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VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES


du 19 juillet 1757, cf. Desnoiresterres, op. cit., t. v, p. 119, Marie Leckzinska aurait déchiré la Religion naturelle, à la devanture d’un libraire. En tout cas, le poème fut brûlé par ordre du Parlement ; des critiques le condamnèrent parce qu’il en ressort que la raison suffît à l’homme, et que la religion est inutile et la tolérance nécessaire. Cf. la Parodie antidolique par M. P. A. A. A. P., in-12, La Haye, 1757 ; la Religion révélée par Billardon de Sauvigny, in-8°, Genève, Paris, 1758. L’Anli-Uranie ou le déisme comparé au christianisme, Épîires à M. de Voltaire, par le P. Bonhomme, in-8°, Avignon, 1763, soutient ces deux idées : 1° le déiste accepte des mystères tout comme le chrétien, mais il ne peut les défendre ; 2° on ne peut admettre Dieu sans admettre le péché originel, donc le christianisme. Autrement, Dieu est un monstre et l’athée a raison. Voir aussi, Erreurs de Voltaire, t. n.

13° Poème sur la destruction de Lisbonne, in-12 de 12 p., s. 1. n. d. (1756), publié aussi avec le précédent : Poème sur le désastre de Lisbonne et sur la loi naturelle, in-12, Genève, 1756 ; Candide, 1759. — Voltaire et l’optimisme. — La question de l’optimisme, soutenu par Shaftesbury et Pope, par Leibnitz et Wolf, était alors à la mode. Voltaire a été, jusqu’au Mondain, d’un optimisme pratique ; puis, à l'école de Pope et de Newton, d’un optimisme scientifique, soutenant en 1734, dans son Traité de métaphysique, que le mal est une conséquence nécessaire du mécanisme général. Mais la vie et les hommes lui étant devenus moins favorables, dans Zadig, il émettait un doute.

Zadig, d’abord publié sous le nom de Memnon, histoire orientale, in-8°, Londres (Paris), 1747, puis augmenté de quelques chapitres, sous le nom de Zadig ou la destinée, histoire orientale, dédiée à la belle sultane Spérasa (Mme de Pompadour), par Sadi, s. 1. (Nancy), in-12. G. Ascoli a donné de Zadig une édition critique avec une introduction et un commentaire, 2 in-12, Paris, 1929 (xxi, 3-94).

A la faveur d'événements qu’il invente, Voltaire y discute ces questions abstraites : L’homme ? Dieu ? La destinée humaine, le sens de la vie et du monde ? Le vrai bien ? Y a-t-il une morale dogmatique ? un bien social absolu ou seulement des biens relatifs ? L’homme peut-il réaliser -son sens de perfection et de bonheur ? Cf. Ph. Van Tieghen, Voltaire : Contes et romans, 4 in-8°, Paris, 1930.

Zadig illustre cette idée que l’homme ne doit jamais former « le sot projet d'être parfaitement sage », parce que, dans la vie, le destin semble se jouer de la raison et de la justice : courage, science, vertu provoquent sans répit les malheurs de Zadig, et la lâcheté, la sottise, l’infidélité assurent à d’autres succès et bonheur. Comment accorder cela avec les affirmations de la philosophie et la Providence des religions ? Au c. xviii, intitulé YHermite, l’ange Jesrad donne à Zadig la réponse de Dieu : « L’homme juge mal de la qualité et de la portée des événements. S’il en voyait la portée et les conséquences dernières, il comprendrait ce qu’il juge parfois monstrueux. Le mal concourt d’une façon obscure au bien général. Que l’homme patiente, se soumette et adore… — Mais… », répond Zadig, qui n’est point convaincu.

