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VOLTAIRE. MÉTAPHYSIQUE


théisme est un monstre très pernicieux dans ceux qui gouvernent ; il l’est aussi dans les athées de cabinet, quoique leur vie soit innocente, parce que, de leur cabinet, ils peuvent percer jusqu'à ceux qui sont en place. » Ibid., sect. iv. Cf. Homélie sur l’athéisme ; Jenni, cxi. À l’article Dieu du même Dictionnaire, sect. iv et v, il s’occupe particulièrement du Système de la nature, cf. ici, t. viii, col. 21-30, où d’Holbach affirme que « l’ordre et le désordre n’existent point », puisque toutes choses sont rigoureusement nécessaires.

Conclusion de Voltaire : « Dans l’opinion qu’il y a un Dieu, il y a des difficultés ; dans l’opinion contraire, il y a des absurdités. » Traité, loc. cit. Il y a donc un Être suprême, nécessaire, éternel par conséquent, organisateur de l’univers, auteur de l’ordre des choses et donc rémunérateur et vengeur. « C’est la chose la plus vraisemblable », s’il n’y a pas certitude totale. Ibid., Conséquence nécessaire. Cf. Éléments de la philosophie de Newton ; Homélie sur l’athéisme ; Jenni.

3. Ce qu’est Dieu. Agnosticisme de Voltaire. — Pouvons-nous aller plus loin dans la connaissance de l'Être suprême ? — Non, répond Voltaire avec Descartes, mais dans des sentiments différents. « Il y a l’infini entre Dieu et nous. » Dialogue entre Lucrèce et Posidonius. Dieu est donc pour nous inaccessible et incompréhensible. Nous n’avons aucun jugement à porter sur son œuvre et son action : « Il n’appartient qu'à lui d’expliquer son ouvrage. » Bien qu’il n’y ait ni deux sagesses ni deux justices, nous ne pouvons toujours saisir la sagesse des actes divins. Probablement que l’intelligence suprême comprend toutes les vérités à la fois et que nous nous traînons à pas lents vers quelques-unes. Homélie citée.

4. Le panthéisme de Voltaire.

Certes il approuve, sinon dans son expression, du moins dans son fond, la critique que le Dictionnaire de Bayle fait de Spinoza. Lui-même reproche au philosophe hollandais d'être un athée, Le philosophe ignorant, xxiv, de taire « les desseins marqués qui se manifestent dans tous les êtres », et d’avoir « supposé le plein, quoiqu’il soit démontré en rigueur que tout mouvement est impossible dans le plein ». Ibid. et Dictionnaire, art. Dieu, sect. iii, Examen de Spinoza. Il condamne même le cartésianisme, pour avoir « conduit Spinoza et beaucoup de personnes à n’admettre d’autre Dieu que l’immensité des choses ». Éléments, c. i. Néanmoins, « répudiant tout anthropomorphisme, il tend de plus en plus à un panthéisme, où apparaît comme un souvenir de Malebranche ». G. Ascoli, op. cit., 30 avril 1925, xi, p. 160. Se demandant, en effet, si l’intelligence suprême qui préside à l’univers « est quelque chose d’absolument distinct de l’univers, comme le sculpteur l’est de la statue, ou si cette âme du monde est unie au monde et le pénètre », il se réfugie dans l’ignorance. Le philosophe, xvii. Mais se demandant dans II faut prendre un parti, iv : Où est le premier principe ? Est-il infini ? il répond : « Il est dans tout ce qui est, comme le mouvement est dans tout le corps d’un animal. Mais je ne vois aucune raison pourquoi cet Être nécessaire serait infini. Sa nature me paraît d'être partout où il y a existence ». Puis, « il n’y a pas un seul mouvement, un seul mode, une seule idée, qui ne soit l’effet immédiat de cette cause universelle toujours présente ». Tout en Dieu. Comment tout est-il action de Dieu ? Enfin, l'Être suprême, le grand Être nécessaire, apparaît lui-même soumis à des lois nécessaires : « il a tout fait nécessairement ». // faut prendre un parti, vi, Que l'Être éternel a tout arrangé volontairement.

