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VOLONTÉ. DE DIEU, SALVIFIQUE UNIVERSELLE


Quand saint Jean Chrysostome cite I Tim., ii, 4, il l’explique en marquant que la perte de ceux qui manquent leur salut trouve sa raison, non dans la volonté divine, mais dans la volonté humaine à qui Dieu ne fait pas violence. Cf. Hom. de ferendis reprehensionibus, n. 6, P. G., t. li, col. 144. La volonté divine qui punit les impies n’est pas la volonté première, ce désir véhément que Dieu avait de les sauver. In ep. ad Eph., hom. i, n. 2, t. lxii, col. 13. Voir plus loin. Le même saint Jean Chrysostome, citant Joa., i, 9, se demande comment, en fait, tous les hommes n’ont pas accédé à la lumière : « Le Verbe, dit-il, éclaire tous les hommes autant qu’il est en lui… Sa grâce est répandue sur tous… mais s’il en est qui ne veulent pas jouir de ce don, il ne faut imputer qu’à eux-mêmes leur aveuglement. » Hom. viii, n. 1, t. lix, col. 65. Dans son commentaire sur l’épître aux Romains, hom. xvi, n. 5, si tous sont appelés au salut, dit-il, tous n’y parviennent pas, parce que tous ne veulent pas y parvenir, ôtl [i-q roivTeç TrpoasXOsïv 7)60uX-/)67)aav. Mais, pour ce qui est de Dieu, tous sont sauvés et appelés, <Lç tô ys aùroû ptipoç SL£ow6r)<rav àracvreç xai yàp èyJkqQqesa » a7ravT£ç ; t. lx, col. 554 ; cf. n. 9, col. 561-562. En croix, le Christ a souffert et a prié pour sauver les pécheurs. Hom. de cruce et talrone, i, n. 2, 5, t. xlix, col. 401, 405 ; ii, n. 5, col. 415.

Saint Cyrille d’Alexandrie est tout aussi explicite. Reprenant le texte paulinien, il déclare que l’auteur de l’univers, essentiellement bon, « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». Mais Dieu ne refuse en fait le salut qu’aux obstinés dans le mal. In Is., t. II, t. iii, P. G., t. lxx, col. 428 A. Reprenant l’explication de Chrysostome sur Joa., i, 9, Cyrille affirme que le Fils illumine bien tout homme, mais que c’est la créature qui rejette la grâce. In Joa., 1. I (c. i, ꝟ. 10), P. G., t. lxxiii, col. 148 CD. En sorte que, s’il-ne fallait considérer que la volonté et la bonté de Dieu, tous les hommes devraient devenir ses fils et nul ne devrait être éloigné de la familiarité et amitié divines. Ad re’qinas de recta fide, or. ii, n. 9, t. lxxvi, col. 1345 D.

Saint Isidore de Péluse rappelle, lui aussi, que « Dieu veut le salut de tous les hommes, même de ceux qui sont dans la fange du vice, et c’est là ce qui leur enlève toute excuse. » Epist., t. II, ep. cclxx, t. lxxviii, col. 700 D. Œcumenius et Théophylacte, dans leur commentaire In I Tim., ii, 4, adoptent sans discussion l’interprétation universaliste, P. G., t. cxix (1881), col. 149 C ; t. cxxv (1864), col. 32 D.

b) Les Pères latins. — Les premiers apologistes n’apportent aucune restriction à la thèse de l’appel universel des hommes au salut. Arnobe se borne à montrer que la volonté divine ne force personne à accepter les faveurs de sa bienveillance. Adv. Cent., II, 66, P. L., t. v, col. 910. I.actance, se plaçant en face des faits, estime que les moyens employés par Dieu pour faire parvenir les hommes à la vérité n’ont jamais fait défaut. De diu. insl., i, 5, 6 ; IV, 4, 6, 9, 15-20 ; VI, 13-26 passim. Voir le résumé de la pensée de Lactance dans Capéran, op. cit., p. 74-78.

Commentant la parabole du festin, saint Hllalre note que l’invitation du père de famille ne comportait pas d’exception : elle aurait dû rendre bons ceux à qui elle s’adressait ; c’est une méchanceté incorrigible qui déterminera la sélection des élus. In Matlh.. xxii, fi, P. L., t. ix, col. 1013 C ; cf. In p$. r.x/v, 5 ; ibid., col. 415 C.

