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CANON DE LA MESSE


qu’elle ait été autrefois en usage à Rome, avant saint Grégoire.

9. On a vu plus haut que le Mémento des défunts était primitivement uni à celui des vivants (et au Communicantes ) et que, au temps d’Innocent I er, ils se faisaient tous deux avant la consécration. Toutefois il est très possible qu’avant Innocent I er les deux Mémento aient été reliés, comme dans la plupart des liturgies, à l’épiclèse, c’est-à dire placés après la consécration. En fixant le Mémento des défunts à sa place actuelle, Grégoire I er aurait donc remis partiellement les choses en leur premier état. Il a eu certainement cette intention et peut-être aussi celle de rapprocher par là le rite romain du rite grec. S. Grégoire, Epist., 1. IX, epist. xii, ad Joannem Syracusanum, P. L., t. lxxvii, col. 956-957.

10. L’exomologèse, à laquelle répond le Nobis quoque peccatoribus, existe également dans les anciennes liturgies : tantôt elle suit immédiatement l’épiclèse, tantôt elle en est séparée par le Mémento. Quant à l’époque où le. Nobis quoque peccatoribus, dans sa forme actuelle, a pris place dans le canon romain, il est malaisé de la préciser. On sait seulement qu’il en faisait partie avant Grégoire I er, car Aldhelme, évêque de Salisbury, mort en 709, dit que ce pape a modifié dans le canon l’ordre des noms en réunissant ceux des vierges Agathe et Lucie. P.L., t. i.xxxix, col. 1 42. Benoit XIV, De sacrif. missse, 1. II, c. xviii, n. 7, s’appuie sur ce témoignage pour attribuer à Grégoire I er l’insertion des noms des vierges martyres dans le Nobis quoque peccatoribus.

11. La conclusion Per queni hsec oninia, etc., se rencontre dans les sacramentaires léonien et gélasien : du moins elle y est indiquée par les premiers mots. Il n’est guère douteux que, longtemps avant saint Grégoire, le canon se terminait par la même formule qu’aujourd’hui.

II. Composition actuelle et signification du canon de la messe. — Cf. Gihr, Das heilige Messopfer, p. 534 sq.

1° Les premiers mots, Te igitur, du canon le rattachent intimement à la solennelle action de grâces qu’exprime la préface. Après y avoir remercié Dieu de ses bienfaits, après avoir uni à cet effet sa voix avec celle des anges dans le Sanctus trois fois répété, le prêtre lui demande par Jésus-Christ d’agréer et de bénir les dons présents sur l’autel, afin que ce sacrifice profite à tous ceux pour lesquels il est offert. C’est d’abord l’Église entière ; ce sont nommément les supérieurs ecclésiastiques, le pape, l’évéque diocésain ; ce sont enfin les autres évoques, les prêtres et, en général, tous les ouvriers de la foi catholique et apostolique. Viennent ensuite les fidèles qui ont une part spéciale dans le fruit de la messe, soit en raison de l’intention du prêtre, soit du fait de leur contribution matérielle ou de leur assistance au saint sacrifice. Étant unis par la foi et par la prière au prêtre qui l’offre, ils l’offrent eux-mêmes tous ensemble, spirituellement avec lui. Ils l’offrent également en union, communicantes, avec l’Église du ciel en vertu du lien de la communion des saints qui les unit à elle. C’est pourquoi, par la bouche du prêtre, ils font mémoire et appellent l’intercession de divers illustres martyrs. C’est au commencement de cette prière que se placent les intercalations relatives à huit fêtes de l’année : Noël, Epiphanie, le jeudi saint et le samedi saint, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte et sa vigile. Deux autres additions se font aux fêtes de I Tiques et de la Pentecôte ainsi qu’à leur vigile, à la prière liane igitur, m ; iis elles se rapportent moins à ces fêtes qu’à l’ancienne coutume de conférer le baptême la veille de Pâques et le samedi de la Pentecôte.

Hanc igitur.

Ainsi, l’oblation présentée par le piètre est offerte au nom des fidèles de la terre et du ciel. Confiant donc dans l’efficacité de sa prière, le prêtre la fait plus instante et, les mains étendues sur les oblala, il conjure Dieu d’accorder aux fidèles, eu

dict. de tiiéol. catiiol.

