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    1. VOLONTÉ##


VOLONTÉ. DE DIEU, DIVISIONS

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sont infinies tout comme la volonté divine elle-même et par conséquent elles dépassent infiniment le nombre et les perfections des créatures, quelles qu’elles soient. Dieu pourrait donc créer des choses autres que celles qu’il crée ou supérieures à ce qui existe : « Dieu peut faire infiniment au delà de ce que nous demandons et concevons » (Eph., iii, 20).

De toute évidence, Dieu ne peut pas faire qu’une chose soit autre ou meilleure que ne le comporte sa nature : l’homme ne peut pas être ange. Mais en dehors de l’essence qui est fixe et ne comporte ni moins ni plus, il y a les qualités des êtres, leurs rapports entre eux, par exemple : la vertu, la science, l’amitié, la justice. Et, à l’égard de ces biens, Dieu peut à coup sûr faire les choses meilleures qu’elles ne sont. Aux partisans de l’optimisme absolu, saint Thomas oppose l’argumentation suivante : l’idée d’un monde meilleur, que celui qui existe ne renferme pas de contradiction. Ce monde meilleur est donc possible et s’il est possible, il était réalisable par la toute-puissance divine. Toutefois, Dieu ayant arrêté son choix sur le monde actuellement existant, il semble contraire à sa bonté ainsi qu’à sa sagesse de supposer qu’il n’ait pas tiré le meilleur parti possible des éléments dont ce monde est composé. Telle est la thèse de l’optimisme relatif, communément admise par les théologiens. D’une manière concise et nette, saint Thomas marque la différence des deux optimismes. Il se demande si Dieu pouvait faire mieux (melius) qu’il n’a fait, et il répond : « Si mieux est pris substantivement, oui ; si mieux désigne seulement un adverbe, non. » I a, q. xxv, a. 6, ad 1um. Autrement dit, Dieu pouvait réaliser un monde meilleur ; cependant, avec les éléments dont est constitué ce monde, il ne pouvait faire mieux.

L’optimisme absolu ne mérite par lui-même aucune note théologique ; il n’est erroné que dans la mesure où il compromet la liberté divine.

IV. Divisions.

Selon notre manière d’ordonner la volonté divine relativement à ses objets, on peut introduire dans cette volonté six distinctions virtuelles : 1° Volonté nécessaire et libre ; 2° Volonté simple et ordonnée ; 3° Volonté antécédente et conséquente ; 4° Volonté absolue et conditionnée ; 5° Volonté efficace et inefficace ; 6° Volonté de bon plaisir et de signe.

Volonté nécessaire et volonté libre.

Cette distinction

se rapporte à l’objet primaire et à l’objet secondaire de la divine volonté. Dieu se veut nécessairement comme il se connaît nécessairement. Quant aux autres êtres, il les veut librement, et c’est dans le décret libre de sa volonté qu’il les connaît nécessairement. Cf. Sum. theol., I a, q. xix, a. 2 et 3 ; Cont. Cent., t. I, c. lxxx-lxxxiii ; t. III, c. xcvn ; De veritate, q. xxiii, a. 4 ; De potentia, q. i, a. 5, etc. Voir ci-dessus col. 3327, et Science de Dieu, t.. xiv, col. 16101611.

Volonté simple et volonté ordonnée.

Cette distinction

se rapporte à la volonté libre ; elle est esquissée par saint Thomas, I a, q. xix, a. 5, ad 3um et plus nettement proposée, Cont. Cent., t. I, c. lxxxvii. Dieu veut d’une volonté simple tout ce qui se rapporte immédiatement à la fin des créatures ; mais tout ce qui est moyen pour atteindre cette fin est voulu d’une volonté ordonnée à cet effet. La volonté simple n’a d’autre fondement que la liberté divine ; la volonté ordonnée implique non seulement la liberté, mais la sagesse, la sainteté, l’immutabilité. Cf. Cont. Cent., t. III, c. xcvn. Dieu voulant la fin d’une volonté simple, veut d’une volonté ordonnée que les moyens s’orientent vers la fin.