Saint Ami. rciiso enseigne qu’à la suite du Christ on ne peut périr. Enarr. in ps. XXXIX, n. 20 ; In pt. (MF///, serm. viii, n. 57 ; serm. xix, n. 39, t. xiv (1845), col. 1086 C ; MSI C ; t. XV, col. 1318 C. Le Christ a donné à tous le moyen de recouvrer la Ban té ;

la miséricorde de Christ est manifestement enseignée à l’égard de tous ; ceux qui périssent, périssent par leur négligence ; ceux qui sont sauvés, le sont conformément à la décision du Christ « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » De Cain et Abel, t. II, c. iii, n. 11, t. xiv, col. 346 A. Cf. In ps. XLViu, 2, col. 11551156.

L’Ambrosiaster commente dans le même sens le texte de l’épître à Timothée. In I Tim., ii, 4, P. L., t. xvii, col. 466 C. Saint Jérôme adopte également la même exégèse. In epist. ad Eph., t. I, c. i, n. 11, P. L., t. xxvi, col. 455 : « Rien n’est plus juste, dit encore saint Jérôme, que de voir l’auteur de l’univers appeler d’une vocation égale ceux qu’il a engendrés en une condition égale. » In Zach., xi, 8-9, t. xxv, col. 1503 A. Cf. In Gal., i, 15 ; t. xxvi, col. 326 R.

4. La pensée de saint Augustin.

Elle a été rappelée ici, t. i, col. 2407. La question controversée est celle-ci : Augustin a-t-il varié dans sa doctrine ? A-t-il, par réaction contre le semi-pélagianisme, passé de l’interprétation obvie et commune de I Tim., ii, 4, à une interprétation restrictive de la volonté salvifique ? Ou bien, à une situation nouvelle a-t-il voulu répondre par application nouvelle du texte de saint Paul à la volonté efficace de Dieu ?

Avant 420, saint Augustin enseigne que le Christ a versé son sang rédempteur pour tous, puisqu’il sera le juge de tous. Enarr. in ps. xcv, n. 15, P. L., t. xxxvii, col. 1236 ; même pour le traître Judas, In ps. lxviii, serm. ii, n. 11, t. xxxvi, col. 861. Mais l’affirmation que le Christ est mort pour tous se lit encore dans le Cont. Julianum (qui est de 421), t. VI, n. 8, où est commenté II Cor., v, 15, P. L., t. xliv, col. 825 ; bien plus, dans l’Opus imperf. cont. Julianum (429-430), la même interprétation du même texte se retrouve contre les pélagiens, pour les convaincre de l’existence du péché originel. Le Christ est donc mort pour tous sans exception ; donc on peut en déduire la volonté salvifique universelle de Dieu, bien qu’en fait cette volonté ne soit pas toujours suivie d’effet, t. II, n. 63, 163, 174, 175, t. xlv, col. 1082, 1211, 1216-1217, 1217. Cf. In Joan., tr. XII, n. 12, t. xxxv, col. 1470. Mais déjà, dans ces mêmes commentaires sur saint Jean, on rencontre certains textes où saint Augustin distingue le monde de la rédemption et le monde de la perdition ; tr. LXXXVII, n. 2-4 ; CX, n. 2, col. 1853 sq., 1921. Cf. Serm., ccxix, t. xxxviii, col. 1088. L’interprétation traditionnelle de I Tim., H, 4 se lit explicitement dans le De spiritu et littera (412), n. 58, t. xliv, col. 238. Cf. De cat. rudibus (400), n. 52. t. xl, col. 345.

A partir de 420, étudiant directement I Tim., ii, 4, saint Augustin restreint la portée du texte : « Dieu veut sauver tous les hommes qui en réalité se sauveront. » Cont. Julianum, t. IV, n. 42, 44, t. xliv, col. 759, 760 ; cf. De prædest. sanctorum (428-429), n. 14, id., col. 971 ; Epist., cxciv (418), n. 6 ; ccxvii, 19, t. xxxiii, col. 876, 985. — Même interprétation dans l’Enchirtdion (421), accompagnée de plusieurs autres, n. 103, t. xl, col. 280, notamment que Dieu veut sauver des hommes de toutes conditions et de toutes nations. Ou encore que Dieu veut sauver tous les prédestinés. De correjtl. et r/ratia (426-427), n. 14. t. xliv. col. 943 (sans préjudice d’autres interprétations possibles) ; ou encore que Dieu veut que nous voulions notre salut, ibid., n. 47, col. 945. On retrouvera des interprétations similaires chez saint Fulgence. Voir plus loin.

L’hypothèse émise par certains auteurs — un changement réel dans la pensée de sabll Augustin, fondé sur l’opinion d’une pluralité possible des sens script m aires, cf. Con/rss., I. XII, C xvii, xxvi, t. xxxii,