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VOLONTE. DE DIEU, L’OPTIMISME


Dieu, dans les plaies d’Egypte, emploie successivement pour punir les Égyptiens tous les éléments. Vita Mos.,

I, 96 ; II, 53. C’est dans ce pouvoir bienfaisant du monde, que Philon s’assimile l’optimisme stoïcien : Le monde ou la nature joue le rôle de la puissance bienfaisante de Dieu ; c’est pourquoi toutes les parties du monde sont formellement dénommées la grâce de Dieu, c’est-à-dire la puissance bienfaisante. » Bréhier, op. cit., p. 171. En envisageant la nature comme puissance législatrice, donnant un idéal de conduite, Philon s’assimile tout le « cosmopolitisme » stoïcien : le monde est une grande cité, |j.îyaX6TtoXiç ; il use de la loi la meilleure que Dieu ait faite. Quæst. in Ex.,

II, 22 ; cf. De Josepho, 6 ; De Mon., i, 1. Voir Martin, Philon, Paris, 1907, p. 210-211, et note 7. En conclusion, c’était donc chose exigée par l’ordre que le plus grand des ouvrages reçût du plus grand des artistes la souveraine perfection. Cf. De plant. Noe, 2 ; De conf. ling., 20 ; De Abrahamo, 13.

d) Plotin résume le meilleur de ces conceptions en expliquant la doctrine de l’optimisme par l’Ame du monde. Le Premier-Né de Dieu est le Logos, Verbe, Intelligence, centre dans lequel s’unissent toute les idées des choses sensibles. L’Intelligence, à son tour, engendre l’Ame qui développe en une multitude de puissances distinctes toutes les formes qu’enveloppait l’Intelligence. Cette âme répond au Dieu des stoïciens ; elle crée l’espace et le temps et disperse les idées dans le corps du monde qu’elle anime. « Mais l’être engendré ne se sépare pas entièrement de l’être auquel il doit l’existence ; il se tourne vers la perfection plus haute dont il émane, il aspire à se confondre de nouveau en elle. C’est ainsi que le Fils se tourne vers le Père, l’Ame vers le Fils et toutes choses vers l’Ame. À la procession de Dieu répond la conversion vers Dieu. Le monde est le meilleur qui puisse être, puisque le principe de toute existence est le Bien, et que l’imparfait s’efforce de remonter à la perfection plus haute dont il émane ; puisque ainsi tout vient du Bien et s’efforce vers le Bien. » Janet et Séailles, Hist. de la phil., Paris, 1942, p. 993-994. Quelques textes des Ennéades :

L’ordre (de l’univers) est conforme à l’Intelligence, sans provenir d’un dessin réfléchi… À le prendre tel qu’il est, il est admirable de voir que, si l’on avait pu user de la réflexion la plus parfaite, cette réflexion n’aurait pu trouver mieux à faire que ce que nous connaissons. III, II, 14.

Devant le mal, peut-on dire que tout est bien ainsi, que tout est le mieux possible ? En tout cela (ce mal), ce n’est pas l’âme qui se plaît, mais son ombre, l’homme extérieur qui gémit, se plaint et remplit tous les rôles sur ce théâtre à scènes multiples qu’est la terre entière… Les larmes et les gémissements ne sont pas nécessairement l’indice de maux véritables. Les enfants pleurent et se lamentent pour des maux sans réalités. III, II, 15.

L’inégalité des êtres est conforme à la nature. La raison de l’univers suit de l’âme universelle et cette âme suit de l’Intelligence. Or l’Intelligence est non un seul être, mais tous les êtres… Il faut donc diversité ; des êtres de premier rang, de second rang et ainsi de suite selon les dignités.

Considérez à quelle distance ce produit est de son principe et pourtant c’est une merveille. III, iii, 3.

Ennéades, t. iii, Paris, 1925, p. 40-41 ; 51-52.

On le voit, le problème du mal est résolu à la façon de Platon. L’imperfection des êtres est l’origine première et unique du mal dans l’œuvre, admirable par ailleurs, du monde.

