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WALAFRIL) STRABON. LA GLOSSA ORDINARIA


Strabus et devint, pour ainsi dire, son titre de gloire pour la postérité ; Bellarmin, dans son De scriptoribus ecclesiaslicis, ne mentionne même de lui que cet ouvrage : De Slrabo Fuldensi, 840 : Strabus Fuldensis, monachus Rabani discipulus, ex magisiri operibus, decerpens explicationes Scripturarum composuil Glossam, quæ dicitur ordinaria in Scripturas utriusque Testamenti, quæ postea aucta et ornala a posteriori bus fuit. Nous avons dit ce qu’il en est de l’édition de Douai et de celle de Migne ; l’idée est la même que chez Bellarmin : Strabus a inauguré une œuvre qui a reçu depuis des développements considérables.

Le premier, Samuel Berger, dans son Histoire de la Yulgale pendant les premiers siècles du Moyen Age, Paris, 1893, p. 132 sq., étudie la question sérieusement et il émet un doute accentué : « Presque tous les manuscrits de la Glose, écrit-il, sont de date relativement récente. On n’en connaît presque pas qui soient écrits avant le xiie siècle et avant le déclin même de ce siècle. Au reste, il ne faut pas croire que tous nos manuscrits représentent un même commentaire. Le nom de Glose ordinaire couvre souvent dans les catalogues, les compilations les plus hétérogènes. » Dans ces conditions, Samuel Berger ne croit pas possible que la Glose telle que nous la lisons soit antérieure à cette seconde moitié du xiie siècle. Mais impressionné par la tradition, il n’osa pas détruire absolument l’opinion reçue et s’appliqua à trouver les chaînons qui permettraient de remonter jusqu’à l’ancêtre, aux premiers essais du genre. Les manuscrits anciens en provenance de Reichenau ou de Saint-Gall, pensait-il, fourniraient peut-être quelques indices révélateurs. Or le ms. Aug. 135 de Karlsruhe (xe s.), provenant de Reichenau, et le ms. 41 de Saint-Gall écrit entre le ixe etle xe s. semblent donner l’un et l’autre une première rédaction de la Glose, le premier sur les Épîtres catholiques et elle est attribuée explicitement à Walafrid, le second, d’un anonyme de Saint-Gall sur les prophètes. Samuel Berger croit pouvoir en conclure que ces deux mss. constituent le premier jet de la Glose et rattachent ainsi à Strabon ou à son entourage sinon la paternité de toutes les gloses, du moins l’initiative de ce genre littéraire.

Après Samuel Berger le problème de la Glose a été repris ex projesso par H. -H. Glunz, professeur à l’université de Cologne, dans son ouvrage édité à Cambridge en 1933 : Hisloru oj the Vulgale in England jrom Alcuin to Roger Bacon. H. -H. Glunz est très fnippé, lui aussi, par ce fait que les mss. de la Glose ne datent que de la seconde moitié du xiie siècle. Avec raison, il a soin de dégager « la Glose ordinaire », qui est la Close proprement dite, de toutes les Écritures glosées que présentent les manuscrits, car s’il est juste de remarquer avec Samuel Berger que les catalogues de nos bibliothèques appellent quelquefois gloses des commentaires bibliques assez disparates, il n’en reste pas moins que les Bibles ou morceaux de Bible accompagnés de la ( dose ordinaire » constituent une œuvre d’une identité incontestable.

La CAossa ordinaria, en cette seconde moitié du xiie siècle, se trouve ainsi contemporaine des recueils de Sentences ; elle témoigne du même esprit, et de la même préoccupation scolaire, les Pères sont tenus comme Vaudoriia » à peu près définitive en matière de doctrine ; par ailleurs, de même que les recueils de Sentences di roulent un cursus méthodique d’enseignement théologique élaboré d’après les Pères, la (.lose place auprès des versets de l’Écriture leur commentaire odiciel lire des Pères, chaque verset on

presque étant, pourrait-on « lire, affecté d’un coeffl cient qui est son Interprétation, et celle-ci définitive : dans la marge une phrase brève, mais suffisamment

