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    1. VOLONTÉ##


VOLONTÉ. DES ANGES, EXISTENCE ET NATL’HE

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ainsi que leur mode d’action pour induire les hommes en tentation et les faire tomber dans le péché, cf. Tentation, t. xv, col. 122-123 et Péché, t.xii, col. 207 sq. Ces éléments supposés, on s’efforcera ici de faire une brève synthèse, mettant en relief surtout la doctrine thomiste. I. Existence et nature de la volonté angélique. II. Mouvement de cette volonté vers le bien ou le mal (col. 3375). III. Rôle de la volonté des anges ou des démons dans leurs rapports avec les autres esprits, avec les hommes et avec les êtres matériels (col. 3380). IV. Applications à l’âme séparée (col. 3383).

1. Existence et nature de la volonté Angélique. — Voir Somme théologique, I a, q. lix.

Existence.

L’Écriture atteste que les anges sont

doués de volonté libre, car les uns ont péché et les autres sont restés fidèles à Dieu. II Pet., ii, 4 ; Jud., 6 ; Matth., xviii, 10. De plus, l’Écriture attribue aux anges des affections propres à la volonté : joie et désir pour les bons anges, Luc, xv, 7, 10 ; I Pet., i, 12 ; crainte et colère pour les mauvais, Jac, ii, 19 ; Apoc, xii, 12.

Il est d’ailleurs conforme aux principes de la philosophie que, dans les créatures spirituelles, la volonté complète l’intelligence. Si l’argument vaut pour Dieu, voir-ci-dessus, col. 3325, il vaut également pour l’ange. Sum. Iheol., I », q. lix, a. 1. Mais, tandis qu’en Dieu la volonté s’identifie avec l’essence divine, dans l’ange la volonté se distingue et de l’essence et de l’intelligence ; de l’essence, car la volonté angélique ne pourrait s’identifier avec l’essence qu’à la condition de l’avoir pour objet immédiat et nécessaire ; or, c’est vers le bien suprême que l’ange est naturellement porté ; de l’intelligence elle-même, car le mouvement de l’intelligence, qui s’assimile l’objet qui est le vrai, est différent du mouvement de la volonté qui tend vers l’objet qui est le bien. Ibid., a. 2.

Nature.

1. Cette volonté est libre. — L’a. 3 le

démontre doublement : tout d’abord d’une manière indirecte en rappelant que la liberté est un élément primordial de la dignité humaine ; donc l’ange, supérieur à l’homme, doit a fortiori être libre ; ensuite, directement, on aboutit à la même conclusion en gravissant l’échelle des êtres : les êtres inférieurs ne se meuvent pas et sont mus ; les animaux sans raison se meuvent, mains instinctivement et sans liberté ; les êtres rationnels se meuvent, mais librement. Toutefois l’homme doit chercher et raisonner pour découvrir le bien que son intelligence présentera à sa volonté ; l’ange, au contraire, grâce à sa connaissance intuitive, va droit au but sans tâtonnement.

2. Perfection de cette liberté.

Aussi la liberté de l’ange est-elle en soi bien plus parfaite que celle de l’homme : proportionnée à la puissance supérieure de l’esprit pur, elle en partage la simplicité d’être et d’action. Il faut donc en éliminer toute passion proprement dite soit irascible, soit concupiscible. Si l’amour, la joie, la charité doivent être attribués aux anges, il faut concevoir ces sentiments comme des mouvements purement spirituels, sans modification organique. La fureur et le désir ne peuvent être attribués à l’ange que métaphoriquement en raison des effets produits. La tempérance et la force ne seront également attribuées à la volonté angélique que d’une manière toute métaphorique, en raison de la similitude des effets. Ibid., a. 4.

