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VOLTAIRE. PRINCIPALES Œl’VKKS


nage ». Les Normands peuvent désoler l’Allemagne, l’Angleterre et la France, les Musulmans déchirer l’Espagne et assiéger l’Europe. C. xxvii et xxvin. En Orient, d’horribles révolutions « dégoûtent » ; pas un empereur, si l’on excepte Julien, qui ne souille le trône « d’abominations », c. xxix, et finalement les Grecs se séparent de Rome. « Le patriarche de Constantinople n’est plus qu’un esclave ». C. xxxi.

C’est alors, au milieu du Xe siècle, que Jean XII instaure le Saint-Empire, en sacrant empereur des Romains, Othon, roi d’Allemagne. Si les deux puissances se fussent accordées, la face du monde eût été changée. Mais les papes s'étaient « donné un maître ». De là, jusqu’au xiir 3 siècle, les luttes sanglantes du sacerdoce et de l’empire, entre un Henri IV, un Frédéric II qui veulent régner en Italie, y faire et y défaire les papes, et un Grégoire VII, intransigeant et violent. Malgré ces conflits, « il semblait que les pays de la communion romaine fussent une grande république », la chrétienté. Ils s’entendirent pour mener contre l’infidèle « les croisades, une folie », contre l’hérétique une guerre « brutale et absurde », d’où sortit l’Inquisition, « cet autre fléau ». G. xlviii. Et il y eut ainsi, « dans le xue et le xiiie siècle, une suite de dévastations ininterrompues dans tout l’univers ». C’est là le vrai Moyen Age.

Avec le xive siècle, commence une ère nouvelle. L’Europe remplace la chrétienté. Les papes ont en effet ruiné la puissance impériale, mais leurs prétentions à l’hégémonie vont se briser à la résistance des rois ; ils finiront par n'être plus que des souverains italiens. C. lxv. Leur autorité spirituelle sera également atteinte par le Grand Schisme, c. lxxi, les conciles de Constance, c. lxxii, et de Râle, c. lxxvi. D’autre part, l’Italie où les républiques se transforment en principautés est un champ d’intrigues, « d’absurdités et d’horreurs » ; les souverains de France et d’Angleterre se font une guerre de Cent ans que dénoue « une servante d’auberge » de vingt-sept ans, « qui eut assez de courage et d’esprit pour jouer la comédie de l’inspirée ». C. lxxv-lxxx. En Orient, un empire turc s’installe à Constantinople, menaçant le sud-est de l’Europe et creusant un fossé plus profond entre Église orthodoxe et romaine.

Aux rivalités des souverains, le xvie siècle ajoute les luttes religieuses. « Un petit intérêt de moines », à propos « de la vente » d’indulgences dans un coin de la Saxe, « produit plus de cent ans de discordes… chez plus de trente nations », c. cxxvii, et fait perdre à l'Église latine d’immenses contrées. C. cxxxv. C’est que, d’une part, « la mesure était comble » ; et Voltaire refait à la mode de son temps le procès de l'Église romaine, justifiant en passant les moines transfuges, qui en se mariant « ne violaient pas plus leurs vœux que ceux qui… possédaient des richesses fructueuses » ; d’autre part, les chefs du mouvement furent les hommes qu’il fallait. Si Luther fut grossier, il eut la persévérance et « fut le prophète de sa patrie ». C. cxxviii. Zwingle « parut plus zélé pour la liberté que pour le christianisme ». C. cxxix. Voltaire ne ménage pas Calvin, « esprit tyrannique », jaloux, qui ne pardonna pas à Castellion d'être « plus savant que lui », cruel, on le vit bien avec Servet, mais désintéressé et travailleur infatigable. C. cxxxiv. Henri VIII, à qui Clément VII, pour toutes sortes de raisons humaines — il aurait sapé lui-même, en cédant, les fondements de la grandeur pontificale — ne pouvait accorder le divorce sollicité, ne tolérait aucune résistance et bientôt, avec Elisabeth, l’Angleterre, à qui d’ailleurs l’obédience romaine était lourde, eut un protestantisme à elle. C. cxxv-cxxvii, cxlvii-clxviii.

