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î’VOLONTÉ. DES ANGES, SON MOUVEMENT

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ce qu’il y a d’immuable substantiellement dans l’éviternité. Voir Éternité, t. v, col. 913-914.

2. Dès le premier instant un acte d’amour surnaturel s’est greffé sur le mouvement d’amour naturel dans la volonté angélique. — L’opinion, aujourd’hui commune dans l’École, voir t. i, col. 1240, est que tous les anges, sans exception, furent élevés à l’état surnaturel à l’instant même de leur création, qui fut également l’instant de leur sanctification. Et ainsi puisque tous, sans en excepter ceux qui devaient tomber, ont reçu dans ce premier instant la grâce avec son cortège des vertus, il faut bien que leur volonté ait été, tout au moins à cet instant, orientée vers Dieu par un acte d’acceptation des dons surnaturels. Cet acte, en raison du mouvement naturel et nécessaire qui en formait l’élément pour ainsi dire matériel, était en quelque façon indélibéré ; et cependant il contenait une réelle liberté dans le fait de l’acceptation, sous la motion divine, de l’ordre surnaturel. « Ainsi tous les anges, sans exception, ont accompli, sous la motion de Dieu, un premier acte nécessairement bon. Et parce qu’ils agissaient, étant élevés par la grâce à l’ordre surnaturel, en tant qu’êtres surnaturels, ce premier acte bon a été nécessairement méritoire. Mais, …tout en étant méritoire et par conséquent libre, ce premier acte n’était pas un acte qui les fixait définitivement : il leur restait d’accepter expressément ou de refuser les biens surnaturels que Dieu leur offrait. Ce n’est que par ce nouvel acte d’acceptation ou de refus qu’ils devaient être mis en demeure de correspondre pleinement au premier mouvement venu de Dieu et qui, après les avoir portés à Dieu comme auteur de la nature, devait les porter à Lui comme auteur et consommateur de la grâce. » Th. Pègues, Commentaire littéral de la Somme théologique, t. iii, n. 583. Quelles que soient donc les controverses qui divisèrent jadis les théologiens sur l’instant du péché des mauvais anges, il semble bien que la seule manière de concilier le péché angélique et la bonté du Créateur soit de réserver le premier instant de la voie des anges à un acte bon et surnaturel de leur volonté, encore que cet acte n’ait pas eu la délibération et la liberté parfaites qui devaient fixer leur sort éternel. Une telle conception répond mieux aux textes scripturaircs qu’on applique non sans arbitraire aux démons, Is., xiv, 12 sq. ; Kz., xxviii, 11 ( ?), et surtout Joa., viii, 44. Cf. Janssens, De Deo creatore et de angelis, p. 824 sq. ; H. de Lubac, Surnaturel, Paris. 1940, p. 210-212.

2° Le second mouvement de la volonté angélique, méritoire ou déméritoire du bonheur du ciel. — C’est l’enseignement courant que la volonté angélique, dans un acte méritoire ou déméritoire, s’est attachée à Dieu ou détachée de Lui. Ce fut là, disent la plupart des théologiens, le second instant de « la voie » des anges. Comment un tel acte put-il se produire chez des créatures aussi parfaites que les anges ? On a rappelé à Démons, t. iv, col. 395 sq., les affirmations générales de saint Thomas et d’autres théologiens au sujet du péché des mauvais anges ; mais il est utile de préciser ici, du point de vue thomiste, la psychologie de la volonté pervertie des anges déchus. On verra par là le peu de probabilité à accorder aux autres systèmes.

Il faut poser en principe qu’aucune créature intellectuelle, si parfaite soit-elle, ne saurait être par nature absolument Impeccable, parce qu’il n’y a que la volonté divine qui soit la règle de son acte, n’étant pas ordonnée : i une fin supérieure ». Affirmation traditionnelle, que, SOUS une [orme ou une autre, accueillent tous les anciens théologiens et que saint Thomas propose, Stun. theol., P. q. lxiii, a. 1. Mais l’ange, naturellement faillible, ne pouvait cependant pas pécher datu l’ordre naturel. Cf. Dr malo, q. xvi, a..’i ;