2. Au Moyen Age.

L’optimisme au Moyen Age est une doctrine propre à Abélard et sous-jacente aux prop. 7 et 8, condamnées au concile de Sens. Voir ici Abélard (Propositions condamnées d’), t. i. col. 46. Sur ce point, Abélard se déclare expressément le disciple de Platon. Introd. ad theol., t. III, § 5 ; P. L., t. clxxviii, col. 1094 A ; cf. Theol. christ.,

t. V, col. 1324 CD. Les deux propositions condamnées, tout en exprimant substantiellement la pensée de l’auteur, n’en font pas suffisamment saisir les nuances. Abélard avoue éprouver les plus grandes diflicultés à concevoir que Dieu puisse faire plus ou mieux qu’il ne fait, ou même faire autre chose que ce qu’il fait : n’est-ce pas là, en effet, faire injure à sa bonté souveraine ? Cette bonté ne peut faire que le bien. Si donc elle ne le fait pas alors qu’elle le pourrait, ou si elle s’arrête dans sa réalisation, comment ne pas accuser Dieu de jalousie ou d’iniquité ? L’opinion de Platon est donc la seule solution possible. Col. 1093 D1094 A. Voir aussi Theol. christ., loc. cit. De là la première proposition : Quod ea solummodo possit Deus facere vel dimiltere, vel eo modo lantum, vel eo tempore, quo facit et non alio. Denz.-Bannw., n. 374. Abélard n’ignore pas les objections faites à sa thèse. Mais il pense faire face à toutes les difficultés en expliquant l’impossibilité où se trouve Dieu d’agir autrement, non par rapport à un ordre de choses théoriquement différent, mais parce que Dieu ne saurait déroger à la dignité de sa nature. À l’action divine doit être toujours assignée une cause raisonnable, et donc Dieu se doit d’accomplir toujours ce qui est juste et de ne jamais faire ce qui est contre la justice. Col. 1095 CD. Cum id tantum Deus facere possit quod eum facere convenu, nec eum quidquam facere convenit quod facere prsetermittat, profecto id solum eum posse facere arbitror quo quandoque facit. Col. 1098 CD. Dans sa rétractation, Abélard demeure quelque peu vague sur ce premier point : Deum ea solummodo posse facere credo, quæ ipsum facere convenit ; quoiqu’il ajoute : et quod multa facere potest, quæ nunquam faciet. Col. 107-108. Le problème du mal est résolu par le même principe. Si Dieu devait et pouvait empêcher le mal, et qu’il ne l’empêchât pas, ne devrait-on pas l’accuser de coopérer au mal et de consentir à nos péchés ? Mais le bien doit provenir du mal. Saint Augustin l’affirme et l’Évangile déclare qu’il faut que les scandales arrivent. Matth., xviii, 7. Dieu doit donc s’en tenir à l’ordre excellent fixé par lui et dans lequel le mal trouve sa place. Par raison, non d’impuissance absolue, mais d’opportunité, de conformité à l’ordre, Dieu ne doit et ne peut empêcher ce mal. Col. 1098 AB. D’où la seconde propostiion : Quod Deus nec debeat nec possit mala impedire. Denz.-Bannw., n. 375. Sur ce point la rétractation est plus nette : Mala Deum impedire fréquenter fateor, quia non solum effectum malignantem prxvenit, ne quod volunt possinl, verum eliam voluntates eorum mutât, ut a malo quod cogitaverant penitus divertant. Col. 107-108.

On trouve la réfutation de l’optimisme abélardien dans la Disputatio adv. Abœlardum, P. L., t. clxxx, col. 318322 ; Robert Pulleyn, Sent., t. I, c. xv, t. clxxxvi, col. 709 : cf. col. 1020 ; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, I, part. II », c. xxii, t. clxxvi, col. 214 ; Summa Sententiarum, c. xiii, ibid., col. 69.

Abélard avait aussi présenté le Saint-Esprit comme l’âme du monde. Réminiscence néo-platonicienne. Cf. Introd. ad theol., t. II, § 17, col. 1080 sq. ; Theol. christ., t. I, col. 1144 sq. Plusieurs de ses disciples partent de cette affirmation pour aboutir à un véritable panthéisme : Bernard de Chartres, dans son traité De expositione Porphyrii, place avant toutes choses, Dieu, l’ineffable. Le Noùç est son intelligence en laquelle résident les idées éternelles, formes exemplaires de tout ce qui existe. Du Noûç se dégage par une sorte d’émanation l’âme du monde qui donne au monde sa forme et son unité. Le Noùç est le Verbe ; l’Ame du monde, le Saint-Esprit. Cf. Victor Cousin, Œuvre inédites d’Abélard, Paris, 1836, t. i, p. 628 sq. Guillaume de Conches tombe dans les mêmes erreurs. Voir ici, t. i, col. 51. Cf. Guillaume de Saint-Thiéry,