Pour se défendre, l'Église trouva les ordres religieux, cette milice du pontificat romain qui faillit « rester entre leurs mains ». Ils inondaient « les États chrétiens de citoyens devenus étrangers dans leur patrie et sujets du pape, se perpétuant aux dépens de la race humaine ». mais se jalousant, se faisant une guerre acharnée sous des prétextes théologiques, en réalité par ambition ; < ils ne purent empêcher la moitié de l’Europe de se soustraire au joug de Rome ». Pas même les jésuites, l’ordre « le plus politique de tous », que fonda « le moins politique des hommes », Ignace de Loyola, « sans lettres, un enthousiaste ». C. cxxxix-cxl ; cf. Rem., xi, Les moines. L’Inquisition ne servit « qu'à faire perdre au pape encore quelques provinces et à brûler inutilement des malheureux ». C. cxl. Le concile de Trente fut « sans aucun effet parmi les catholiques et parmi les protestants ». C. clxxxiii.

Aux dissensions religieuses se mêlent des conflits sociaux — les anabaptistes en Allemagne — des dissensions intestines : la France connaîtra quarante années de guerres civiles avec le massacre de la SaintRarthélemy, « préparé pendant deux années par Catherine de Médicis, « de concert avec les Guise » ; les assassinats de princes et de rois, c. clxx-clxxii, et l’héritier légitime, obligé de changer de religion, sans conviction. Et quand ce roi, « le plus grand homme de son temps », aura rendu à son royaume la prospérité par le pacifiant édit de Nantes et l’influence extérieure, un fanatique, sans complice, il est vrai, mais bien dans l’esprit du temps, l’assassinera et rendra la France « à la confusion », dans une régence. Il fallut « la rigueur hautaine » d’un Richelieu pour ramener l’ordre. Mêmes troubles en Angleterre, où l’on voit « un peuple faire périr son propre roi, au nom de la justice ». Le fanatisme lui donnera Cromwell, c. clxxxi, et troublera encore le règne de Charles II. C. clxxxii.

Enfin, sous le couvert de la religion, s’affrontent des nations rivales. Sous le prétexte de défendre le catholicisme, Philippe II, « si peu chrétien dans sa vie privée », tentait d’asservir la France, l’Angleterre, l’Italie ; il ne réussissait qu'à perdre les Pays-Bas. C. clxxiii-clxxvi. En Allemagne, la religion déchaînait la guerre de Trente ans, « un carnage », où la France marchait à côté des protestants pour em 1 pêcher l’hégémonie de la maison d’Autriche.

La découverte du Nouveau Monde et l'établissement de relations actives avec les Indes et l’ExtrêmeOrient « semblaient plus utiles mais ne furent pas moins funestes ». Avides, fanatiques, cruels, les conquérants firent le malheur des peuples conquis et, concédant des monopoles à des compagnies armées, créèrent de nouveaux motifs de guerre. C. cxli-clxvii.

Mêmes troubles civils et mêmes guerres dans le reste du monde : en Pologne, où Voltaire souligne la renaissance de l’arianisme, c. clxxxviii ; en Russie où « trente siècles n’auraient pu faire ce qu’a fait Pierre le Grand en voyageant quelques années », c. cxciii ; dans l’empire ottoman, qui connut au xvie siècle l’apogée de sa puissance, c. clix, que Lépante n'ébranla point, c. clx, mais qui semble arrêtée dans son expansion, c. clxi, clxii ; en Chine, désolée au xviie siècle par la conquête tartare et d’où le christianisme sera banni en raison des divisions de ses représentants, c. excv ; au Japon, fermé aux missionnaires. Cf. Le pyrrhonisme de l’histoire par un bachelier en théologie (1768), au tome iv de l'Évangile du jour (xxvii, 235).

Dans le c. cxcvii, intitulé « Résumé de toute cette histoire jusqu’au temps où commence le beau règne de Louis XIV », dans les Remarques. pour servir de supplément à l’Essai (xxxiv, 543), et dans les Pièces relatives à l’Essai, Voltaire conclut : L’histoire humaine est « un ramas de crimes, de folies, de malheurs ».