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WAZON DE LIÈGE


impartiale qui forme toute la seconde partie des Gesta Lcodiensium episcoporum d’Anselme de Liège. Les renvois sont faits au texte donné dans la P. L., t. cxlii, col. 725 sq. D’assez basse extraction, il est né vers les années 980-990, dans la région de Lobbes ou de Namur. C’est au couvent de Lobbes, dont Hériger dirigeait alors l’école, cf. ici, t. xi, col. 808, qu’il a fait ses premières études ; de là il est passé à Liège, sous la direction de Notker, d’abord écolâtre, avant d’être évêque de la cité. Notker avait donné à l’école cathédrale une vive impulsion et en avait fait une rivale de la célèbre école de Chartres, dont Fulbert était l’animateur. Il est possible qu’attiré par la renommée de ce dernier, Wazon soit allé se mettre quelque temps sous sa direction ; toujours est-il qu’il est cité par Adelmann parmi les hommes célèbres qui ont été disciples de Fulbert. Cf. P. L., t. cxliii, col. 1296-1297. Cette conjecture de Manitius se trouve appuyée par le fait que les écoles de Liège, dans le temps que Wazon en sera le directeur, s’intéresseront vivement aux questions mathématiques, ce qui était une particularité de Chartres. Quoi qu’il en soit, c’est dès 1008 que Wazon, sous l’épiscopat de Notker, commença ses fonctions d’écolâtre de Liège, qu’il remplit avec beaucoup d’éclat, ajoutant un nouveau lustre à celui que Notker avait déjà donné à l’institution. En 1017, tout en conservant la direction de l’école, il devint doyen du chapitre cathédral. Des discussions assez vives avec le prévôt obligèrent Wazon à se retirer pendant quelque temps chez son ami Poppon.abbé de Stavelot, qui lui fit donner une place de chapelain à la cour de l’empereur Conrad II, où il se fit remarquer par ses connaissances. La mort du prévôt avec qui il avait eu des démêlés le ramena à Liège, où il devenait en 1033 prévôt et archidiacre. Son esprit d’organisation le fit bien vite remarquer ; à la mort de l’évêque Réginald (décembre 1037), il n’aurait tenu qu’à lui d’être nommé à la place du défunt. Il s’effaça néanmoins devant Nithard, qui ne siégea que cinq ans et, à la mort de celui-ci, une élection unanime, approuvée par l’empereur Henri III, le porta sur le siège épiscopal (1042).

Son pontificat assez bref — Wazon mourra le 8 juillet 1048 — lui donna l’occasion de montrer des qualités remarquables. Prince temporel, il n’eut pas seulement à s’occuper du bien-être de ses administrés, qu’il protégea contre les désordres, la famine et les diverses calamités de l’époque, mais il prit une part active à la politique. Loyal envers l’empereur Henri III, qui l’avait nommé (cf. c. xxii), il prit ses intérêts en mains à plusieurs reprises, d’abord en 1044, lors de la révolte du duc de Lorraine, Godefroy le Barbu, puis on 1H17, quand, profitant du long séjour que fit alors l’empereur Henri III en Italie, le roi de France, Henri I er, tenta de marcher sur Aix-la-Chapelle pour s’y faire couronner — vieux rêve des souverains de la France occidentale depuis Charles le Chauve, roi de Lotharingie (c. xxiii). Une correspondance du tour le plus vif s’échangea entre le roi de France et l’évêque, qui eut finalement raison du souverain.

