Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/957

Cette page n’a pas encore été corrigée
3443
3444
VOLTAIRE. IDÉES, LA CERTITUDE


dra, en 1777, Un chrétien contre six juifs (xix, 499), il s’efforce de justifier ses accusations contre les juifs. Mais sa vraie réponse fut la Bible enfin expliquée (xxx, 1-386), composée d’une traduction plus ou moins paraphrasée qui est un travestissement, et de notes où il reproduit ses attaques antérieures. Plusieurs réfutations répondront à ce livre, entre autres : La Genèse expliquée… avec des réponses aux incrédules, 3 in-12. Paris, 1777-1778 ; V Exode expliqué, 3 in-12, 1780 ; les Psaumes, 1781, le Lévilique, 1785, par du Constant de la Molette ; L’autorité des livres de Moïse établie et défendue contre les incrédules, in-12, Paris, 1778, par du Voisin ; L’authenticité des livres du Nouveau Testament démontrée ou Réfutation de la Bible enfin expliquée par l’abbé Clémence, in-8°, Paris, 1782, et surtout, Réponses critiques à plusieurs difficultés proposées par les nouveaux incrédules sur divers endroits des Livres saints, 3 in-12, Paris, 1773, 1774, 1775 par Ballet.

39° Les dialogues d' Évhémère, in-8°, Londres (Amsterdam), 1777 (xxx, 465), et Histoire de l'établissement du christianisme (xxxi, 43). — Ces deux ouvrages résument, pour ainsi dire, la pensée religieuse de Voltaire, le premier, son déisme, le second son antichristianisme.

1. Dialogues d'Évehmère. — i. Il y a un Dieu « puissant et intelligent, nécessaire, éternel », créateur et rémunérateur. Il y a de l’art dans le monde et cet art, « la nature », mot abstrait d’ailleurs qui ne signifie rien autre que l’ensemble des êtres, ne suffit pas à l’expliquer. Que l’on n’objecte pas le mal. Dieu existe-t-il moins parce que nous souffrons ? Le mal est souvent le résultat de la nature des choses et Dieu n’est pas « extravagamment puissant », de même que ses œuvres sont nécessairement éternelles. ii. Mais ne peut-on dire que ce Dieu n’est ni assez libre, puisqu’il est lié par la nécessité, ni assez juste, puisque l’on voit « si souvent le vice triomphant et la vertu opprimée ? » Être libre, c’est faire ce que l’on veut et Dieu a certainement fait tout ce qu’il a voulu. Pour la justice, je suis en face du mystère. Y a-t-il une immortalité pour l’homme ? Y a-t-il un autre moyen de justifier la Providence ? Je ne sais. — iv et v. L’homme a-t-il une âme ? C’est encore le secret de Dieu. « Dieu m’a accordé le don du sentiment et de la pensée comme il m’a donné la faculté de digérer et de marcher. » Je ne sais rien de plus. « Le mot âme est un mot abstrait », sur lequel on ne s’entend pas et sur lequel seuls les charlatans ont des lumières.

2. L’Histoire de l'établissement du christianisme refait une fois de plus le procès des origines chrétiennes. Voltaire termine en se demandant : 1° En quoi le christianisme pouvait être utile ? Avec sa croyance à l’immortalité de l'âme, aux récompenses et aux peines éternelles, il pouvait aider l’homme à être juste. Les premiers chrétiens, « imitateurs en quelque sorte des esséniens », détestant » les temples, … les prêtres », parurent d’abord s’orienter dans cette voie. Mais bientôt ils eurent des prêtres, des temples, des dogmes et ils devinrent « calomniateurs, parjures, assassins, tyrans et bourreaux ». C. xxii. — 2° Quelle leçon morale tirer de cette Histoire ? « Après tant de querelles sanglantes pour des dogmes inintelligibles, quitter tous ces dogmes fantastiques et établir partout la tolérance. C. xxiii. Le dernier chapitre, xxvi, est un éloge du théisme. Il est le produit pur de la raison humaine. Il est « embrassé par la fleur du genre humain, c’est-à-dire par les honnêtes gens » d’une extrémité à l’autre de ce monde. « Les apparitions d’un Dieu aux hommes, les révélations d’un Dieu, les aventures d’un Dieu sur la terre, tout cela a passé de mode avec les loups-garous, les sorciers, les

possédés. » Il faut plaindre celui qui a perverti sa raison au point de croire encore à ces choses, mais s’il persécute, « il mérite d'être traité comme une bête féroce ».