II. Mouvement de cette volonté vers le bien ou le mal. — La volonté angélique peut-elle demeurer sans exercer aucun acte ? Étant donné la nature purement spirituelle de l’ange, il ne le semble pas et, de fait, la théologie catholique explique « la voie » des anges par un double acte d’intelligence et de volonté ; le premier dès l’instant de leur création, pour recevoir

les dons de la grâce qui les orientaient vers la béatitude, le second pour adhérer à Dieu, leur fin surnaturelle, ou se séparer de lui. Ces deux actes correspondent à deux mouvements de la volonté, le premier nécessaire dans son élan naturel, le second libre, méritoire ou déméritoire du bonheur céleste.

Le premier mouvement de la volonté angélique.


1. L’élan naturel et spontané vers Dieu.

Il est psychologiquement impossible que la volonté, dont l’objet est le bien, n’ait pas une tendance naturelle vers ce bien. C’est ainsi que Dieu s’aime nécessairement. Voir col. 3327. Or l’ange se connaît d’une manière intuitive et immédiate ; il s’attache donc naturellement au bien de sa propre nature ainsi connu et saisi : « Étant immatériel, l’ange est, par son essence, forme intelligible toujours en acte et donc, par son essence, il se connaît et, par voie de conséquence, il s’aime toujours actuellement. » S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lvi, a. 2. Cet amour de soi-même a commencé dès le premier instant et dure sans interruption, mesuré qu’il est par l’éviternité en ce qu’il a d’immuable et de fixe. Voir Éternité, t. v, col. 914. Il semble bien que cet acte d’amour naturel de soimême soit nécessaire, non seulement quant à sa spécification — ce que tous admettent, voir Cajétan et Suarez — mais encore quant à son exercice, comme l’enseignent, à rencontre de ces deux auteurs, Banez, Tanner, Grégoire de Valencia, Sylvius, Vasquez, etc., dans leurs commentaires sur la Somme, I a, q. ix, a. 3. Cf. Suarez, De angelis, t. III, c. iv, n. 1.

Ce mouvement de la volonté angélique se prolonge nécessairement vers Dieu. C’est en effet en se connaissant soi-même par sa propre essence que l’ange connaît Dieu, son essence étant l’image et le reflet de Celui qui l’a faite. C’est aussi en s’aimant soi-même que l’ange est irrésistiblement porté vers Celui qui est la raison suprême de tout bien et qu’il aime naturellement plus que lui-même. S. Thomas, op. cit., a. 5, Et ce mouvement spontané de la volonté vers Dieu, bien souverain, explicitement saisi comme tel dans la connaissance que l’ange a de lui-même, est également un mouvement nécessaire et quant à sa spécification et quant à son exercice, selon l’opinion bien plus probable de Banez, contraire à celle de Suarez, op. cit., c. v, n. 4 et 8. Il faut aussi conclure que, se connaissant et s’aimant soi-même toujours actuellement, l’ange connaît Dieu et l’aime toujours actuellement de cet amour spontané, naturel et nécessaire. Et cet acte d’amour naturel est, lui aussi, mesuré par l’éviternité.

Toute proportion gardée, il faut également admettre dans la volonté angélique un mouvement d’amour naturel et spontané à l’égard des autres anges en raison de leur communauté de nature. Les hommes, créatures intellectuelles, participent eux aussi, quoique à un degré moindre, à cet amour naturel des anges. Mais ce mouvement d’amour n’est pas nécessaire quant à son exercice, car les autres créatures, même intellectuelles, ne sont pas constamment présentes à l’intelligence angélique. Et même, quant à sa spécification, cet amour n’est nécessaire qu’autant qu’il est inspiré par la communauté de nature. Des circonstances extrinsèques peuvent le détourner de son objet et le transformer en mouvement de haine, comme c’est le cas des démons à l’égard des anges fidèles et des hommes. Sum. theol., I a, q. lx, a. 4.

Nota. — Le mouvement naturel et nécessaire de la volonté angélique par rapport au bien qui lui est essentiel ne supprime pas pour autant, à l’égard d’objets accidentels qui se présentent comme des moyens d’atteindre ce bien, des mouvements proprement électifs, c’est-à-dire complètement libres. Ces mouvements relèvent des variations accidentelles qui s’ajoutent à