Mais le loyalisme de Wazon à l’endroit de son maître ne faisait pas de lui le dévot serviteur de t oui es lai fantaisies du monarque. Une chose, en particulier, choquait vivement l’évêque de Lieue, c’était l’intolérable prétention du roi de s’ingérer à tout propos flans l’administration des choses de l’Église. À rencontre de cette tendance césaro-papiste, si accentuée chez tous les empereurs germaniques depuis Othon l ii, Wazon représente la doctrine qui devait triompher a

la fin du xr siècle et qui s’essayait pour lors a prendre COTps, tout spécialement en Lorraine. Sans contester l< droits acquis du prince, celle-ci entend bien <>

traire les choses proprement spirituelles à l’arbitraire de l’autorité séculière. À plusieurs reprises, Wazon fit entendre cette vérité à l’empereur Henri III. D’abord dans le procès que le souverain veut faire à l’archevêque de Ravenne pour divers griefs d’ordre ecclésiastique : un conseil d’évêques allemands se réunit pour en délibérer ; devant les hésitations de plusieurs, Wazon exprime clairement sa pensée. Il commence par contester la compétence dans la matière de l’empereur et de son conseil ; un évêque italien n’a pas à répondre de ses actes devant une assemblée d’outre-monts. Et comme l’empereur s’étonne de la liberté de son langage : « Au souverain pontife, réplique Wazon, nous devons l’obéissance, à vous le loyalisme ; à vous nous devons compte de nos affaires séculières, à lui de tout ce qui touche aux devoirs spirituels. Et donc, à mon avis, ce que cet évêque a pu commettre contre l’ordre ecclésiastique ne peut être discuté que devant le pape ; que si, au contraire, il s’est comporté négligemment dans les choses séculières que vous lui avez confiées, c’est à vous qu’il en doit rendre compte » (c. xx). C’était là une séparation des compétences dont nul, depuis longtemps, ne s’était avisé.

Beaucoup plus importante est la réponse qu’il fit à l’empereur lors de la mort du pape Clément II (octobre 1047). On sait comment Henri III, après avoir déposé à Sutri (décembre 1046) le pape Grégoire VI, lequel était en concurrence avec Benoît IX et Silvestre III, avait désigné d’autorité pour monter sur le Siège apostolique Suidger, évêque de Bamberg. Le premier pape « allemand » ne devait pas durer plus de dix mois ; la question se posait du remplaçant à lui donner et il y eut quelques hésitations à la cour impériale ; l’on consulta par lettres un certain nombre d’évêques. Wazon, très au courant des canons et des précédents historiques, n’hésita pas à confier à l’envoyé qu’il expédia pour la Noël à la cour impériale une consultation en toute forme : « Que l’empereur se souvienne que le Siège apostolique n’est pas vacant ; il appartient de droit à celui qui a été déposé par des gens qui n’en avaient pas le droit — il s’agit ici de Grégoire VI. La mort de celui que le souverain lui a substitué (c’est-à-dire de Clément II) ne change rien aux droits du titulaire légitime ; nul besoin de mettre quelqu’un à la place de Grégoire toujours vivant. Aussi bien ni les lois divines, ni les lois humaines ne permettent — et les dits et les écrits des saints Pères sont concordants — que le souverain pontife soit jugé par aucun autre que par Dieu : summum pontifleem a nemine nisi a solo Dco dijudicari debere. » L’envoyé de Wazon arriva d’ailleurs trop tard à la cour : Poppon, évêque de Brixen, venait d’être désigné comme pape par l’empereur et serait le pape Damase IL Le souverain eut connaissance néanmoins de l’avis de Wazon, encore que rien n’ait pu changer sa décision (c. XXVII).

Au fait Wazon avait une très haute idée de la dignité et de l’indépendance des évêques par rapport aux souverains temporels. En une autre occurrence, où il avait peut-être empiété quelque peu sur les droits impériaux, il sut, tout en reconnaissant ses torts, garder toute sa dignité. On l’avait laissé debout, il réclama un siège : Wazon. dit-il, n’est peut-être pas digne de cet honneur, mais il est inconvenant qu’un évêque, oint du saint chrême ne reçoive pas les égards auxquels il a droit I » Kl l’empereur de rétorquer : « Mais, moi aussi, j’ai reçu l’onction sainte et par elle le pouvoir de commander aux autres.

— C’est vrai, répartit Wazon. mais l’onction [du

couronnement] dont vous parlez est fort différente

de l’onction sacerdotale ; la votre ne vous donne le droit que de faire mettre à mort, la nôtre, par lu