Th. Pègues, Commentaire littéral, t. iii, p. 561-562. Voir également J. de Blic, Saint Thomas et l’intellectualisme moral, dans Mélanges de science religieuse, Lille, 1944, p. 241-280, et même H. de Lubac, op. cit., p. 231-249. Et, s’il avait été confiné dans cet ordre, la perfection de son intelligence et de sa volonté l’eût préservé de toute faute. C’est donc dans l’ordre surnaturel que saint Thomas cherche l’explication du péché des anges. P, q. lxiii, a. 1, ad 3um. La raison en est simple. L’ordre surnaturel, pour l’ange comme pour l’homme, s’origine à la révélation, c’est-à-dire à la manifestation de vérités supérieures à l’intelligence créée. Inévidentes par elles-mêmes, ces vérités sont objet de foi. L’intelligence y adhère, mais déterminée par un acte libre de la volonté. C’est dans ce jeu combiné du libre arbitre et de l’adhésion de l’intelligence à une vérité surnaturelle que se trouve, pour l’ange, impeccable dans l’ordre naturel, une possibilité de résistance coupable à la vérité et de mouvement désordonné de l’appétit rationnel.

Mais quel fut, chez l’ange révolté, la raison immédiate de la résistance à la vérité et du désordre qui suivit cette résistance ? Il ne saurait être ici question d’ignorance ou d’erreur ; aucun défaut d’ordre naturel ni d’ordre surnaturel n’existant dans le principe de la connaissance angélique. La raison initiale de la perversion de la volonté angélique fut un manque d’attention. « Il suffit, dit saint Thomas, que l’ange ait manqué de considérer ce qui, pour lui, constituait la règle et l’ordre. » De malo, q. xvi, a. 2, ad 4um. Ce manque de considération constituait une faute, parce qu’il était le point de départ d’un choix de sa volonté. En sorte, conclut Gonet, que « l’ange n’a pas péché précisément parce qu’il n’a pas considéré la loi divine qui lui interdisait d’aimer sa béatitude naturelle en dehors de tout ordre et relation à Dieu, principe et fin de l’ordre surnaturel, mais en ce qu’il a aimé sa propre béatitude naturelle et s’y est complu sans faire attention à la loi de l’ordre surnaturel. Toute la malice du péché angélique est donc contenue dans cette inconsidération, ou plutôt dans ce jugement inconsidéré. .. » De angelis, disp. XIII, n. 138. Le péché d’orgueil des anges fut donc un acte positif de leur volonté, recherchant leur bonheur naturel à l’exclusion du bonheur surnaturel offert par Dieu.

A l’opposé, les bons anges, acceptant dans un acte de foi et d’amour de soumettre leur bonheur naturel à la règle surnaturelle de la grâce, ont fait par là même une adhésion pleine et entière à l’ordre que Dieu voulait réaliser en eux.

Conséquences.

1. Fixation de la volonté dans

le bien ou dans le mal. — a) La confirmation dans le bien est, chez les anges fidèles, un effet immédiat de la vision béatifique. Attachée au Bien souverain qu’est Dieu, la volonté angélique, dans un acte toujours identique à lui-même — « un instant qui ne passe ni ne s’écoule », dit saint Thomas, Cont. Cent., t. IV, c. lxii — ne pourra jamais s’en détacher. Voir Intuitive ( Vision), t. vii, col. 2389-2391 et iMPF.cc.AniLiTÉ, ibid., col. 1275. À cette raison psychologique s’ajoute une raison d’ordre physique : la mesure de cet acte béatifiant qui est l’éternité participée. Cf. Gonet, De angelis, disp. VI, a. 1. n. I sq.

Cette confirmation dans le bien ne rend pas les esprits bienheureux indifférents au bien accompli ou au mal commis sur terre et dont ils ont connaissance. Mais cette connaissance est appréciée sous l’angle de la vision bienheureuse. Voir t. vii, col. 2393. les sentiments de miséricorde, de Compassion, de pitié n’existent dans les esprits purs (et les (unes séparées) que par manière d’élection dans la volonté et non de pas

siou dans la sensibilité. Cf. saint Thomas, Suppl., q. xr.iv, a. 2.