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VOLONTÉ. DE DIEU, SALV1FIQUE UNIVERSELLE


salut, ce salut devant être réalisé en Jésus, l’unique médiateur. Act., iii, 20-25 ; iv, 11-12. Mais, plus nettement apparaît cette universalité dans la vision dont fut favorisé le chef des apôtres avant la conversion du centurion Corneille. Act., x-xi. Aussi Pierre reconnaît-il « que Dieu ne fait pas acception de personnes ». Act. x, 34. Enfin, dans sa seconde épître, il avertira les chrétiens que « le Seigneur …agit patiemment…, ne voulant pas même que quelques-uns périssent, mais que tous recourent à la pénitence ». iii, 9.

Conclusion. — Ces textes nous amènent à conclure que la volonté salviflque de Dieu, tout en concernant les fidèles (cf. I Tim., iv, 10), s’étend également aux pécheurs que Jésus est venu appeler spécialement (cf. Matth., ix, 13 ; Luc, v, 32), et même aux infidèles, c’est-à-dire à tous les hommes sans exception (cf. I Tim., ii, 1-6). Toutefois l’universalité de l’appel n’empêchera pas qu’un certain nombre, peut-être un grand nombre, ne répondront pas à cet appel et manqueront le bonheur du ciel. Notre-Seigneur le laisse entendre à maintes reprises et le déclare nettement dans le tableau anticipé qu’il fait du jugement dernier. Matth., xxv, 41, 46. Saint Paul énumère les catégories de pécheurs qui ne posséderont pas le royaume de Dieu. I Cor., vi, 9-10 ; Gal., v, 19-21. Les textes qui se rapportent à ce sujet sont trop connus pour qu’il soit utile d’insister. Mais l’apparente contradiction entre l’universalité de l’appel divin et la défection d’un certain nombre d’hommes pose un redoutable problème à la théologie : cette volonté salviflque est-elle bien sincère et comment l’accorder avec le fait de la damnation d’un nombre peut-être considérable de pécheurs ?

La tradition patristique.

La difficulté se

trouve ici résolue d’une manière tout à fait simple. C’est l’infidélité à Dieu en effet qui entraîne les pécheurs à leur perte : ils refusent la pénitence. Mais Dieu veut sincèrement leur salut et la rédemption offerte par le Christ a eu effectivement une valeur universelle. C’est autour de ces deux pensées fondamentales : volonté salviflque, valeur universelle de la rédemption, que se cristallise l’enseignement des Pères.

1. Aux I effet IIe siècles. — Dans l’épître aux Corinthiens, saint Clément rappelle que la conversion des Ninivites montre que même les infidèles, par la pénitence, peuvent obtenir le salut, vi ; que le sang du Christ, répandu pour notre salut, offre au monde entier la grâce de la pénitence, vu ; cf.xii, 7. Malgré les difficultés de la pénitence, voir ici t. vi, col. 2283, le Pasteur d’Hermas enseigne que « Dieu est rempli de longanimité et veut que l’appel adressé par son Fils ne soit pas fait en vain. » Sim., VIII, xi, 1. Le sang du Christ fut répandu pour nos péchés, Barn., v ; le rôle du Christ fut de réparer les péchés du monde ; le Fils de Dieu fut le prix de notre rédemption, Epist. ad Diogn., ix ; Jésus-Christ est mort pour nos péchés, Polyc, i ; sur le caractère universel de la rédemption chez saint Ignace d’Antioche, voir t. vii, col. 704.

Rédemption universelle, c’est aussi l’enseignement de saint Justin, voir ici t. viii, col. 2265, surtout dans Dial., lxxxviii, 4 et c, 4-6, col. 2268-2269. Le Verbe exerce son influence salutaire, même par la seule droite raison, sur les païens eux-mêmes ; cf. / Apol., v ; xlvi ; // Apol., viii, P. G., t. vi, col. 336 B ; 397 C ; 457 AB. On trouve une allusion expresse à l’appel du Christ aux pécheurs, Marc, ii, 17, et à la volonté salviflque universelle de Dieu, I Tim., ii, 4, dans un fragment du De resurrectione, col. 1584 D-1585 C. Saint Irénée exprime pareillement l’universalité de l’appel au salut et la possibilité pour tous d’y parvenir. Voir t. vii, col. 2489-2490.

