Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/949

Cette page n’a pas encore été corrigée
3427
3428
VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES


la plus naturelle et la plus chimérique. Cf. art. Maître et Égalité. — b) L’inviolabilité de la personne qui repose sur la dignité de l’homme en tant qu’homme et d’où découlent la liberté de la conscience et l’individualisme, ainsi que la volonté de fonder la législation sur la raison abstraite et non sur la coutume et l’histoire. — c) Le laïcisme, en ce sens qu’il refuse au prêtre en tant que prêtre un pouvoir politique — mais non le droit d’enseigner. Cf. art. Lois civiles et ecclésiastiques. Religion. — d) La conception du patriotisme — qu’il veut plus rationnel que mystique et à qui il reproche de comprendre toujours la haine de l'étranger (art. Patrie, sect. n) et une insuffisante horreur de la guerre, qui pour lui est toujours mauvaise. Art. Guerre.

Du point de vue intellectuel. — a) Anathème lancé sur la métaphysique et sur la spéculation désintéressée, au nom de la science pratique et du savoir concret. Art. Ame. Sect. n. — b) Mépris de la controverse théologique, « avec une ampleur d’information et une sensibilité historique qu’on ne trouvera plus chez certains de ceux à qui il va le transmettre, par exemple Renan ». — c) Cette idée que la philosophie doit consister uniquement dans la morale, dans ce qui nous rend meilleurs et nous console. Art. Matière..

Du point de vue philosophique proprement dit. — De lui découlent, sans qu’il l’ait voulu, trois articles organiques de la mystique républicaine : a) L’athéisme : Voltaire travaillant à détruire dans les Français la foi au Dieu traditionnel devait fatalement, malgré son déisme, éteindre en eux toute croyance en Dieu. — b) La négation du spiritualisme à laquelle mène tout droit la doctrine « que l'âme peut être supportée par la matière ». — c) La croyance au progrès nécessaire.

2. La condamnation du Dictionnaire.

Le 19 septembre 1764, Voltaire écrira à Damilaville : « Ce dictionnaire effarouche cruellement les dévots. — Je ne veux jamais qu’il soit de moi… Me nommer, c’est m'ôter désormais la liberté de rendre service » (xliii, 318). « On fera donc de cet ouvrage un recueil de plusieurs auteurs fait par un éditeur de Hollande » (ibid.). Il l’attribuera aussi à « un nommé Dubut, petit apprenti théologien de Hollande ». Au même, le 29 septembre (ibid., 329). Finalement, il reviendra à l’affirmation qu’il est « de plusieurs mains ». Mais il en avouera quelques articles. Au même, 12 octobre (346), à d’Argental et au président Hénault, 20 octobre (ibid., 355 et 356). A Genève, le livre sera condamné comme impie ; il sera brûlé à Paris, le 19 mars 1765, sans nom d’auteur, il est vrai, en même temps que les Lettres de la montagne. Un exemplaire sera brûlé avec La Barre, le 1 er juillet 1766. Voir col. 3398.

3. Les réfutations.

a) Le Dictionnaire antiphilosophique, pour servir de commentaire et de correctif au Dictionnaire philosophique, in-8°, Avignon, 1767, attribué à Coger, recteur de Sorbonne, et à Nonnotte, mais qui est de dom Chaudon, bénédictin de Cluny. Plusieurs fois réimprimé. — b) Remarques sur un livre intitulé Dictionnaire… par un membre de l’illustre Société d’Angleterre pour l’avancement et la propagation de la doctrine chrétienne. A. du Bos, in-8°, Lausanne, 1765.

21° Questions sur les miracles. — Vingt Lettres, dont seize au moins publiées séparément, la première étant intitulée Questions sur les miracles à M. le professeur Cl… (R. dans la Collection dont il va être parlé) par un proposant, s. 1. n. d. (Genève, 1765), in-8° de 20 p. Voltaire a signé plusieurs de ces lettres de noms empruntés : Beaudinet, Boudry, Euler, Covelle. - Ces vingt lettres parurent en un seul volume, en

1765, sous ce titre : Collection des lettres sur les miracles écrites à Genève et à Neufchâleau par M. le professeur Théro, M. Covelle, M. Néedham, M. Beaumont, M. de Montmolin, in-8°, Neufehâtel (Genève) (xxv, 358).

