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WAZON DE LIÈGE WELTE (BENOIT)


grâce de Dieu, nous fait dispensateurs de la vie ; elle est donc bien supérieure à la vôtre ! » (c. xxviii.) Toutes marques d’un esprit nouveau qui pénètre dans le clergé de la région lorraine et qui prépare, avec un peu d’avance, la révolution grégorienne de la fin du xie siècle. C’est à ce titre, tout spécialement, que Wazon est remarquable, et ce serait plus vrai encore, si l’on pouvait démontrer que l’évêque de Liège est l’inspirateur d’un court traité, De ordinando ponlifice, composé par un clerc de basse Lorraine et sur lequel A. Fliche a récemment attiré l’attention. Cf. ici, l’art. Léon IX, t. ix, col. 322. Si cette vue est exacte, il faut faire, sans hésiter, de Wazon un des premiers théoriciens de la grande réforme du xie siècle.

A un autre point de vue, Wazon devance, mais de bien loin, son époque, c’est dans la question de la répression de l’hérésie. Nous sommes à l’époque où l’opinion commence à s’émouvoir de la pénétration en Occident du néo-manichéisme, qui plus tard s’appellera l’hérésie des Albigeois. Elle réagit avec violence et l’idée de la répression sanglante se fait bientôt jour dans les milieux populaires, en attendant qu’elle soit acceptée et même préconisée par l’Église. Sous le roi de France Robert le Pieux, les chanoines d’Orléans soupçonnés de la nouvelle hérésie avaient été livrés aux flammes par une véritable sédition. L’idée faisait son chemin parmi les dignitaires ecclésiastiques ; mais on demeurait hésitant. Saint Augustin, le guide par excellence, n’avait-il pas hésité lui-même ? Ayant découvert dans son diocèse des gens dont les attaches avec le manichéisme ne pouvaient faire de doute, l’évêque de Chàlons interrogea Wazon sur le traitement à infliger aux sectaires, sans dissimuler d’ailleurs qu’il était pour la manière forte (c. xxiv). Nous avons en grande partie la réponse de l’évêque de Liège. Les aveux des inculpés, convient-il, ne laissent aucun doute sur leur hérésie ; mais la religion chrétienne, imitant le Sauveur, nous ordonne de tolérer ces gens-là. La parabole de l’ivraie dans les emblavures n’est-elle pas une indication : « Laissez croître, dit Jésus, la mauvaise herbe et le bon grain jusqu’à la moisson, où se fera la discrimination du bon et du mauvais. » D’autant que ceux qui sont aujourd’hui ivraie peuvent devenir froment. Cela ne veut pas dire que les serviteurs du père de famille doivent assister inertes à l’invasion de la mauvaise graine ; qu’ils usent, pour combattre l’erreur, de toutes les armes spirituelles, surtout qu’ils luttent contre l’hérésie par le vrai moyen, en cherchant à convertir les âmes. Mais, en tout état de cause, les évêques se rappelleront qu’au jour de leur ordination ils n’ont pas reçu le glaive qui appartient au pouvoir séculier : « Nous recevons l’onction sainte non pour donner la mort, mais pour donner la vie. » La lettre se continuait par des arguments empruntés à l’histoire de saint Martin, qui, dans l’affaire du priscillianisme, avait rompu avec les évêques « sanglants », responsables de la peine capitale infligée à Priscillien et à ses adhérents. Et Wazon de faire remarquer que bien souvent on avait pris pour hérétiques larvés de bons catholiques qui, à cause du sérieux de leur ascèse, portaient la pâleur sur leurs traits ; ceci avait amené parfois la mort d’excellents chrétiens. C’est d’après ces principes et ces actes de Wazon que son biographe réprouve des exécutions d’hérétiques qui viennent d’avoir lieu tout récemment dans la région rhénane. « Notre Wazon, écrit-il, n’aurait certainement pas acquiescé à cette sentence de mort. » (c. xxv et xxvi.) En définitive, esprit très personnel, très ouvert, amené par sa formation littéraire et scientifique à se former son opinion, peu enclin à suivre, sans les discuter, les errements de son époque, tel nous apparaît Wazon de Liège. On peut seulement regretter que son bagage littéraire soit si mince. Le recueil de lettres auquel son biographe a emprunté les quelques-unes qu’il cite ne s’est pas conservé, en sorte que, s’il a une grande importance dans l’histoire des idées, Wazon n’en a à peu près aucune dans l’histoire littéraire.