2. Au ine siècle. — A Rome, saint Hippolyte reprend la thèse de Justin de l’illumination par le Verbe de ceux qui ont vécu avant le Christ. Le Verbe ne rejette aucun de ses serviteurs, n’a horreur d’aucun homme comme indigne des mystères divins ; il désire et veut le salut de tous. De Antichristo, 2, 3, P. G., t. x, col. 728, 732. A Alexandrie, Clément d’Alexandrie enseigne que tous les hommes appartiennent au Christ « qui les a tous pareillement appelés », ô rocv-ocç (iiv eTt’ïa/jç xéxAY)xa>ç, Strom., VII, n, P. G., t. ix, col. 409 C, bien qu’il ne soit encore le Sauveur que de ceux qui ont cru en lui. Col. 412 B. Mais, comme Justin et Hippolyte, Clément admet que, de tout temps, le Verbe a agi pour le salut des hommes, Protrept., i, P. G., t. viii, col. 61 C-64 A. Origène est plus explicite encore : « Après de nombreux prophètes, … le Christ est venu corriger le monde entier. » Cont. Cels., t. IV, n. 9, P. G., t. xi, col. 1037 D. « Dieu n’a jamais opposé sa volonté à la justification des hommes ; il l’a toujours eue à cœur ». Ibid., n. 7, col. 1037 A. Le Christ a travaillé et souffert pour tous. Ibid., t. I, n. 32, col. 721 B. Sur la valeur universelle de la rédemption chez Origène, voir ici t. xi, col. 1543. Dans son commentaire sur Rom., ix, 21, Œcumenius cite un fragment de Méthode d’Olympe : « Non pas que Dieu fasse ceux-ci bons et rende mauvais ceux-là. Nullement ; toutes les œuvres de Dieu sont bonnes et, pour ce qui est de lui, c’est-à-dire selon son conseil et sa volonté, il désirerait que tous soient bons, fervents et fidèles. » P. G., t. cxviii, col. 576 C.

3. Au IVe siècle. — Désormais les témoignages abondent en faveur de la volonté salviflque universelle et souvent, chez les Pères grecs, avec une formule stéréotypée : « Autant qu’il appartient à Dieu, tous sont sauvés, tous sont appelés. »

a) Les Pères grecs. — Sans préciser leur pensée en ce qui concerne la volonté salviflque universelle de Dieu, Eusèbe de Césarée et saint Athanase affirment, l’un et l’autre, que la Providence n’a jamais abandonné personne : Dieu sauve tous ceux qui se proposent de le servir, Eusèbe, In Is., lxv, n. 11-12, P. G., t. xxiv, col. 512 B ; suffisante était, dans l’homme, la grâce de la ressemblance avec Dieu pour faire connaître le Dieu Verbe et, par lui, son Père. S. Athanase, De incarn. Verbi, 12, P. G., t. xxv, col. 116. Voir le développement de ces idées dans Capéran, Le problème du salut des infidèles, essai historique, Toulouse, 1934, p. 78-83. D’ailleurs, saint Athanase proclame ouvertement l’universalité de la rédemption du Christ. De incarn. Verbi, 20, 21, col. 132 B ; 132 C ; 133 B.

Commentant ces paroles : Quoniam ira in indignatione ejus (ps. xxix, 6), saint Basile déclare que la peine est infligée selon un juste jugement de Dieu. Mais « la vie est dans sa volonté » : Dieu, en effet, « veut que tous soient participants à sa vie ». Les maux ne viennent pas de sa volonté ; mais Dieu les inflige en raison de la culpabilité des pécheurs. In ps. xxix, 4, P. G., t. xxix, col. 313 C. Cf. Regulse brevius tract., 248, t. xxxi, col. 1248 C D.

Saint Cyrille de Jérusalem : « Dieu aime souverainement les hommes et leur a ouvert, non une ou deux, mais de nombreuses portes d’entrée dans la vie éternelle, afin que tous, autant qu’il est en lui, puissent en jouir sans que rien les en empêche. » Cat., xviii, n. 31, P. G., t. xxxiii, col. 1052 C-1053 A.

Après avoir rappelé, selon le mot de l’Apôtre, que « Dieu veut le salut de tous les hommes », saint Grégoire de Nysse dit que, si les uns se sauvent et si les autres périssent, la faute n’en est pas à la volonté divine, mais au libre choix de ceux qui reçoivent la parole (de Dieu), Adv. ApolL, n. 29, P. G., t. xlv, col. 1188.