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    1. VOLONTÉ##


VOLONTÉ. DE DIEU, L’OPTIMISME

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Les opinions.

1. Dans l’antiquité. — a) Platon

est, par excellence, le représentant de l’optimisme. Dieu est le Bien ; il a fait le monde par bonté :

Disons la cause qui a porté la suprême ordonnance à produire et à composer cet univers : il était bon. Celui qui est bon n’a aucune espèce d’envie. Exempt d’envie, il a voulu que toutes choses fussent, autant que possible, semblables à lui-même. Timée, 29 e. Celui qui est parfait en bonté n’a pu et ne peut rien faire qui ne soit très bon. Il trouva que de toutes les choses visibles il ne pouvait tirer aucun ouvrage qui fût plus beau qu’un être intelligent et que dans aucun être il ne peut y avoir d’intelligence sans âme. En conséquence, il mit l’intelligence dans l’âme et l’âme dans le corps ; et il organisa l’univers de manière à ce qu’il fût l’ouvrage le plus beau et le plus parfait. Ibid., 30 b. Cf. Lois, 904.’La bonté de Dieu qui a présidé à l’origine du monde suit ce dernier dans son développement ; elle constitue ia providence. Lois, 902. Mais que devient le problème du mal dans cette hypothèse ? Platon le résout, comme le fera plus tard Leibniz, par le fait de la limitation nécessaire des êtres finis : « Le monde ne peut être que le meilleur possible, car il est une image ; s’il ne contenait aucun mal, il s’identifierait avec son modèle. » Timée, 25 d. « Si puissante qu’ait donc pu être dans l’organisation du monde l’action de la Pensée sur la Nécessité, la détermination ou la mesure de l’Illimité par la Limite doit cependant, ainsi que le suggère la fin du Philèle, s’accomplir avec d’autant moins d’exactitude que l’on descend davantage dans l’échelle des êtres… L’œuvre du monde qui a été faite aussi bonne que possible, mais dans laquelle l’Autre ne s’est laissé accommoder au Même que sous la contrainte, cesse de se rappeler « l’enseignement qu’elle a reçu de l’Ouvrier qui fut son père ». Pot., 273 b. Robin, Platon, Paris, 1925, p. 227-229. L’objection du mal disparaît ainsi. Ce n’est pas telle ou telle partie du monde qu’il faut considérer et dans laquelle telle ou telle défectuosité apparaît ; c’est l’ensemble : « Toi-même, chétif mortel … tu ne vois pas que toute génération se fait en vue du tout…, que l’univers n’existe pas pour toi, mais que tu existes pour l’univers. Tout médecin, tout artiste dirige ses opérations vers un tout et tend à la plus grande perfection du tout. Il fait la partie à cause du tout, et non le tout à cause de la partie ; si tu murmures, c’est faute de savoir comment ton bien propre se rapporte à la fois et à toi-même et au tout, suivant les lois de l’existence universelle. » Lois, 903. Solution bien proche de la solution chrétienne. On a parlé du « pessimisme » de Platon, Piat, Platon, Paris, 1906, p. 290. Ce pessimisme n’est autre que le sentiment de « l’incurable insignifiance de notre condition terrestre ». Ce sentiment ne contredit pas la doctrine de l’optimisme général ; il nous incite seulement à organiser au mieux notre condition et à préparer la délivrance finale.

b) L’optimisme stoïcien part d’un principe différent. Le Dieu des stoïciens n’est pas un Dieu distinct du monde ; c’est la nature qui est Dieu, esprit répandu partout dans le monde et qui, pour ainsi dire, en parcourt toutes les parties. Cf. Sénèque, De beneftciis, IV, vu ; Quæst. natur., II, xlv. Même indication chez les apologistes chrétiens : Lactance, Diu. inst., I. VII, c. iii, P. L., t. vi, col. 74 1 sq. ; Origène, Cont. Celsum, I. VI, 71, P. G., t. si, col. 1405 BC. La doctrine stoïcienne apparaît comme une sorte de panthéisme, plus exactement un cosmothéisme ou un « cosmopolitisme », patrie commune et des dieux et’les hommes, comme’lit Clcéron, ! >< Irr/ibus, I, 7, en somme une divinisation du monde. Ce qui n’empéche pas les stoïciens de développer les preuves de l’existence de Dieu (consentement universel et causes finales) et d’affirmer la providence, le monde ayant

l’If. T. DF. IIIÏ.OI. CATHOL.

