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CANISIUS


Deux articles trahissent surtout son influence : réintroduire dans l’école la dialectique d’Aristote ; ne pas admettre de professeurs publics qui n’appartiennent à l’ancienne croyance. Ibid., t. i, p. 582 ; t. iii, p. 682 ; cf. C. Prantl, Geschichte der Lvdwig-Maximilians-Vniversitât in Ingolstadt, Landshut, Mùnchen, 2 in-8°, Munich, 1872, t. il, p. 195 sq. ; Pachtler, Ratio studiorum et institutiones scholasticm Societatis Jcsu per Germaniam olim vigentes, Berlin, 1887, 1890, t. I, p. 355 ; t. iii, p. 480.

A Vienne, où il arriva le 9 mars 1552, Canisius porta le même esprit. Attaché à la faculté de théologie comme professeur, puis doyen en octobre 1553, il fut à l’université l’adversaire déclaré de l’hérésie et de ses tenants. Epist., t. i, p. 732 sq. Les documents qui nous restent ne permettent pas de préciser quelle part il eut dans la réforme opérée par Ferdinand I er, alors roi des Romains ; mais il est certain qu’il ne fut pas étranger aux délibérations où le plan de réforme s’élabora, et que parmi les nouveaux statuts publiés le 1 er janvier 1554, quelques-uns témoignent de son influence personnelle ; tels les articles 17 et 18, qui concernent la bonne tenue des maisons d’étudiants et le contrôle des nouveaux livres. Ibid., p. 740 ; R. Kink, Geschichte der kaiserlichen Universitàt zu Wien, in-8°, Vienne, 1854, t. ii, p. 62. L’université de Vienne a conservé le /îom du Bienheureux parmi ceux des personnages qu’elle s’honore plus particulièrement de compter au nombre de ses illustrations.

Le 7 juin 1556, Canisius fut nommé premier provincial de la Compagnie de Jésus pour l’Allemagne, l’Autriche et la Bohême. Cette charge étendait le champ de son influence ; désormais il pouvait poursuivre plus activement et plus efficacement la réforme de l’éducation, en créant dans les pays soumis à sa juridiction des collèges de son ordre. Non qu’il ait tait de cette œuvre, comme on l’a dit, le but de sa vie ; ce n’était qu’un moyen, mais à ses yeux le plus puissant moyen d’action pour son vrai but, le relèvement ou la conservation de la foi catholique en Allemagne : nullum enim subsidium magis idoneum novimus, avait-il écrit d’Ingolstadt à saint Ignace, le 2 novembre 1550. Epist., t. I, p. 340. Ses efforts, favorisés par le crédit dont il jouit auprès des princes séculiers et ecclésiastiques, ne furent pas infructueux. Sous son administration, de 1556 à 1569, des collèges importants et destinés presque tous à un avenir brillant, furent fondés à Ingolstadt, à Prague, à Munich, à Inspruck, à Trêves, à Mayence, à Dillingen, à Spire et à Wurzbourg. Une dizaine d’autres, établis en Hongrie, ou dans les provinces d’Autriche et du Rhin déjà séparées du tronc primitif, ou dans la province même de la Haute-Allemagne sous le gouvernement de son successeur, durent en réalité au Bienheureux leur première origine.

En fondant ces centres d’éducation catholique, Canisius n’avait pas seulement en vue la formation des classes élevées ; il songeait aussi au recrutement et à la réforme du clergé. Aussi s’attachait-il avec une constante sollicitude à fournir aux enfants pauvres les moyens d’étudier. Partout où il le put, il obtint pour eux des bourses dans les universités, ou fit annexer aux collèges de son ordre des maisons pour les recevoir. Ainsi en fut-il à Vienne, à Ingolstadt, à Munich, à Inspruck, à Dillingen et à Wurzbourg. A Prague, eu 1559, il fit imprimer un écrit pour amener les Bohémiens à fonder un établissement de ci’genre, et deux ans plus tard, il plaida personnellement la même cause auprès de l’archiduc Ferdinand II. A la diète d’Augsbourg, il se fit quêteur et put prendre à sa charge jusqu’à deux cents étudiants pauvres qu’il réunit sous un même toit. Quand le concile de Trente eut recommandé l’érection de séminaires ecclésiastiques, Canisius fut auprè di évoques l’apôtre de cette grande œuvre, qu’il estimait

nécessaire pour le maintien et le progrès de la religion en Allemagne. Le peu de zèle qu’il rencontra chez un certain nombre l’attrista beaucoup. « Sans de bons séminaires, les évêques ne parviendront jamais à remédier au mal actuel, » écrivait-il encore en 1585 dans un mémoire adressé au P. Aquaviva.

