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VOLONTÉ. DE DIEU, L’OPTIMISME


De erroribus Guillelmi de Conchis, P. L., t. clxxx, col. 333, et Trinité, col. 1712. On retrouvera plus tard des conceptions analogues chez Scot Érigène, Amaury de Bène, David de Dinant. Trinité, col. 1725. Dieu s’identiflant avec le monde, c’est la suppression du problème du mal, à la façon soit des stoïciens, soit de Spinoza.

3. Dans les temps modernes.

Les principaux représentants de l’optimisme sont Malebranche et Leibniz. Il faut également faire une place, en un sens très différent, à Spinoza, dont les principes montrent que le panthéisme est susceptible d’enfanter le pessimisme aussi bien que l’optimisme.

a) Malebranche. — Quelques lignes ont été consacrées au sens général de l’optimisme de Malebranche, t. ix, col. 1785. Mais la doctrine de ce philosophe sur ce point doit recevoir ici des indications plus complètes.

Le point de départ de l’optimisme, chez Malebranche, est peut-être cette réflexion de Descartes à propos de l’erreur : « Il n’y a point de doute que Dieu n’ait pu me créer tel que je ne pusse me tromper ; il est certain aussi qu’il veut toujours ce qui est meilleur ; m’est-il donc plus avantageux de faillir que de ne point faillir ? » Et Descartes de répondre d’une part que notre intelligence « n’est pas capable de comprendre pourquoi Dieu fait tout ce qu’il fait », et d’autre part que « la même chose qui pourrait peut-être, avec quelque sorte de raison, sembler fort imparfaite, si elle était toute seule, se rencontre très parfaite de sa nature si elle est regardée comme partie de tout cet univers. » Méditation IV, édit. Adam et Tannery, t. ix, p. 44. Deux réponses empruntées à saint Augustin, par l’intermédiaire du P. Gibieuf ; cf. É. Gilson, La liberté chez Descartes et la théologie, Paris, 1913, p. 226 sq.

Mauvaises raisons pour Malebranche. Cꝟ. 3e lettre en réponse au 1. I des Réflexions d’Arnauld, dans Recueil de toutes les Réponses du P. Malebranche ù M. Arnauld, Paris, 1709, t. iii, p. 273. Tout en affirmant la bonté de Dieu et la perfection de son œuvre, il ne faut pas nier le désordre réel qui s’y trouve. En rétablissant les causes finales que Descartes avait semblé éliminer, cf. Principes de philosophie, III, a. 3, t. ix, p. 104, Malebranche explique ce que Descartes renvoyait, sans affirmer les connaître, aux secrets desseins de Dieu : « Voici l’ordre des choses : tout est pour les hommes ; les hommes pour Jésus-Christ et Jésus-Christ pour Dieu. » Tr. de la Xature et de la Grâce, a. 3, additions, Amsterdam, 1680, p. 298. Dieu a voulu faire son ouvrage le meilleur possible : « Plus un ouvrage est parfait, mieux il exprime les perfections de l’ouvrier et il lui fait d’autant plus honneur que les perfections qu’il exprime plaisent davantage à celui qui les possède ; ainsi Dieu veut faire son ouvrage le plus parfait. " Entretiens IX, § 10. Mais même le monde le plus parfait implique le désordre, puisque ce désordre, nous le constatons :

Que signifie ce mot parfait  ? Que l’ouvrage divin répond pleinement aux fins de son auteur. Dieu a vu di-toute éternité Ions les ouvrages possibles, et toutes les voles possibles de produire chacun d’eux, et comme il n’agit que pour sa gloire, que selon ce qu’il est, il l’est déterminé à vouloir l’ouvrage qui pouvait être produit et conservé par des voies qui, jointes à cet ouvrage, doivent l’honorer davantage que tout autre ouvrage produit par tout autre voie, entretiens, IX, S 1°. êdit. (Venoude, t. ii, 1837, p. 2lo. Énumérer les défaut ! de l’univers,

r’est ne considérer qu’un élément de l : i perfection ; il est

certain que Dieu aurait pu les effacer, mais il aurait troublé

la simplicité de sa conduite, il aurait multiplié des volonté* particulières : l’ouvrage, pour être plus corrert. aurait été moins divin. II. Gouhier, La philosophie <lr Malebranche rt ton expérience religieuse, Paris, 1920, p. 82.

