Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/939

Cette page n’a pas encore été corrigée

34u ;

V0LTA1HE. PRINCIPALES Œl’VRES

3408

n’est concevable à l’homme ». Si le péché originel, répond Voltaire, Rem., iii, p. 187-188, est de foi, la raison me montre dans l’homme un être normal. Il n’est pas une indéchiffrable énigme. Il y a en lui, comme dans tous les êtres, du bien et du mal, mais s’il était parfait, il serait Dieu. D’ailleurs, le péché originel n’explique pas plus les soi-disant contrariétés de l’homme que la fable de Prométhée. Rem., i, p. 186 ; cf. Lettre à La Condamine, 22 juin 1734 (xxxiii, 486). Et ainsi, tombe cette preuve pascalienne de la vérité du christianisme qu’il explique seul l'énigme de l’homme. Cf. ici Pascal, loc. cit., col. 2131, et Sainte-Beuve, Port-Royal, t. iii, p. 402.

4. La condamnation et les réfutations des Lettres philosophiques et de l'Épître à Uranie. — « Comme instrument de combat contre le christianisme, contre les institutions politiques de la France, contre les mœurs et les idées d’Ancien Régime, ces petites lettres ont la valeur d’un événement historique. » Condorcet, Vie de Voltaire, i. Voltaire avait pressé leur publication, mais il ne les avait pas vu paraître sans appréhension. Il eut beau, après les tripotages dont on trouve le détail dans Maynard, op. cit., t. i, p. 183211, prétendre que ces Lettres avaient paru contre son gré, faire retomber la faute de leur publication sur son libraire, Jore ; le 20 mai 1734, une lettre de cachet l’exilait au château d’Auxonne. Prévenu, il se réfugiait finalement à Cirey. Le 10 juin, le Parlement, vengeant surtout Pascal, n’en condamnait pas moins son livre à être brûlé « comme scandaleux, contraire aux bonnes mœurs et au respect dû aux puissances ». Le livre sera mis à l’Index. Les Remarques sur les Pensées de 1778 le seront également, le 18 septembre 1789.

En 1735 parurent des réfutations des Lettres philosophiques, entre autres : a) Réponse ou critique des Lettres philosophiques de M. de V. par le R.P.D.P.B. (Le Coq de Villerey), Basle (Paris), in-12. Cf. DesnoiresterreS, op. cit., t. ii, p. 41. Le Coq répond surtout à la critique des Pensées. — b) Lettres servant de réponse aux Lettres philosophiques…, s. n. d. a. (abbé Molinier), s. 1. (Paris), in-12. Molinier combat surtout la matière pensante. — c) Réflexions sur quelques principes de la philosophie de M. Locke, à l’occasion des Lettres philosophiques de M. de Voltaire, par DavidRenaud Bouillier, ministre protestant réfugié, dans Bibliothèque française, t. xx.

7° Le Mondain, 1736 (x, 83). — Essai de morale sociale. Le bonheur est sur la terre et non dans l’audelà, dans les jouissances qu’assurent le progrès et le luxe et non dans l’austérité. Que l’on compare la vie des premiers hommes, « les ongles longs, un peu noirs et crasseux », vivant « de l’eau, du millet et du grain », avec la vie d’un honnête homme au xviiie siècle, et l’on ne parlera plus du bonheur <c tristement vertueux » de Salente, « manquant de tout pour avoir l’abondance », ni du Paradis terrestre : le Paradis « est où je suis ». Cf. La toilette de Mme de Pompadour ou les Anciens et les Modernes (xxv, 451).

Le Mondain fit scandale. Voltaire parut s'étonner qu’on l’eût pris au sérieux et s’efforça de faire croire que le texte avait été tronqué. Cf. Lettres à Thiériot du 24 novembre 1736 et à Cideville du 8 décembre (xxxiv, 171 et 184). Aux critiques il répondit en 1737 par une Défense du Mondain (x, 90) ; il y soutient que le progrès matériel et le luxe sont utiles au bonheur des individus et de la société ; et par une pièce sur l’Usage de la vie, ou savoir se modérer (x, 94).