Ce fut dans le même esprit que Canisius soutint de tout son pouvoir, par les aumônes qu’il recueillit et plus encore par les sujets d’élite qu’il lui envoya, le Collège germanique, fondé à Rome par saint Ignace en 1552. Il fit plus ; ce furent ses conseils, joints à ceux du cardinal Truchsess, qui déterminèrent Grégoire XIII à assurer l’avenir de ce collège en le dotant de revenus fixes et suffisants pour une centaine d’élèves. Cardinal Steinhuber, Geschichte des Collegium Gennanicum Hungaricumin Rom, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1895, t. i, p. 87 sq. Le même pape réalisa des idées chères au Bienheureux quand il fit ouvrir des séminaires pontificaux à Dillingen, à Fulda, à Prague, à Olmutz, à Braunsberg, à Vilna et jusque dans les nouvelles chrétientés de l’Inde et du Japon, tandis que par ses soins, les collèges des Anglais, des Grecs, des Maronites, s’élevaient à Rome même et rivalisaient avec le Collège germanique.

En 1879, les catholiques allemands et Rome ont rendu hommage à ce grand apôtre de l’éducation catholique : ceux-ci, en fondant une Société du Bienheureux Canisius, Canisius-Verein, destinée à promouvoir la formation de la jeunesse allemande ; Rome, en approuvant cette fondation et en lui donnant officiellement le Bienheureux pour protecteur. Voir J. Knabenbaucr, S. J., Der selige Canisius und die Schulfrage, dans Stimmen ans Maria-Laach, 1879, t. xvii, p. 352 sq.

4° Action sur le peuple ; apostolat de la parole. — A l’éducation de la jeunesse, Canisius joignit dès le début, à Ingolstadt comme à Vienne, un ministère qui lui permettait d’atteindre non pas seulement une classe d’individus, mais la masse même du peuple. Partout où les devoirs de son état et les grands intérêts de la religion le firent résider ou simplement passer, à la ville ou à la campagne, dans les milieux les plus modestes comme à la cour des princes ou dans les diètes de l’Empire, il exerça le ministère de la prédication ; il l’exerça pendant près d’un demi-siècle, avec un zèle infatigable et sans y chercher jamais autre chose qu’un moyen d’instruction et de réforme religieuse. Calme, net et logique dans l’exposition de la doctrine, animé d’une conviction intime et pénétrante, sachant faire de l’Écriture et de la tradition un heureux et continuel usage ; instruit des erreurs protestantes, mais modéré dans la réfutation et attentif à saisir les occasions, celle d’un jubilé par exemple, pour donner et expliquer la vraie pensée catholique, Epist., t. iii, préf., p. xxxiii sq., il eut sur ses auditeurs une puissance que rehaussait encore la vénération inspirée à tous par son caractère et sa sainteté. Sa parole se fit entendre, et porta fruit dans la plupart des grandes cathédrales de l’Empire, Vienne, Prague, Ratisbonne, Worms, Cologne, Strasbourg, Osnabruck, Wurzbourg et surtout Augsbourg, où il fut, pendant plusieurs années, prédicateur ordinaire. Cette ville, la première de l’Empire à cette époque, était dans un tel étal de décadence religieuse, que l’année même où le Bienheureux commença d’y prêcher, on compta tout au plus huit cents communions à Pâques, et vingt personnes présentes à la procession de la Fête-Dieu. Le prédicateur n’eut au début qu’une cinquantaine d’auditeurs ; mais bientôt le nombre s’accrut, et des auditeurs, et des pratiquants ; des conversions éclatantes se produisirent, en particulier dans la noble et puissante famille des Fugger. La renaissance catholique provoquée par le zèle de Canisius fut telle, qu’au siècle suivant un évéque d’Augsbourg consignai) celle note (lins le compte rendu de sa visiti de 1629 :