La source essentielle est la biographie rédigée, peu après la mort de Wazon, par Anselme de Liège, son ami et collaborateur ; il lui avait succédé comme écolâtre de Liège. Cette biographie forme la dernière partie des Gesta episcoporum Tungrensium, Trajectensium et Leodiensium, commencés par Hérigcr de Lobbes, cf. P. L., t. cxxxix, col. 957 sq., qui reproduit l’édition Kœpke des Monum. Germ. histor., Scriptores, t. vu ; Migne a séparé de l’œuvre d’ensemble la biographie de Wazon, qui se trouve P. L., t. cxlii, col. 725-764, avec une capitulation spéciale, à laquelle nous nous sommes référés. Dans cette biographie sont insérés les quelques lettres de Wazon que cite Anselme.

Renseignements complémentaires dans Manitius, Gesch. der latein. Literatur des M. A., t. ii, voir table alphabétique, et surtout p. 682, à propos de Fulbert de Chartres, et p. 778 à propos de deux maîtres de mathématiques, passés l’un et l’autre à Liège.

Outre les travaux généraux : H. Bresslau, Jahrbùcher des deutschen Reiches unter Konrad IL ; E. SteindoriT, Jahrbiicher… unter Heinrich 111. ; Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. m (voir table alphabétique) ; on signale quelques monographies : P. Alberdingk, Wazon évéque de Liège (1041-1048) et son temps, dans Revue belge et étrangère, t. xiii, Bruxelles, 1862, et la notice de la Biographie nationale de Belgique ; bon article de C. Mirbt, dans Protest. Realencyclopsedie, t. xxi.

Sur les idées ecclésiastiques de Wazon l’attention a été surtout attirée par A. Fliche, voir surtout Études sur la polémique religieuse à l’époque de Grégoire VII. Les Prégrégoriens, Paris, 1916.

É. Amann.


WEERDE (Jean de). On lit aussi : Viridi, Wardo, Verdg. Le premier maître cistercien ayant conquis la maîtrise en théologie à Paris. — Originaire de Weerde, en Zélande, il appartint à la célèbre abbaye cistercienne des Dunes, près de Bruges. II vint assez tôt à la maison d’études fondée par l’ordre à Paris, en 1245-1250, Saint-Bernard du Chardonnet. Il y conquit la licence en théologie avant 1275 et y devint régent jusqu’en 1293. Maître de Humbert de Prully, François de Keysere, Renier de Clairmarais, il put ainsi imprimer à l’école cistercienne l’allure qu’elle conserva par la suite. Il fut également un prédicateur renommé. Son ordre lui accorda un certain nombre de privilèges honorifiques. Il mourut en 1293.

On possède de lui des sermons assez nombreux, de 1268, 1270, 1275 ; et des extraits de Quodlibets soutenus en 1286 et 1287 (conservés dans le Paris, lat. 15 850, fol. 18 sq.). On lui a attribué parfois la paternité du Dormi secure.

Voir Le Clerc, dans Hist. litt. France, t. xx, p. 205 sq. ; A. Pelzer, dans Annales de la Soc. émul. Bruges, 1913, p. 17-21 ; P. Glorieux, Notices sur quelques théologiens de Paris de la fin du XIIIe siècle, dans Arch. hist. doctr. litt. du M. A., 1928, p. 212-216 ; du même, Répertoire des maîtres en théologie de Paris, t. ii, notice 362 ; du même, La littérature quodlibétique, t. II, p. 187 sq.

P. Glorieux.


WELTE Benoît, ecclésiastique allemand, exégète et surtout directeur avec Wetzer du Kirchenlexicon (1805-1885). — Né à Ratzenried (Wurtemberg ) « le 25 novembre 1805, il fit ses études à Tubingue et à Bonn et s’appliqua surtout à l’étude de l’Ancien Testament et des langues orientales. Après avoir exercé quelque temps le saint ministère, il fut nommé en 1835 répétiteur au convict de Tubingue d’où il ne tarda pas à passer à la faculté de théologie catholique. En 1840, il était titularisé comme professeur d’exégèse de l’Ancien Testament ; il le resta jusqu’à sa nomination à une stalle de chanoine titu-