Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

1717

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. TENDANCES MYSTIQUES

1718

divines se distinguent l’une de l’autre ne sont pas Dieu, mais en Dieu. Cf. Geyer, op. cit., p. 10-28 ; p. 160*, 161*, 162*. Voir ausr.i M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Méthode, t. ii, p. 437-438 ; A. Landgraf, Untersuchungen zu der Eigenlehre Gilberis de la Porrée dans Zeitschr. fur kath. Théologie, Inspruck, 1930, p. 184 sq.

4. Le début du XIIe siècle (suite) : tendances mystiques.

Le début du XIIe siècle est dominé par la grande figure de saint Bernard. Saint Bernard est avant, tout un mystique. C’est dans l’Écriture, dans la contemplation des choses divines qu’il puise toute sa scirnce, une science qui, loin des subtilités d’une vaine philosophie, cherche à conduire les âmes vers la connaissance de soi, l’amour du prochain et la contemplation de Dieu.

On a dit, voir Bernard (Saint), t. ii, col. 763, que son enseignement sur la Trinité avait uniquement consisté à poser le dogme, tel que l’Église l’a défini. Pour Bernard, scruter ce dogme est une spéculation condamnable, la connaissance de la Trinité divine étant réservée à la vie éternelle. On a dit aussi, col. 764, que Bernard avait été dégoûté des spéculations scolast.iques sur la Trinité par les tentatives malheureuses de ses contemporains, tentatives qu’il avait dû lui-même dénoncer, poursuivre et faire condamner. Noir surtout Contra capitula errorum Pétri Abeelardi, P. L., t. clxxxii, col. 1049 sq. ; 1053 sq. La doctrine trinitaire de Bernard est condensée dans le De consideratione, t. V, c. vii-ix, col. 797-801.

Saint Bernard n’en a pas moins exercé une influence heureuse sur la scolastiquc. Cf. Grabmann, op. cit., t. ii, p. 94-97. Peut-être même, en raison de son mysticisme, eut-il une certaine influence sur l’école de Saint-Victor, dont le chef, Hugues, lui proposa des difficultés soulevées par les théories d’Abélard, ce qui nous vaut le petit traité De baptismo aliisque quæstionibus, P. L., t. ci.xxxii, col. 1031 sq.

a) Hugues de Saint-Victor († 1141). —

La doctrine d’Hugues sur les rapports de la raison et de la foi a été indiquée, t. vii, col. 259-261. Hugues est disciple d’Augustin et il expose avec complaisance la théorie augustinienne de la trinité humaine, image de la Trinité divine : l’âme, la sagesse, l’amour. De sacramentis, 1. f, part. III, c. iv-xi ; xix-xxi, P. L., t. clxxvi, col. 218 B-220 A ; 224 D-225 D. Faut-il y voir un point de départ pour une démonstration rationnelle de la Trinité divine ? F. Vernet a montré ici, t. vii, col. 207269, ce qu’il faut penser de cette affirmation. Pour découvrir en elle-même un vestige de la Trinité, il faut d’abord que l’âme se sache créée à l’image de Dieu et parte de cette connaissance. Il y a donc nécessairement un point de départ révélé. Mais il serait excessif d’en vouloir tirer une démonstration proprement dite de l’existence du mystère. Voir art. cit., col. 268. La doctrine trinitaire elle-même est assez rudimentaire chez Hugues, col. 274.

Si le Tractatus théologiens édité dans P. L., t. clxxi, col. 1067 sq., sous le nom d’Hildebert de Lavardin doit être restitué à Hugues de Saint-Victor, on y trouvera c. iv-vui, un bon exposé de la doctrine catholique « /inspirant de saint Augustin et de Boèce : le mystère de la Trinité, les noms par lesquels selon leurs propriétés nous distinguons les personnes entre l’égalité du Père, du Fils et du Saint-lisprit. On y relève de grandes analogies aee Pierre Lombard.

b) La Summa Sententiarum.