8° Sept discours sur l’homme, 3 de 1734, 4 de 1737 (ix, 374). Pope, « le poète le plus élégant » de l’Angleterre, avait publié en 1733-1734 un Essay on Man, immédiatement traduit en français par Silhouette et

l’abbé Resnel : » Le Discours sur l’homme de Voltaire, dit Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. viii, p. 194, doit à Pope mieux que des points de départ. »

Ces sept discours sont la philosophie du bonheur auquel peut et doit prétendre l’homme. Le 1 er, p. 379388, prouve l'égalité des conditions en face du bonheur. « Il y a dans chaque profession une mesure de biens et de maux qui les rend toutes égales. » — Le 2e, De la liberté, p. 388-394, répond à cette question : « Le bonheur dépend-il de moi-même ou est-il un présent des cieux ? » ; en d’autres termes : « Suis-je libre… ou mon âme et mon corps sont-ils d’un autre agent les aveugles ressorts ? » Voltaire conclut en faveur de la liberté et invite à respecter la liberté d’autrui. — Le 3e condamne l’envie, p. 394-401. L’envieux, ennemi de soi-même, perd son temps en attaquant la vertu : ainsi « le fougueux Jurieu » en attaquant Bayle. Il aboutit à la calomnie ; tel le janséniste (Louis Racine), pour qui « Pope est un scélérat », parce qu’il a dit « que Dieu nous aime tous et qu’ici tout est bien ». (Voltaire ne pardonnait pas à L. Racine d’avoir pris contre lui le parti de Pascal). — Le 4e, dédié à M. Helvétius, prêche la modération en tout, condition du bonheur. — Le 5e, Sur la nature du plaisir, soutient que, loin de fuir le plaisir, comme le janséniste, sur les pas de Calvin, ce fou sombre et sévère », l’homme doit se dire que le plaisir auquel l’appelle la nature vient de Dieu : « C’est par le plaisir qu’il conduit les humains ». — Le 6e, Sur la nature de l’homme, établit que le bonheur parfait n’est pas de ce monde, mais que l’homme n’a pas à se plaindre de son état. « Despréaux et Pascal en ont fait la satire ». — Le 7e est Sur la vraie vertu. La vraie vertu ne consiste ni dans « l’insensibilité stoïcienne », ni dans les pratiques religieuses. Elle est, d’après le Christ lui-même, dans les pratiques que résume ce mot nouveau (de Bernardin de Saint-Pierre) : « la bienfesance ».

9° Traité de métaphysique (xxii, 189-230). — Composé en 1734 et dédié à Mme du Châtelet, qui le met sous clé, parce que dangereux. Il ne sera publié qu’après la mort de l’auteur. Quelles certitudes avons-nous sur Dieu et sur l’homme ?

1. Dieu.

Existe-t-il ? Voltaire aboutira à cette conclusion : « Cette proposition : Il y a un Dieu énonce la chose la plus vraisemblable que les hommes puissent penser et la proposition contraire est des plus absurdes. » La connaissance de Dieu n’est pas innée. Deux preuves la donnent. P. 194-195.

a) Preuve par les causes finales, « la plus naturelle et la plus parfaite pour les capacités communes ». Non seulement, il y a de l’ordre dans l’univers, mais le monde apparaît pénétré de finalité. « Quand je vois une montre dont l’aiguille marque les heures, je conclus qu’un être intelligent a arrangé les ressorts de cette machine, afin que l’aiguille marquât les heures. Ainsi, quand je vois les ressorts du corps humain, je conclus qu’un être intelligent a arrangé ces organes…, les yeux pour voir… » Cf. Les cabales, 1772. L’univers m’embarrasse… Mais de cette preuve je ne puis conclure que l'être intelligent et supérieur qui a façonné la matière l’a fait sortir du néant. Cette conclusion se tire de la preuve suivante.

b) Preuve par la contingence du monde. — « J’existe, donc quelque chose existe de toute éternité. Car ce qui est ou est par lui-même » et alors « il… est Dieu » ; ou : a reçu son être d’un autre, ce second d’un troisième… » et « celui dont ce dernier a reçu son être doit nécessairement être Dieu ». Il ne saurait être question d’une régression d'êtres à l’infini, car tous ces êtres n’auraient de leur existence, pris dans leur ensemble, aucune cause extérieure, pris individuellement, aucune cause intérieure, alors « qu’aucun n’existe par soi-même ». Il y a donc un être « qui