Si Dieu empêchait, par des volontés particulières, les défauts et les maux de se produire, c’est alors qu’on l’en pourrait rendre responsable : Dieu ne veut pas le désordre ; il ne le fait pas ; il le permet, déclare Malebranche. Mais il faut bien comprendre cette permission.

Dieu ne permet rien selon l’idée que l’usage a attachée au mot de permettre ; il fait tout, les monstres aussi bien que les corps les mieux formés ; le mouvement du bras d’un assassin, aussi bien que celui d’une personne qui fait l’aumône, parce qu’il obéit sans cesse aux lois qu’il a établies, non pour favoriser le mal, mais pour faire faire le bien ; non pour produire des monstres et les irrégularités dont le monde est rempli, mais pour former un ouvrage aussi parfait qu’il le puisse être par rapport à la simplicité des voies qui le produisent. Réponse à une Dissertation de M. Arnauld…, c. iii, S 16, dans Recueil…, t. ii, p. 28.3. « En comparant l’ouvrage avec la simplicité des voies par lesquelles il est produit », cf. Recherche de la vérité, t. II, c. vii, § 3, édit. des Classiques Garnier, p. 174, on doit trouver que le monde, tel qu’il est, avec ses imperfections et ses défauts, est le plus conforme à la sagesse du Créateur, le plus digne de lui. Voir le développement de cette idée dans Gouhier, op. cit., p. 82-87.

Reste l’explication de la liberté divine. Arnauld objectait à Malebranche que, si Dieu choisit nécessairement l’œuvre la plus conforme à sa sagesse, il n’est plus libre. La réponse de Malebranche distingue, dans la liberté divine, deux moments. Avant la décision : pleine liberté d’indifférence (ce que nous avons appelé liberté d’exercice) : Dieu « n’est pas essentiellement créateur », mais « il veut avec une liberté parfaite et une entière indifférence créer le monde ». Entretiens, XIII, § 2, p. 170. Mais la décision de sa volonté une fois prise, il semble que Dieu choisisse nécessairement, entre tous les desseins que sa sagesse lui découvre, celui qui est le meilleur. Dieu ne pourrait choisir les manières les moins sages ou les moins dignes de ses attributs. Cꝟ. 3e lettre en réponse au 1. I des Réflexions …, l re objection, p. 240241. Aussi, l’incarnation est-elle au premier plan des desseins divins : « Quoique Dieu, comme se suffisant à lui-même, ait été libre de ne point agir au dehors et par conséquent de ne point incarner son Verbe, il ne lui a pas été indifférent, supposé le dessein de se communiquer à nous et de nous donner avec justice, pour récompense, une béatitude surnaturelle, il ne lui a pas été, dis-je, indifférent de ne pas mettre Jésus-Christ à la tête de son ouvrage. » Réflexions sur la prémotion physique, § 23, Paris, 1837 (éd. Genoude), t. ii, p. 420. Si le choix du meilleur n’est pas indifférent à Dieu, la liberté de spécification n’existe doncpas en Dieu ? Il semble bien qu’on doive tirer cette conclusion des formules peu nettes de Malebranche. car la toute-puissance de Dieu obéit nécessairement à sa sagesse. Dieu est tout-puissant, parce que rien d’extérieur à lui ne peut l’empêcher de réaliser ses desseins : « Il est tout-puissant en ce sens qu’il fait tout ce qu’il veut et que rien n’est capable de lui. résister ; mais il n’est pas tout-puissant en ce sens qu’il puisse agir par des voies qui ne soient pas les plus sages ». J’e lettre en réponse au 1. I des Réflexions, § 4, Recueil…, t. iii, p. 61. Dieu peut tout ce qu’il veut ; mais il ne veut pas tout ce qu’il peut : cette formule de M. Gouhier, p. 90 — que la théologie catholique accepte pleinement — situe bien l’équivoque dont l’entoure l’optimisme de Malebranche. Il s’agit de trouver une échappatoire dans la doctrine reçue de la puissance ordonner de Dieu. Voir plus loin, col. 3317.

On a remarqué que l’explication de Malebranche laisse sans réponse le grave problème du mal moral par rapport à la volonté divine.