Volonté antécédente et volonté conséquente.


Cette distinction a de profondes racines dans la tra dition patristique. Elle répond à la préoccupation de sauvegarder la volonté salvifique universelle de Dieu tout en maintenant sa volonté de punir ceux qui, par leur faute, auront manqué leur salut éternel. Voir Volonté salvifique, col. 3356.

Volonté absolue et volonté conditionnée.

Deux

termes si clairs qu’ils ne nécessitent pas d’explication. La volonté absolue se réalise sans dépendance d’aucune condition : Dieu a voulu créer le monde d’une volonté absolue. La volonté conditionnée voit sa réalisation subordonnée à une condition préalable : ainsi Dieu ne peut vouloir la glorification de ses élus que s’ils sont ornés de la charité. Cette distinction ne coïncide pas avec la distinction précédente de volonté antécédente et de volonté conséquente : c’est, en effet, en considérant l’objet voulu lui-même qu’on peut distinguer volonté antécédente et volonté conséquente ; c’est en considérant la manière de vouloir cet objet qu’on distingue volonté absolue et conditionnée.

Ainsi, la volonté salvifique antécédente est une volonté conditionnée, puisque sa réalisation dépend de la fidélité des hommes à la grâce divine ; la volonté conséquente est une volonté absolue, puisque Dieu, ayant permis le péché, le punit sans qu’aucune condition puisse l’arrêter. Mais ce serait à tort qu’on voudrait ramener toute volonté absolue à la volonté conséquente. Tandis que la peine n’est infligée qu’en raison du péché — donc non en vertu d’une intention première et directe de Dieu — l’élection des prédestinés et la volonté de les glorifier est indépendante de toute condition et ne dépend que du libre choix de Dieu : il y a donc ici une volonté, ni antécédente, ni conséquente, mais absolue cependant. Cf. Billot, op. cit., thèse xxviii, au début.

La volonté absolue a une efficacité nécessaire ; mais cette efficacité n’entraîne pas la nécessité de son effet. Si la volonté divine rendait nécessaires les choses qu’elle veut c’en serait fait de la liberté humaine..

La volonté divine est d’une efficacité souveraine ; elle fait que ce qu’elle décrète non seulement s’accomplit, mais s’accomplit-de la manière que Dieu le veut. Or Dieu veut que certaines choses se produisent d’une manière nécessaire, d’autres d’une manière contingente… Aussi a-t-il adapté à certains effets des causes nécessaires…, à d’autres, des causes contingentes… Les effets voulus par Dieu ne sont donc pas contingents parce que leurs causes prochaines sont contingentes ; mais, parce que Dieu a voulu ces effets contingents, il leur a préparé des causes contingentes. I*, q. xix, a. 8.

Ainsi la liberté humaine est respectée parce que, selon saint Thomas, la volonté divine, en tant que cause suprême et souverainement efficace, non seulement fait nos actes, mais les fait libres. Cf. I", q. lxxxvii, a. 1, ad 3um ; Perihermeneias, t. I, leçon xiv ; Cont. Gent., t. I, c. lxxxv ; t. II, c. xxix, xxx ; De veritate, q. xxiii, a. 5 ; De malo, q. xvi, a. 7, ad 15um ; Quodl., XI, q. in ; XII, q. iii, ad 1um.

Volonté efficace et volonté inefficace.

Les divisions

précédentes permettent de mieux comprendre comment la volonté divine doit être dite efficace et peut être dite, sous un certain rapport, inefficace.

En soi, la volonté de Dieu est nécessairement efficace, car il est impossible qu’un décret divin ne se réalise pas. Une volonté absolue, de Dieu est donc toujours efficace.

On ne peut parler de volonté inefficace qu’en un cas ; c’est quand une volonté conditionnée de Dieu ne se réalise pas en raison de la volonté libre de la créature, laquelle, Dieu le permettant, s’oppose à la condition nécessaire à la réalisation de la volonté divine. Ainsi Dieu veut le salut de tous les hommes, à la condition que les hommes soient fidèles à la loi divine.