Le pasteur et professeur en théologie Cl(aparède) ayant publié au début de 1766 des Considérations sur les miracles de l'Évangile pour servir de réponse aux difficultés de M. J.-J. Rousseau dans sa IIIe lettre écrite de la montagne, in-8°, Genève, cf. ici t. xiv, col. 118-119 et 125, et l’abbé Sigorgne ayant rédigé des Lettres de la plaine en réponse à celle de la Montagne, in-8°, Amsterdam, 1765, Voltaire jeta ses Lettres dans la mêlée. Il s’y inspire des déistes ou des libres-penseurs anglais, en particulier du Discourse on the Miracles of Saviour de Woolston, 1727. Le point de départ en est le besoin « de nouvelles instructions », que créent les objections des incrédules, explique à Claparède Théro, un proposant ou futur ministre. Ces Lettres sont donc un exposé contradictoire, mais combien tendancieux ! de ces objections et des réponses de l’apologétique. Les trois premières lettres seules, cependant, rentrent strictement dans ce cadre.

Dans la Première, il distingue les miracles de NotreSeigneur, « les miracles des Apôtres » et « les miracles après le temps des Apôtres ». Dans les miracles de Jésus-Christ, il y a : 1. Ceux qui ont manifesté sa puissance et sa bonté. Il oppose à ces miracles dont « Grotius, Abbadie, Houdeville et Claparède font état » les objections de tous les penseurs incrédules, de Celse à La Mettrie : ces miracles n’ont aucune authenticité : les témoins qui les affirment sont les premiers chrétiens, coutumiers de l’imposture ou des esprits prévenus, croyant à la magie, p. 360-363 ; du côté de Dieu, ils contredisent sa sagesse : « Il n’est pas possible que Dieu ait fait de plus grands miracles pour établir la religion dans un coin du monde que pour établir la chrétienne dans le monde entier. » P. 363-364. Et pourtant les choses sont ainsi. 2. « Les miracles-types, symboles de quelque vérité morale », celui du figuier stérile, par exemple. Ce sont des paraboles en action. Or, les incrédules mettent l’enseignement de Confucius, de Pythagore, de Platon, au-dessus de l’enseignement de Jésus-Christ qui leur paraît « trop populaire et trop facile ». P. 364-365. 3. Les miracles promis par Jésus-Christ, ceux de la parousie : « avant que la génération présente soit passée », qui ne se sont pas accomplis, et « de la foi qui transporte les montagnes », qui ne s’accomplissent jamais. Cf. Douzième lettre, l’expérience de la comtesse de Hiss-PriestCra. P. 414-417.

Les miracles des Apôtres sont ou invraisemblables : l’ombre n'étant que « la privation de lumière », donc le néant n’a pu guérir ; ou inutiles et donc contraires à la sagesse divine : le monde n’en a pas été meilleur, « témoin les massacres… et tant de schismes sanglants » ; ou objets de scandale, donc contraires à la sainteté de Dieu, comme la mort d’Ananie et de Saphire. P. 366-368.

Les miracles après le temps des Apôtres sont de la même qualité. Ils ont d’abord ceci contre eux, qu’ils sont moins nombreux, de siècle en siècle, à mesure évidemment que les hommes voient plus clair. Aucun d’ailleurs n’a été constaté dan, s des conditions qui le rendent inattaquable. Ils sont enfin invraisemblables et contraires à la majesté divine. P. 368-370.

Pour finir, « cette grande objection » : l'Église ne voit plus de miracles et pourtant elle en a plus besoin que jamais ; elle est dans l'état le plus déplorable. Qu’elle fasse donc le miracle de créer la charité. P. 370-371.

La Deuxième Lettre rappelle d’abord que « Hobbes,