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    1. VULGATE##


VULGATE. SAINT JEKOME

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l’origine des divergences entre les manuscrits latins de la Bible, ces divergences étaient nombreuses dès le ive siècle : Tot sunt exemplaria pene quoi codices, pouvait écrire saint Jérôme.

2. Lieu et date. — On n’est pas d’accord non plus sur le lieu et la date de la rédaction des premières versions latines de la Bible. Les citations bibliques qui figurent dans les œuvres de saint Cyprien, par leur nombre et leur caractère, supposent que l’évêque de Carthage possédait une traduction latine complète de la Bible. On en doit dire presque autant de Tertullien, de sorte qu’on ne peut guère douter de l’existence en Afrique de versions latines de la Bible dès le début du iiie siècle. A Rome, le grec resta jusqu’au IVe siècle la langue de la littérature ecclésiastique et de la liturgie. Mais, à côté des fidèles cultivés comprenant et parlant le grec, les communautés chrétiennes en comptaient beaucoup d’autres appartenant aux milieux populaires qui ne parlaient que latin : pour mettre à la portée de ceux-ci les textes scripturaires on dut en faire de bonne heure des traductions latines, en commençant sans doute par les évangiles et le reste du Nouveau Testament, puis en s’attaquant à l’Ancien Testament, d’après le grec des Septante. Cette origine explique le caractère général du latin de ces versions : latin populaire rempli d’incorrections linguistiques et grammaticales.

3. Importance de ces versions. — Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur l’extrême intérêt que présentent les anciennes versions latines au point de vue de la critique textuelle de l’Ancien et du Nouveau Testament : elles représentent en effet, étant donné leur antiquité, un texte biblique antérieur à celui des plus anciens manuscrits grecs que nous possédons, et elles sont particulièrement précieuses pour l’étude de cette forme particulière du texte qu’on désigne sous le nom de texte occidental, car elles comptent parmi ses témoins les plus importants. On a pu classer en familles les anciens textes latins du Nouveau Testament, qu’on répartit en trois groupes : le groupe africain, que représentent les citations bibliques de Tertullien et de saint Cyprien, les textes européens qui furent en usage dans les anciennes églises d’Occident, et les textes italiens, mentionnés particulièrement par saint Augustin, qui parmi les autres versions latines recommande spécialement l'Itala, ainsi nommée sans doute parce qu’elle était en usage dans l’Italie du Nord, où Augustin avait dû la connaître pendant son séjour à Milan. Il y a de bonnes raisons de penser que c’est ce texte italique qui servit de base à la recension que saint Jérôme fit à Rome du Nouveau Testament latin.

Saint Jérôme et le Nouveau Testament.

1. Jérôme, né en Dalmatie vers 350, vint tout jeune à Rome, où il acquit une culture latine exceptionnelle. Un séjour en Orient lui permit de s’initier à la connaissance de l’hébreu, dans laquelle il devait se perfectionner plus tard. A Antioche, puis à Constantinople, où il fut le disciple de Grégoire de Nazianze, il prit contact avec la littérature théologique et exégétique de langue grecque. Revenu à Rome en 382, il y gagne par son savoir l’estime du pape Damase, qui, sentant les inconvénients de ne posséder aucun texte latin officiel de la Bible, lui demande d’entreprendre une édition latine des évangiles. La lettre par laquelle Jérôme, en 383, présenta au pape le résultat de son travail, en souligne les difficultés. Il s’agissait de d’après l’original grec le texte fautif des versions latines alors en usage, de « corriger ce qui a été mal publié par des traducteurs incompétents, ce qui a été corrigé plus méchamment par des présomptueux incapables, ou ce qui a été ajouté ou changé par des copistes somnolents ». Jérôme prévoit, non sans raison, qu’une telle , modifiant les textes auxquels on est habitué, sera mal accueillie. Aussi s’est-il décidé à ne faire que les corrections indispensables :

« Pour que nos évangiles ne soient pas trop différents

du texte latin reçu par habitude, nous avons mis la bride à notre plume, et, nous contentant de changer ce qui paraissait contraire au sens, nous avons laissé le reste tel quel. »

2. Jérôme a-t-il également les autres livres du Nouveau Testament : Actes des Apôtres, Épîtres et Apocalypse ? A se fier à ses propres déclarations, il semble qu’on n’en puisse douter : en 392, dans le De viris illustribus, n. 135, il affirme nettement : Novum Testamentum græcæ fidei reddidi, et, en 404, dans une lettre à Augustin, il parle de son emendatio Novi Testamenti. Néanmoins des doutes sur l’origine hiéronymienne de la Vulgate, en ce qui concerne les parties du Nouveau Testament autres que les évangiles, furent soulevées dès la Renaissance par certains humanistes. La question a été reprise par la critique moderne. Après Corssen (Epistula ad Galatas, Berlin, 1885) qui admet bien que Jérôme avait fait une révision des épîtres de saint Paul, mais estime que le texte de cette révision a disparu et n’est pas celui qui figure dans la Vulgate, dom de Bruyne (Étude sur les origines de notre texte latin de saint Paul, dans Rev. biblique, 1915), et le P. Cavallera (S. Jérôme et la Vulgate des Actes, des Épîtres et de l’Apocalypse, dans Bulletin de litt. ecclés., 1920) ont mis en doute que Jérôme, après les évangiles, ait également d’autres parties du Nouveau Testament. Leur principal argument est tiré du fait que, dans ses commentaires des épîtres aux Galates, aux Éphésiens, à Tite et à Philémon, qu’on date de 387, Jérôme adopte des leçons différentes de celles de la Vulgate, et que dans l'Adversus Jovinianum, publié en 392-393, ainsi que dans l’Adversus Pelagianos (en 415), il ignore ou même critique des leçons qui figurent dans la Vulgate. Le P. Lagrange, discutant la thèse du P. Cavallera, estime que l’argument perd beaucoup de sa portée, si l’on tient compte de la façon d’agir de Jérôme : celui-ci ne considérait pas comme définitif un travail tel que celui qu’il avait fait sur le texte latin du Nouveau Testament ; quand il écrivait ses commentaires ou ses livres de polémique théologique, il avait le texte grec sous les yeux, et ne devait pas craindre d’en donner une traduction directe, différente de celle qu’il avait adoptée dans son travail général de révision, afin de se rapprocher davantage de l’original. On peut d’ailleurs admettre — c’est l’hypothèse que propose le P. Lagrange — que la des épîtres de saint Paul n’aurait été entreprise que postérieurement au commentaire sur ces mêmes épîtres, donc après 387. Il faut reconnaître d’autre part que, dans cette du reste du Nouveau Testament après les évangiles, Jérôme retoucha beaucoup plus légèrement le texte des anciennes versions latines qu’il prenait pour base : ce texte d’ailleurs pouvait être moins défectueux que celui fourni par ces versions pour les évangiles, parce que la tendance harmonisante qui était pour une large part dans l’altération du texte évangélique — les traducteurs et les copistes ayant cédé à la tentation de rapprocher et d’assimiler les passages parallèles — n’était pas intervenue de la même façon pour les autres livres du Nouveau Testament. Pour l’Apocalypse en particulier, on s’accorde généralement à réduire à peu de chose le travail de de Jérôme. Sur toute cette controverse, cf. R. P. Lagrange, Introduction à l’étude du Nouveau Testament, Critique textuelle, Paris, 1935, p. 502 sq.

Saint Jérôme et l’Ancien Testament.

1. Revision du texte latin d’après les Septante. — En même temps