égard à ce sacrifice, les biens de cette vie, de les préserver du malheur éternel et de les inscrire au nombre de ses élus.

Quam oblalionem.

Cette prière forme la liaison naturelle entre ce qui précède et ce qui va suivre. Une dernière fois, mais avec une particulière solennité, le sacrifice qui va s’accomplir est recommandé à Dieu afin qu’il en fasse un sacrifice parfait, et cette fois, le prêtre spécifie en toutes lettres quelle sera la victime : Jésus-Christ, dont le corps et le sang vont devenir présents sur l’autel pour le salut de tous, nobis.

Qtd pridie quam pateretur.

Ici commence le récit évangélique de l’institution de l’eucharistie. Toutefois, en prononçant les paroles sacramentelles avec l’intention requise, le prêtre n’est plus un simple narrateur : il parle comme ministre de Jésus-Christ, tenant de lui le pouvoir de répéter le prodige opéré la veille de la passion.

5 » Jésus-Christ avait donné ordre de consacrer l’eucharistie en mémoire de lui : in mei memoriam facietis. C’est pourquoi, aussitôt après la consécration, le prêtre rappelle les mystères de la passion, de la résurrection et de l’ascension, qui ont un rapport spécial avec l’eucharistie ; puis, il offre à Dieu la sainte victime : ne s’est-elle pas offerte, ne s’offre-t-elle pas encore dans l’état d’immolation où elle est sur l’autel ?

Cependant, si l’offrande que Jésus-Christ fait de lui-même est infiniment agréable à Dieu, celle que l’Église fait de Jésus-Christ plaît à Dieu plus ou moins, selon le degré variable de la sainteté de l’Église, c’est-à-dire des prêtres et des fidèles. Telle est la raison de la prière Supra quse propitio, où l’on demande à Dieu de daigner jeter sur ce qui lui est offert un regard favorable comme celui dont il a accueilli les offrandes figuratives d’Abel, d’Abraham et de Melchisédech. Ceci montreclairement que les choses qui sont offertes à Dieu sont à la vérité le corps et le sang de Jésus-Christ, mais qu’elles sont ce corps et ce sang avec nous tous et avec nos vœux et nos prières et que tout cela constitue une même oblation que nous voulons rendre en tous points agréable à Dieu et du côté de Jésus-Christ qui est offert et du côté de ceux qui l’offrent aussi avec lui. Bossuet, Explication de quelques difjicultés sur les prières de la messe.

La même pensée se retrouve avec plus de netteté et de profondeur dans la prière : Suppliccs te rogamus. Dieu y est supplié de recevoir ces choses, liœc, des mains sans tache de l’ange qui assiste à son autel, de telle sorte que le corps et le sang de Jésus-Christ procurent à tous ceux qui y participeront une pleine mesure de grâces et de bénédictions. Cette prière occupe exactement la place de l’épiclèse grecque, et elle est adressée à Dieu pour qu’il intervienne dans le mystère. Mais elle est loin d’avoir la précision des formules grecques et elle s’enveloppe de formes symboliques. Enfin, le mouvement symbolique a lieu en sens contraire : tandis que les formules grecques demandent que le Saint-Esprit descende vers l’oblation pour la transformer au corps et au sang de Jésus-Christ, ici c’est l’oblation qui est emportée au ciel par l’ange de Dieu. Ms r Duchesne, op. cit., p. 181, 182. Mais quel est au juste l’ange dont il est ici question ? Cet ange ne serait-il pas Jésus-Christ lui-même qui est appelé l’ange du grand conseil ? Cf. S. Thomas, Sum. theol., III » , q. lxxxiii, a. 4, ad 8° m. Ou bien s’agirait-il de l’ange qui préside à l’oraison ? Tertullien, De oratione, c. xvi, P. L., t. i, col. 1174. Ne serait-ce pas l’ange gardien de l’Église où s’offre le saint sacrifice ou celui du prêtre qui le célèbre, ou plutôt, l’archange Michel, qui se tient devant l’autel l’encensoir à la main et qui y offre l’encens, c’est-à-dire les prières des fidèles ? foules ces opinions ont été émises. Du reste, aucune n’exclut la présence simultanée de légions d’anges faisant par consentement ce qu’un d’eux fait

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