III. Les idées de Voltaire.

Il s’agit des idées du roi Voltaire, du Voltaire de Ferney. À ce moment, elles sont arrêtées et ne varieront plus. Ni dans son esprit, ni dans ses œuvres, elles ne prennent cependant la rigueur d’un système ; elles ne se traduisent même pas en formules sereines, immuables. « Voltaire n’a jamais été un théoricien en chambre, mais un terrible sensitif, impressionnable et mobile », un propagandiste toujours en attaque. « Ce grand esprit, a dit Faguet, Dix-huitième siècle, p. 219, est un chaos d’idées claires. » Son œuvre est une cependant par son but dominant : en finir avec « l’Infâme » et faire triompher la religion naturelle. Voltaire est-il original ? Ses idées sont celles de tous les « philosophes », mais il les possède à fond et toutes et il en a fait quelque chose de très personnel.

I. CONDITIONS DE CERTITUDE D’APRÈS VOLTAIRE.

Sa théorie de la certitude est éparse dans son œuvre. Qu’est-ce qui assure une certitude légitime ? L’autorité? Non : Voltaire condamne la soumission de l’esprit à toute autorité, surtout à la Révélation. Les lumières naturelles ? Oui : « la nature donnant à chaque être la portion qui lui convient. » Le Philosophe ignorant, iv, . M’est-il nécessaire de savoir ? Les vérités ainsi atteintes s’affirment nécessaires, à. tout le moins utiles à l’homme. Vaines les recherches au de la : elles portent sur des choses qui ne sont pas nécessaires au genre humain. Ibid., xxv, Absurdités. Et la nature étant partout la même, les vérités qu’elle fait connaître sont universelles, « catholiques », disait Spinoza, c’est-à-dire acceptées par tous les esprits vraiment humains. Ibid., xxxi, y a t-il une morale ? xxxii, Utilité réelle. Dès lors les notions au sujet desquelles les hommes se contredisent n’ont aucune garantie de vérité.

Quelles sont ces lumières de la nature ? Il n’y a à parler ici ni des idées innées, cf. ibid., xxix, De Locke, ni du « cœur », au sens de Pascal, iii, au sens de Rousseau, de « l’instinct divin. » La seule source de nos connaissances est l’expérience. Traité de métaphysique, iii, Que toutes nos idées nous viennent des sens. Nature est synonyme de raison individuelle, théorique et pratique. Mais par ce mot de raison, comme tout son siècle, Voltaire n’entend plus la faculté sereine qui conçoit les idées claires ; la raison devient la faculté agressive, critique, dont Bayle a dit, Commentaire philosophique, Œuvres diverses, 1737, t. H, p. 368 : « La raison est le tribunal suprême qui juge en dernier ressort et sans appel de tout ce qui nous est proposé. » Et d’après quels principes ? Simplement, d’après ces principes de sens commun qui avaient eu cours chez les libertins de sa jeunesse et auxquels il joignait quelques principes, clairs pour tous, de la critique de Bayle, de l’empirisme de Locke, de la science de Newton, de la doctrine des Free-thinkers anglais. Dans l’ordre théorique ou du savoir, devront être rejetées comme fausses toutes les affirmations qui, en elles-mêmes ou dans leurs conséquences, ne s’accorderont pas avec ces principes. Dans l’ordre moral, devront être rejetées toutes les affirmations contraires à la conscience morale humaine. Et comme Voltaire, on va le voir, ramène la métaphysique à la morale, les seules vérités certaines, même en religion, sont celles qui font partie de la loi morale naturelle ou qui en assurent le respect. Le critérium moral joue donc le rôle prépondérant dans la détermination de la vérité. Conséquence : autonomes et antérieures aux religions, la raison et la conscience morale sont juges de la foi et de la vérité.