explicative ; entre les lignes, le sens d’un mot ou d’une expression. Avant cette époque, on peut assurément trouver des gloses de l’Écriture ; car le texte sacré n’a jamais pu se passer de commentaires, il en est de longs et il en est de brefs, mais l’ensemble de ces travaux se présente avec une diversité très éloignée de l’unité de la Glossa. Pour cette raison, H. -H. Glunz ne veut pas reconnaître comme ancêtres de la Glose les manuscrits cités par Samuel Berger, ils n’ont avec elle que peu de rapports ; on pourrait, dit-il, en trouver d’autres semblables, et il cite de son côté une glose marginale du psautier, ms. 20 de Boulogne-sur-Mer, écrit à Saint-Bertin à la fin du x c siècle, qui est la reproduction du Breviarium in Psalmos de saint Jérôme. P. L., t. xxvi, col. 823. Pour annuler les derniers arguments en faveur de Strabon, on peut ajouter que le texte de Notker est tellement vague qu’on n’en peut rien conclure. D’autre part, dans la Glossa, les références explicites à Strabus sont fort rares et les citations de Raban Maur bien qu’assez nombreuses ne lui font certainement pas cette situation privilégiée qu’on lui a attribuée. En conclusion aucun sondage ne permet d’attribuer à la Glose une origine plus ancienne que la seconde moitié du xiie siècle. Elle est essentiellement une œuvre scolaire, élaboration d’éléments anciens, mais qui ne se présentaient pas sous la forme précise que prit la Glossa ordinaria. Continuant sa recherche, H. -H. Glunz se sent porté à attribuer l’œuvre au Maître des Sentences lui-même, à Pierre Lombard. Attribuer à Pierre Lombard la totalité de la Glose de l’Écriture paraîtra peut-être un peu excessif ; le P. de Ghellinck, dans l’art. Pierre Lombard, ici, t. xii, col. 1974, suite des nombreuses études de l’auteur sur le Maître des Sentences et le xiie siècle, a établi que Pierre est bien l’auteur de diverses gloses sur les psaumes, les épîtres de saint Paul, etc., mais non pas de « la Glose ». Depuis longtemps, on reconnaissait qu’Anselme de Laon était pour beaucoup dans le développement et la diffusion de la Glose : il composa lui-même des gloses sur le psautier, sur saint Paul, et sans doute aussi sur saint Marc, saint Luc, et saint Jean. Il fallait donc chercher aussi de son côté. De 1935 à 1939, diverses études parues dans les Recherches de théologie ancienne et médiévale ont éclairé peu à peu le problème, en particulier deux articles de Miss B. Smalley : Gilbertus Universalis, bishop oj London and the problem oj the « Glossa ordinaria », op. cit., 1935, p. 235-262 ; 1930, p. 24-60 ; et La Glossa ordinaria, quelques prédécesseurs d’Anselme de Laon, ibid., 1937, p. 365-400 ; à quoi il faut ajouter son article du Cambridge hist. Journ., 1938, p. 103-113 : À collection oj Paris Lectures oj the later Vilh centurg in the Ms. Pembroke Collège Cambridge 7. Nous pouvons résumer ainsi les conclusions de l’auteur. La Glose est une œuvre complexe élaborée progressivement par divers compilateurs cependant le plan a été conçu par une seule personne, Anselme de Laon, vraiment figure centrale : lui-même a compilé le psautier et saint Paul, son frère Raoul probablement saint Matthieu. Gilbert dit l’Universel a travaillé à une partie de l’Ancien Testament : Pentateuque et prophètes, Alhéric de Bcims a peut-être glosé les Actes, et d’antres dont la part fut moindre. C’est la première (’tape de l’histoire de la Close. La seconde chipe est l’adoption à Paris de l’œuvre d’Anselme comme manuel : ici nous rencontrons le patronage de Pierre Lombard et les conclusions de Miss Smalley rejoignent en partie celle de Clunz : h’Maître des Sentences, s’il n’est pas l’auteur de la Classa, en fut le propagateur : la (dose devint un véritable manuel seripturaire au même titre que les Sentences. Il y eut alors des eommen