été fait pour l’homme. Cf. Cicéron, De natura deorum, II, 49 ; 62 sq.

C’est parce que le monde est une manifestation de la divinité que le bien doit en être la règle, le mal l’accident. Il y a nécessaire harmonie entre la nature et le vrai ou le bien. La conception du Destin chez les stoïciens est bien supérieure à celle d’Heraclite. Le Destin des stoïciens est un principe fixe d’optimisme, installé au sein de choses, une raison de confiance dans l’univers. Cf. É. Bréhier, Chrysippe, Paris, 1910, p. 178-179. L’optimisme stoïcien repose donc, « non sur la conscience directe et immédiate de l’origine divine du monde et de nous-mêmes, mais dans l’assurance que, cette origine divine étant donnée, tous les événements extérieurs seront le plus conformes qu’ils puissent être aux intérêts de l’homme. » Id., ibid., p. 205-206. Cf. Alexandre d’Aphrodise, De fato, dans H. von Arnim, Fragmenta veterum stoicorum, t. ii, Leipzig, 1903, n. 324.

En face du mal, dont il est impossible de nier l’existence, Chrysippe aurait tenté de justifier la providence dans un écrit intitulé : Qu’il n’y a rien à reprendre et à blâmer dans l’univers, ITept toù [i.7]Sèv

EyxXTJTOV sIvOU (i.T)8e (i.S|i.TCTOV EV TÔ> x6(7 ! i.Cp. Cf. Plu tarque, De repug. stoic, 37 (von Arnim, t. ii, n. 359). Le mal, dans la nature, n’est qu’un accident et ne survient que par accession, xarà 7rapaxoXoù67]a !.v ; cf. Aulu-Gelle, Noctes Atticæ, VII, 1 (voir Arnim, t. ii, n. 1170) ; Marc-Aurèle, Pensées, VI, 36, affirme dans le même sens que les maux sont des èrciys^vriiiaia |i, STà twv CTE[i.vo>v xoù. xàXcov, des excroissances du beau et du bien : « Ce n’est pas, disent les stoïciens, l’intention de la nature de rendre les hommes sujets aux maladies ; mais créant un grand nombre de choses belles et utiles, il s’est trouvé qu’un certain nombre d’incommodités étaient liées à celles-là, alla simul agnata incommoda. » Aulu-Gelle, loc. cit. La théologie catholique a retenu la part de vérité contenue dans cette conception : d’une volonté antécédente, Dieu ne veut que le bien ; d’une volonté conséquente, il veut indirectement ou il permet le mal. Voir ci-dessus, col. 3329 et plus loin, col. 3366. Mais, pour les stoïciens, le Bien, sous la conduite du Destin, doit finalement triompher. Après la conflagration du monde, un retour éternel doit le renouveler et faire que tout devienne esprit : divinisation, transfiguration, optimisme symbolisent ici la rigueur et la constance dans la volonté divine qui mène le monde. C’est là le dernier mot de la théorie optimiste des stoïciens, une assurance contre le changement et l’instabilité. Cf. Bréhier, op. cit., p. 157-158 ; 205-214. Sur l’optimisme des stoïciens, voir Zeller, Die Philosophie der Griechen, t. iii, p. 135 et surtout 170-174.

c) Philon, tout en admettant dans l’ensemble la philosophie stoïcienne, cf. Bréhier, Les idées philosophiques et religieuses de Philon d’Alexandrie, Paris, 1908, p. 84-85 (le Logos), p. 158-159 (le Cosmos), semble avoir transposé l’optimisme stoïcien de l’ordre naturel sur le plan moral. Pour Philon, le monde est distinct de Dieu et du Logos, cf. Bréhier, op. cit., p. 70 sq. ; 84 sq. Considéré comme être moral, le monde pratique le culte et la philosophie : « Il est convenable que celui qui est consacré au père du monde s’introduise avec son fils au culte du générateur. » De Mon., i, 1. Comme le Logos, le monde est fils de Dieu, fils cadet sans doute et moins parfait. Philosophe, le Cosmos doit jouir d’une joie éternelle, au sommet de la hiérarchie des êtres parfaits. Quæst, in Qen., i, 57. Comme le Logos, le monde, par lui-même et par ses parties, est vengeur des méchants : parties terrestres et célestes du monde s’unissent pour faire la guerre à l’injuste, sans lui laisser aucun espoir de salut. Ibid., i, 71. Philon en apporte une preuve :

T.

XV. — 105.