Cette Somme présente un réel propres, spécialement quant a la théologie trinitaire, sur le De sacramentis. I.n Ce qui concerne les rapports de In rai’on et di !  ; i foi, elle t adoucit les expri salons du be sacramentis sur la démonstration rationnelle de la Trinité et, après avoir dit nettement qu’il faut d’abord entendre les témoignages de l’autorité, réduit le rôle de la raison à montrer certains exemplaires de la Trinité dans les œuvres de Dieu, quædam exemplaria in his quæ facta sunt, certains vestiges de la Trinité dans l’âme, in seipsa potuit humana mens vestigium Trinitatis invenire. Sur le terme ingenitus appliqué au Père, sur l’égalité des personnes, l’application du mot personne aux trois réalités divines, sur les relations dans la Trinité et les opérations divines, des explications courtes mais précises sont données, qu’on chercherait en vain dans le De sacramentis ». F. Vernet, art. cit., col. 285. Voir Summa sententiarum, tract. I, c. vi-xi, P. L., t. clxxvi, col. 50 D-61 B.

c) Richard de Saint-Victor (f vers 1173). —

Richard tient une place de premier plan dans le développement de la théologie trinitaire. Sa doctrine a été longuement exposée t. xiii, col. 2684-2691. C’est lui surtout qui a présenté une « démonstration rationnelle » du mystère. Le P. de Régnon indique qu’on peut dégager de sa théologie une double démonstration, l’une d’ordre métaphysique, qui part de l’existence a semetipso et qui est développée surtout dans le 1. V du De Trinitate ; voir ici, t. xiii, col. 2687 ; l’autre, d’ordre psychologique, s’appuyant sur la puissance d’aimer, amour de personne à personne. C’est surtout dans le 1. III qu’est développé l’argument ; voir ici t. xiii, col. 2684. Mais le 1. VI (voir col. 2689) y ajoute un couronnement nécessaire en montrant la plénitude de la vie divine se communiquant dans le Fils et dans l’amour. Sur la valeur de la « démonstration », voir t. xiii, col. 2691. La doctrine de Richard est aussi résumée dans A. d’Alès, De Deo trino, p. 197-198 ; cf. J. Ebner, Die Erkenntnislehre Richards, Munster, 1917 ; A. -M. Ethier, O. P., Le « De Trinitate » de Richard de Saint-Victor, Paris, 1939.

Il serait utile de rapprocher Richard de saint Augustin sur le point précis de la théorie psychologique de l’amour appliquée à la Trinité. Le P. de Régnon l’a fait, avec bonheur, semble-t-il, dans ses Éludes…, t. ii, p. 305 sq. Tandis qu’Augustin, partant de l’analyse d’un amour naturel, se trouve obligé d’insérer un « verbe » dans l’intelligence avant d’envisager la volonté, pour constater que l’amour procède et de l’âme et de son verbe, Richard s’adresse immédiatement à l’amour personnel ou amour d’amitié, qui ne peut pas ne pas exister en Dieu et qui pose nécessairement la multiplicité des personnes qui s’aiment.

Le P. de Régnon fait également observer qu’au sommet des choses, théorie métaphysique et théorie psychologique se rejoignent. Au sommet métaphysique, Dieu, c’est l’amour subsistant à l’état d’acte qui est sa propre substance, sa propre vie, sa propre subsistence. L’Être, c’est-à-dire Dieu, est le Bon, l’Amour. Amour, c’est la substance divine, identique chez les Trois. Aimant, c’est le suppôt, la personne divine. Un seul Amour, voilà l’unité ; trois Aimants, c’est la Trinité. Op. cit., p. 312-313. Cf. Richard, De Trinitate. I. V, c. xx, P. L., t. exevi, col. 963 CD.

Les appropriations divines ont été étudiées par Hichard dans un opuscule qui fait suite au De Trinitate, ibid., col. 992-994. L’amour que les personnes divines ont entre elles est brièvement rappelé dans l’opuscule Quomodo Spirilus Sanctus est amor Patris et lilii. Ibid., col. 1011. Voir M. -T. L. Ptnido, Glose sur les » roccssions d’amour dans la Trinité, dans Eph. theol. Lovanien., t. xiv, 1937, p. 33-68.

Bn parlant de la procession du Fils, Richard, voulant faire écho à la formule de certains Pères, parle di la substance qui engendre et de i.i substance qui i t i ng< iulrtv, subslanlia gentil tubstanUam. Substance est ici, pour lui, l’équivalent de personne, en marquant toutefois que toute la réalité de la personne se confond avec la substance. De Trinitate, I. VI,