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VOLTAIRE. IDÉES CONSTRUCTIVES

divinité. » Dieu et les hommes, c. iii, Un Dieu chez toutes les nations civilisées, p. 134. Mais la seule religion qui réponde à ce rôle social, c’est le théisme. Avec sa maxime si simple : « Mortels, il y a un Dieu juste, soyez justes », ibid., c. ii, Remède…, il joue son rôle de frein et de consolation, sans diviser jamais. Expression de la raison universelle, comme le prouvent : son antiquité : il fut la religion des premiers hommes ; son universalité : il fut le fond de toutes les religions, Profession de foi des théistes (xxvi, 56) ; ses tenants : il est la religion des sages antiques, Dieu et les hommes, loc. cit., p. 133. Et, comme il n’impose pas de ces dogmes qui divisent, parce qu’ils viennent des hommes, Instructions pour le prince royal de ***, iii (xxvi, 444), « il est aussi impossible que cette religion pure et éternelle produise du mal, qu’il était impossible que le fanatisme chrétien n’en fît pas ». Examen important. Conclusion, loc. cit., p. 298. Cf. Dictionnaire, article Religion, section i.

En attendant, il faut garder le christianisme, mais le soumettre à l’État et faire du clergé un corps de fonctionnaires salariés. — Le déisme compte en Europe « les hommes qui pensent », Dîner de Boulainvilliers, Pensées détachées (xxvi, 560), et jusqu’à des rois, Profession de foi (xxvii, 55) ; mais la masse, « la canaille », Dîner…, loc. cit., reste dans la superstition. « Les hommes ne s’éclairant que par degrés », L’A. B. C., Dixième entretien : Sur la religion (xxvii, 367), et « la religion n’étant instituée que pour maintenir les hommes dans l’ordre », Dictionnaire, art. Droit canonique, « il y aurait du danger et peu de raison à vouloir faire tout d’un coup du christianisme ce que l’Angleterre a fait du papisme ». Examen…, loc. cit., p. 299. Il faut donc le laisser vivre mais le soumettre au régime qu’imposent d’une part les évidences de la raison et d’autre part les méfaits historiques dont il s’est rendu responsable. « S’il est deux autorités suprêmes, il en résultera des guerres civiles, … l’anarchie, … malheurs dont l’histoire nous présente l’affreux tableau. » Dictionnaire, art. Droit canonique. « L’allégorie des deux glaives est le dogme de la discorde. » Ibid., art. Lois, sect. ii. « Religion dangereuse, celle qui se dirait indépendante ; elle serait nécessairement aux prises avec les magistrats et les souverains. » Idées de la Mothe le Vayer, ii (xxiii, 489). Si l’Église domine, c’est le règne de la superstition et de l’intolérance sanglante. « Le plus absurde despotisme est celui des prêtres, et le plus criminel est sans contredit celui des prêtres de la religion chrétienne. » Idées républicaines, v (xxiv, 414). Cf. Dictionnaire, art. Bulle. Mais, « selon la raison, selon les droits des peuples et des rois, dans une religion, … tout ce qui intéresse l’ordre civil doit être soumis à l’autorité du prince et à l’inspection des magistrats ». Dictionnaire, art. Droit canonique… C’est insulter la raison de prononcer ces mots : « gouvernement civil » et « gouvernement ecclésiastique ». Il faut dire : « gouvernement civil » et « règlements ecclésiastiques », et aucun de ces règlements ne doit être fait que par la puissance civile, Idées républicaines, xii, loc. cit., p. 415. « Toute monarchie, toute république n’a que Dieu pour maître : c’est le droit naturel. » Cri des nations (xxvii, 570). « Toute religion, en effet, est dans l’État, … et, s’il en était une qui établît quelque indépendance en faveur des ecclésiastiques, en les soustrayant à l’autorité souveraine et légitime, cette religion ne saurait venir de Dieu, auteur de la société. » Dictionnaire, loc. cit. ; cf. ibid., art. Prêtres : « De toutes les religions celle qui exclut le plus positivement les prêtres de toute autorité civile, c’est sans contredit celle de Jésus… Les querelles du Sacerdoce et de l’Empire n’ont donc été, de la part des prêtres, que des rébellions contre Dieu et les hommes et un péché continuel contre le Saint-Esprit. »