Les Mémoires de Trévoux, année 1748, n. 9, firent à Voltaire ces reproches : d’avoir fait murmurer Zadig contre la Providence, « bien que cela soit corrigé par l’affirmation que l’homme n’a pas à juger d’un tout dont il ne connaît pas la plus -petite partie », d’estimer à peu près également tous les cultes et que l’ange ait peint les passions comme quelque chose d’essentiel à l’homme et insinué que « tout ce qui est est tel absolument », ce qui est contraire à la liberté de Dieu. Quoi qu’il en soit, Voltaire se défendit d'être l’auteur

de Zadig. Cf. Lettre à d’Argental, 10 octobre 1748 (xxxvi). Mais en 1751, dans VÉpîlre dite des deux tonneaux, au roi de Prusse, il reprend les mêmes idées : « Dieu se joue à son gré de la race mortelle. Il y a deux gros tonneaux d’où le bien et le mal descendent en pluie éternelle sur cent mondes divers et sur chaque animal. » (x, 360).

En 1755, six mois après que l’Académie de Berlin eût mis au concours cette question : « On demande l’examen du système de Pope contenu dans la proposition : Tout est bien », la catastrophe de Lisbonne affermissait dans ses idées Voltaire qui venait de terminer l’Essai sur les mœurs, dont on a vu les conclusions. Dès le 16 décembre, il avait terminé son Poème sur le désastre de Lisbonne, qui circula imprimé mais désavoué par lui. En mars 1756, il en donnait une édition définitive (ix, 470).

Après ce désastre, peut-on admettre le « Tout est bien » des philosophes ? Ils avancent des explications à priori. Ce désastre : « est l’effet des éternelles lois, qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix », ou : « Dieu s’est vengé : leur mort est le prix de leurs crimes ». Ils disent encore : a C’est l’orgueil… qui prétend qu'étant mal nous pouvons être mieux. Tout est bien… et tout est nécessaire. » Vains propos. Le mal existe ; c’est un fait ; un Dieu juste existe, c’est une vérité indéniable. Peut-on concilier ces deux affirmations ? Que faire ? Se révolter ? Persister dans ces doctrines : « L’homme est né coupable et Dieu punit sa race — Ou le maître absolu de l'être et de l’espace… tranquille, indifférent, de ses premiers décrets suit l'éternel torrent — Ou la matière informe, à son maître rebelle, porte en soi des défauts nécessaires comme elle — Ou Dieu nous éprouve et ce séjour mortel n’est qu’un passage étroit vers un monde éternel. » Non. « Il n’appartient qu'à Dieu d’expliquer son ouvrage. » Laissons dire les métaphysiciens. Voyons le mal et espérons : « Un jour tout sera bien, voilà notre espérance. Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion. « Voltaire se réfugie ainsi dans l’agnosticisme et l’espérance. Cf. la conclusion des Adorateurs (xxviii, 309) : « Espérons de beaux jours. Où et quand ? je n’en sais rien ; mais, si tout est nécessaire, il l’est que le grand Être ait de la bonté. » Solution qui ne satisfit personne. On sait la réponse que fit Jean-Jacques à Voltaire, le 18 août 1756, et la réplique de Voltaire, le 12 novembre. Cf. Desnoiresterres, op. cit., t. v, p. 133 sq. et ici t. xiv, col. 106. Mais la vraie réponse de Voltaire, ce fut Candide.

Candide ou l’optimisme traduit de l’allemand de M. le docteur Ralph, in-12, s. 1. (Genève), 1759. Dans la Seconde suite des Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie, in-8°, s. 1. (Genève), 1761, Voltaire introduit, p. 195-397, Candide avec les additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur, lorsqu’il mourut à Minden, l’an de grâce 1769 (entre autres, au c. xxii, une longue diatribe contre Fréron). L. Morize a donné une édition critique de Candide, in-12, Paris, 1913. C’est l'édition citée.

Candide est la critique de l’optimisme selon le système de Leibnitz et de Wolf. Sur les lèvres de Pangloss, le précepteur qui enseigne au jeune Candide « la métaphysico-théologico-cosmonigologie », on retrouve les principes leibnitziens exposés déductivement, à la manière de Wolf. Le roman s’ouvre d’ailleurs en Westphalie.

Dans tous les pays d’Europe et du Nouveau Monde, Candide, victime des hommes et des choses, témoin des pires injustices, entend Pangloss lui répéter que, tout ayant sa raison suffisante, Dieu ne peut avoir créé et ne peut gouverner ce monde que pour la meilleure fin. Ainsi, non seulement tout est bien, mais tout est pour le mieux dans le meilleur des