5. Dieu est-il libre ?— En 1737-1738, dans des lettres au prince royal de Prusse, Voltaire soutient en Dieu le principe d’une liberté qui n’est plus seulement le

pouvoir d’agir, comme le veut Locke, mais le pouvoir de choisir. Dieu, disent les négateurs de sa liberté, « est forcé par une nécessité de nature à vouloir toujours le meilleur ». Cela n’est point, répond Voltaire. D’abord y a-t-il « le meilleur », antécédemment à la volonté divine. Puis cette nécessité — de vouloir toujours le meilleur — n’est en Dieu qu’une nécessité morale, donc contingente. Cette nécessité n’abolit pas plus sa liberté que la nécessité d'être présent partout. Lettre d’octobre 1737 (xxxiv, 330). Plus tard, soutenant que « la cause universelle est nécessairement agissante, … et tous ses attributs nécessaires », Tout en Dieu, Comment tout est-il action de Dieu ?, si le divin géomètre « a tout fait nécessairement », il semble bien que ce soit par une nécessité de nature. Mais revenu à cette définition que vouloir c’est pouvoir, Voltaire proclame Dieu « le plus libre des êtres », parce que « très puissant ». // faut prendre un parti, loc. cit.

Conséquences : Peut-on parler de création ? En 1734, dans son Traité de métaphysique, il ne se prononce pas entre la création ex nihilo et par libre choix de Dieu et d’autre part la création éternelle, nécessaire, qui lui semblait impliquer contradiction. Il conclut de la création : « Il nous est impossible d’en concevoir la manière, mais elle n’est pas impossible en soi ». v. Réponse à ces objections. Plus tard, il est amené par sa conception de Dieu à cette conclusion : « l’essence de l'Être éternel étant d’agir », et nécessairement, il a donc toujours agi et le monde, sans être nécessaire en lui-même, est le produit nécessaire et éternel de la puissance divine. Cf. Le philosophe, xiv ; // faut prendre un parti : v, Que tous les ouvrages de l'Être éternel sont éternels ; Lettres de Memmius, iii, vu.

Peut-on parler de Providence ? Puisqu’il croit aux causes finales, Voltaire croit à la Providence. Mais, avec sa conception de Dieu, il ne peut croire à la Providence particulière : dans le dialogue Sur la Providence (xx, 294 sq.), le philosophe dit à sœur Fessue : « La providence de Dieu serait ridicule, si, dans chaque moment, elle descendait à chaque individu » ; il ne peut prétendre retrouver tous les desseins de la Providence générale dans « la profonde géométrie avec laquelle l’univers est arrangé, le mécanisme inimitable des corps organisés, le nombre prodigieux des moyens certains qui opèrent des fins certaines ». Discours de l’empereur Julien (xxviii, 23, n. 2). Néanmoins ne peut-on objecter le mal ?

6. La Providence générale et le mal.

Le Tout est bien est une plaisanterie métaphysique. Le fait est là : le mal existe. Depuis Candide, cette question que Bayle a exposée avec tant de force a, pour ainsi dire, obsédé Voltaire. Dieu « ne pouvait-il pas, dira Birton, Jenni, c. ix, faire en sorte que ses lois générales n’entraînassent pas tant de malheurs particuliers » ? Bepoussant les explications qu’ont données du mal les philosophies et les religions, voir en particulier // faut prendre un parti, xvii sq., Voltaire ne voit qu’un refuge : l’agnosticisme. Sans doute, le mal est une nécessité des choses que la puissance divine, conditionnée elle-même par cette nécessité « et circonscrite dans sa nature », Dialogue cité d' Évelimère, n’a pu empêcher. « Il ne reste donc que d’avouer, sans comprendre, que Dieu, ayant agi pour le mieux, tout est le moins mal qu’il se pouvait. » Dictionnaire, art. Puissance (Toute-puissance) ; Bien ; Jenni, c. ix ; Lettres de Memmius, iii, vu sq.

7. Prière et miracle.

Si Dieu est tel, et « si une mathématique générale dirige toute la nature », Tout en Dieu, « la seule prière qui puisse convenir à Dieu est la soumission », Sermon des Cinquante (xxiv, 438). La prière qui demande est chose vaine, et, comme le dit Maxime de Tyr, si elle demande à Dieu de faire le contraire de ce qu’il a résolu, le sollicitant