Conséquences : 1. L’Église n’a d’autorité que sur les âmes et uniquement pour les choses spirituelles, ibid., sect. i, mais dans ce domaine encore le souverain a des droits. « S’il n’est point le juge de la vérité du dogme », il a le droit d’en connaître, « soit quant à la nature de la doctrine, si elle avait quelque chose de contraire au bien public, soit quant à la manière de la proposer ». Ibid., sect. v, De l’inspection du dogme. Il a de même le droit de surveiller l’enseignement religieux et les formulaires de prières, ibid., sect. iii, Des assemblées ecclésiastiques ou religieuses ; de s’opposer à la publication des bulles, « toute bulle étant un attentat à la dignité de la couronne et à la liberté de la nation », Dîner de Boulainvilliers, Pensées détachées (xxvi, 560) ; à celle des canons des conciles, « les droits des pontifes de Rome n’étant à cet égard que conventionnels ». Dictionnaire, loc. cit.

2. Aucune assemblée religieuse ne peut se tenir sans son autorisation, pas même les conciles nationaux qui ne peuvent d’ailleurs délibérer que sous la direction de ses commissaires et dont il doit approuver les canons. Ibid. « C’est au magistrat encore à maintenir la discipline » nécessaire à l’Église et « à y porter les changements que le temps et les circonstances peuvent exiger ». Ibid. Il doit donc surveiller l’administration des sacrements, ne pas tolérer que le pasteur « de son autorité privée » refuse publiquement l’eucharistie, mette des conditions d’intolérance à l’extrême-onction et à l’inhumation. Il a le droit d’empêcher la collation des ordres sans fonctions, de séculariser le mariage, le mariage avec tous ses effets naturels ou civils étant indépendant des cérémonies religieuses et ces cérémonies n’étant devenues nécessaires dans l’ordre civil que parce que le magistrat les a adoptées. » Ibid., sect. vi.

3. « Le royaume de Jésus-Christ n’étant point de ce monde, … les ecclésiastiques ne peuvent tenir de lui ni autorité, ni juridiction ; ils ne peuvent tenir quelque juridiction que d’un souverain, sans doute imprudent, mais qui doit surveiller l’usage qu’ils en font. L’histoire de l’Église est sous un certain aspect l’histoire des attentats risqués par elle contre l’autorité des souverains. Ibid., sect. vii, Juridiction des ecclésiastiques. L’Église ne peut donc porter que des peines spirituelles. L’excommunication par elle-même ne peut priver sa victime de ses droits « d’homme et de « citoyen » ; elle ne peut donc priver de ses droits un souverain — qu’il serait d’ailleurs « monstrueux » d’avilir ainsi, vu sa fonction sociale. L’excommunication ne peut même avoir ses effets spirituels que si elle respecte les formes dans lesquelles le magistrat a jugé bon qu’elle soit portée. » Ibid., sect. iv. Des peines ecclésiastiques.

4. Pour la même raison, l’Église n’a pas davantage par elle-même, et de droit divin, le droit de posséder. Elle ne peut posséder que « du consentement du souverain ». Ses biens ne sont « ni sacrés, ni intangibles ». Ils n’ont d’autre garantie que la loi civile et cette garantie peut leur être retirée pour leur sécularisa tion. En tout cas, ils n’ont à escompter aucun privilège. Ils doivent subir le contrôle de l’État et proportionnellement les charges communes. Ibid., sect. ii, Des possessions des ecclésiastiques. Cf. ibid., art. Biens il’Église.

5. Le clergé doit être réduit au clergé utile, corps de fonctionnaires salariés. Le meilleur gouverne ment est s ; ms contredit celui qui n’admet que le

nombre de prêtres nécessaire : le superflu n’est qu’un fardeau dangereux. Dtner de Boulainvilliers, Pensées

détachées, loc. ni., p. 559. i Rien de pins inutile ipi’un