par la sainteté de leur vie et par leurs prophéties à brève échéance dont la réalisation garantissait la vérité de toutes leurs paroles. De commendatione jidei, P. L., t. cciv, col. 619-621. Leur inspiration est un gage que leurs oracles, révélés par le Saint-Esprit, sont vrais. Les apôtres, qui leur ont succédé dans la prédication, sont d’accord avec eux ; eux-mêmes ne se sont jamais contredits. Cet accord confirme que les prophètes et les apôtres ont été des témoins de la vérité. lbid., col. 625-628.

Dans le prologue de son commentaire sur les Sentences, Duns Scot démontre l’inspiration de la sainte Écriture par dix arguments qu’il a empruntés aux Pères, à savoir, la prédiction de l’avenir, l’accord des écrivains inspirés qui vivaient à des époques différentes et n’étaient pas disciples les uns des autres, leur témoignage véridique en faveur de leur propre inspiration, la tradition juive et chrétienne au sujet des livres canoniques, leur contenu conforme à la raison, les erreurs de ses adversaires, la perpétuité de l’Église qui les reçoit, les miracles opérés par Dieu en faveur de cette Église, le témoignage des païens et des hérétiques, enfin la conversion du monde nonobstant les persécutions. In IV Sent., prol., q. ii, Opéra, Paris, 1893, t. VIII, p. 76-78. Pour prouver que la Hible est de Dieu et non pas de l’homme, Raymond de Sébunde, Theologia naturalis, tit. ccxi-ccxvi, la considère en elle-même, dans sa manière d’affirmer la vérité et dans son contenu, et il conclut qu’elle est de Dieu, qu’il faut croire tout ce qu’elle enseigne et que sa certitude dépasse toutes les sciences humaines.

Les controversistes catholiques, contemporains de la Réforme, discutent généralement les critères proposés par les protestants. Ainsi Hosius, Quod fides fundamentum sit religioni » christianm, c. xvii, Opéra, in-fol., Paris. 1562, p. 8 ; P. Wittfelt, Theologia cateehetica, 1. I, disq. III, inst. i, q. i, 1675. Cf. Libert-Iïomond, Coin

ment, in sac. Script., In II Tim., iir, iG, 1662. Plus tard, Serarius, qui rejette le critère indiqué par Calvin, s’appuie cependant encore sur les critères internes pour prouver l’origine divine des Livres saints. Prolegomena biblica, c. iv, q. i-xii. Tobie Lohner, lnstitutiones quintuplicis tlieologise, tr. I, 1. I, tit. iv, v, 1679, joint au témoignage de Jésus-Christ, des apôtres et des Pères en faveur des livres inspirés celui de Dieu ou les miracles, l’accomplissement des prophéties et le contenu lui-même de la Bible, qui est saint et conforme à la raison. Noël Alexandre, Hist. eccl. V. T., diss. XII in iv am œtatem, 1676, suit la même méthode. Pour démontrer que l’Écriture est une règle infaillible de la foi, Suarez s’appuie principalement sur le fait de son origine divine ou de son inspiration. A ce motif de foi, il joint cependant, comme simples motifs de crédibilité, l’accomplissement des prophéties, l’accord et l’harmonie de tous les livres canoniques, la sainteté et la pureté de leur doctrine. De ftde, disp. V, sect. iii, n. 8, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 144-145. Dès lors, ce n’est plus qu’à ce titre qu’ils sont invoqués, ou bien comme simples confirmations de la thèse prouvée par l’autorité de l’Église, ou bien dans la polémique avec les incrédules qui ne se rendent pas à la déclaration de l’Église. Cf. Frassen, Disquisitiones biblicæ, . I, c. i ; 1. III, c. iii, Paris, 1682 ; E. Dupin, Prolégomènes sur la Bible, 1. II, c. i ; Juenin, lnstitutiones theologicæ, proleg., diss. IV, c. iii, Paris, 1701 ; Calmet, Dissertation sur l’inspiration des livres sacres, dans Dissertations, Paris, 1720, 1. 1, p. 56-73 ; Chérubin de Saint-Joseph, Summa critiese sacræ, disp. V, a. 6, 7, 1704-, 1. 1, p. 463-516 j.Marchini, De divinilate et canonicitate sac. librorum, part. I, a. 4, dans Migne, Cursus complétas Script, sac, t. iii, col.55sq. ; Chrismann, Régula jidei catholicse, %b, dans Migne, Cursus complétas llico* logiæ, t. vi, col. 907-909.

2° Reconnaissance de l’origine et de l’autorité divine de l’Écriture par l’Église. — L’autorité de l’Église sur l’Écriture s’est exercée, et a été reconnue au cours des siècles, de diverses manières, d’abord implicitement par la possession et l’emploi, notamment dans les offices liturgiques, puis plus ou moins explicitement par la manifestation de plus en plus nette d’une tradition ecclésiastique, et enfin officiellement par des décisions disciplinaires ou dogmatiques.

1. Possession et usage de la Rible dans l’Eglise, surtout pour les lectures liturgiques. — Nous l’avons déjà dit, les chrétiens regardaient les Livres saints comme « leurs livres » , « leur littérature ; » ils s’en servaient comme de leur bien propre, comme étant la propriété de l’Église. Pour exclure les Évangiles apocryphes les Pères disent que l’Eglise n’a que quatre Évangiles. S. [renée, Cont. hær., ni, 11, P. G., t. vii, col. 885 ; Origène, In Luc, homil. i, P. G., t. « Il, col. 1803. Ce sont les seuls qui aient été transmis. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 13, P. G., t. viii, col. 1193. Les aloges prétendaient que les écrits de saint Jean n’étaient pas dignes d’être dans l’Église. S. Épiphane, User., LI, 3, P. G., t. xi.i, col. 892. Quand Origène parle des livres qui ont droit de faire partie de la Bible, il dit qu’ils sont reçus dans l’Eglise ou dans les églises. Epist. ad Africanum, 1, 2, P. G., t. vi, col. 48, 49 ; Cont. Cclsum, v. 54, i-bid., col. 1268 ; InMaltli., t. xiv, 21, P. G., t. XIII, col. 1240. Mais l’usage principal que l’on fait de ces livres dans l’Église de Dieu ou dans les églises est leur lecture publique durant les offices liturgiques. On estime généralement que la coutume de lire l’Écriture dans les réunions communes a passé de la Synagogue à l’Église, Or la lecture officielle d’un livre comme Écriture sainte était dans l’antiquité un critérium de son origine divine et de sa canonicilé. Le canon de Muralori parle d’écrits apocryphes, quoe. in catholicam Ecclesiam recipi non congruit, 1. 66 ; il dit de l’Épitre de saint.Inde et do deux Épitres de saint Jean que in cal/iolira (sous-en-