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VOLONTÉ DE DIEU, OBJET


cipalement pour lui-même, mais cependant secondairement il les aime pour eux-mêmes ; en ce sens qu’il veut, en les appelant à manifester sa propre gloire et sa bonté, procurer le bonheur de ses créatures raisonnables. Voir Gloire de Dieu, t. vi, col. 1887 et Création, col. 2168-2169 et 2171. « On ne peut aimer d’amitié que les créatures raisonnables, parce qu’elles sont seules capables d’aimer en retour… En ce qui concerne Dieu, les créatures sans raison ne peuvent s’élever ni jusqu’à l’aimer, ni jusqu’à partager sa vie d’intelligence et de bonheur. Aussi Dieu ne peut aimer ces créatures d’un amour d’amitié ; mais il les aime d’un amour pour ainsi dire de désir, en les ordonnant soit au bien des créatures raisonnables, soit à son propre bien, non certes qu’il en ait besoin, mais à cause de sa bonté et de notre utilité : on peut désirer quelque chose pour soi et pour d’autres. » S. Thomas, I », q. xx, a. 2, ad 3um.

Il suffira d’apporter ici quelques compléments relatifs à l’amour que Dieu porte, de la façon qui vient d’être dite, à ses créatures.

1. Existence de cet amour.

On pourrait accumuler les textes de l’Écriture en ce qui concerne l’amour de Dieu pour les justes : Jer., xxxi, 3 ; ps. x, 7 ; cxlv, 8 ; Joa., iii, 16 ; xiv, 21, 23 ; Rom., v, 5, 8 ; I Joa., iv, 9, 10, 16, 19. Les témoignages des Pères seraient tellement nombreux qu’il est inutile d’insister. Cf. Petau, De Deo, t. VI, c. n ; Thomassin, De Deo, t. III, c. xxii sq. L’argument rationnel dont use saint Thomas doit être mis en relief. On ne saurait, dit-il, concevoir une volonté, « appétit intellectuel », sans le désir de réaliser le bien qu’elle veut. « Nul ne désire quelque chose, sinon un bien qu’il aime. La haine ne s’adresse qu’à ce qui se montre contraire à ce qu’on aime et il est tout aussi évident que la tristesse et les autres mouvements du même genre se réfèrent à l’amour comme à leur premier principe. Il faut donc en conclure qu’en tout être où il y a volonté ou appétit, il doit y avoir de l’amour ; car, le principe supprimé, tout le reste disparaîtrait. Or, on a montré qu’il y a en Dieu de la volonté ; il faut donc affirmer de l’amour en lui. » Mais cet amour doit être conçu tel qu’il convient à Dieu : amour sans passion et sans émotion, et qui n’implique en Dieu aucun désir d’un

.bien qu’il ne posséderait pas encore. I a, q. xx, a. 1 et ad 1 " m.

2. Toutes les créatures, sans exception, sont objet de cet amour. — » Vous aimez toutes les créatures et vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait ; si vous aviez haï une chose, vous ne l’auriez pas faite, et quel être pourrait subsister si vous ne le vouliez, pourrait être conservé si vous ne l’aviez appelé à l’existence’? » S ; i j »., xi, 24-25. L’être de chaque chose est un bien ; or, la volonté de Dieu est cause de toute chose ; c’est donc équivalemment affirmer que « toute chose n’a d’être et de perfection que dans la mesure où elle est voulue de Dieu. À tout être existant Dieu veut donc un bien réel et, puisque vouloir un bien c’est aimer. Dieu, de toute évidence, aime tout ce qui existe. À cet argument général saint Thomas ajoute une remarque importante : « L’amour de Dieu pour les créatures ne peut être assimilé à l’amour que nous portons a un être aimé. Notre amour présuppose en son objet la bonté, vraie ou Supposée, qui nous attire ; mais l’amour que Dieu porte aux créatures est la

cause qui infuse et crée la bonté dans les êtres ». Et, puisque l’acte de volonté divine est éternel, c’est de toute éternité que Dieu aime tous les êtres créés qu’il a connus de toute éternité dans son essence. » Sum. theol., I*, q. xx, a. 2 et ad 2um. .’!. Toute » les <iraiuns m-sont pat airnéet également. Éliminons tout d’abord la conception anthropo morphique de différents degrés d’amour dans la

volonté divine elle-même. L’acte divin est unique et ne saurait comporter de degrés. Ce n’est là d’ailleurs qu’une application entre cent des rapports de Dieu aux créatures : dans l’actualité infiniment simple du vouloir divin se trouve, du côté des effets eux-mêmes, une multiplicité marquant la virtualité multiple du pouvoir et de l’amour que nous pouvons concevoir en Dieu. Ainsi, en envisageant le problème du côté de Dieu, « dans l’acte même de sa volonté…, Dieu n’aime pas un être plus que les autres, car ils les aime tous d’un vouloir simple et toujours égal à lui-même. Les degrés d’intensité de l’amour divin ne peuvent se mesurer qu’en considérant les biens plus ou moins grands que Dieu veut accorder à ses créatures et, sous cet aspect, il apparaît bien que Dieu a aimé et aime certaines créatures plus que les autres ». Ibid., a. 3. Le Sed contra (citation large), emprunté à saint Augustin, In Joannem, tract. CX, n. 5, P. L., t. xxxv, col. 1923, résume bien la doctrine catholique : « Dieu aime tout ce qu’il a fait ; mais, il aime les créatures raisonnables plus que les autres et, parmi les créatures raisonnables, il préfère celles qui sont membres de son Fils unique et, par-dessus toutes, il aime son Fils unique. »

Dieu aime-t-il toujours davantage les meilleures ? C’est l’objet de l’art. 4. Matière en apparence complexe, en raison de multiples affirmations scripturaires, où il semble que la réponse affirmative soit discutable. Saint Thomas, en effet, n’apporte pas moins de cinq objections fondées toutes, sauf la dernière, sur l’Écriture. La réponse affirmative doit cependant être maintenue. C’est dans l’ad 4um et I’ad 5um qu’il faut chercher le principe de solution. De même qu’on distingue volonté antécédente et volonté conséquente, voir plus loin, on doit distinguer amour antécédent et amour conséquent. D’un amour antécédent Dieu aime toujours absolument la créature la meilleure ; mais, d’un amour conséquent, il peut aimer davantage une créature actuellement moins parfaite, mais qu’ultérieurement il rendra plus parfaite. Cf. Janssens, De Deo uno, t. ii, p. 302. C’est ainsi que saint Thomas interprète Luc, xv, 7 (Il y aura plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence) : < Toutes choses égales d’ailleurs, l’innocence est meilleure et Dieu l’aime davantage… ; mais, si Dieu se réjouit de la conversion du pécheur pénitent plus que de la persévérance du juste, c’est parce que le plus souvent les pécheurs se relèvent avec plus de crainte du mal, plus d’humilité et plus de ferveur. » Ad 4° m. Pareillement le pécheur prédestiné que Dieu sait devoir se convertir est actuellement, dans son péché, moins aimable et moins aimé que le juste qui faillira et finalement se damnera ; mais prévoyant son repentir et son salut, d’un amour conséquent à cette prévision, Dieu l’aime davantage. Ad 5um.

Dieu a voulu les êtres librement.

Le dogme de la

liberté divine, dans l’acte créateur qui appelle à l’existence les êtres distincts de Dieu, a été suffisamment établie à Création, col. 2140 sq. Les thèses opposées d’Abélard, Wiclif, Luther, Bucer, Calvin, et de certains auteurs modernes ont été rappelées, col. 2142 2143. On Indiquera ici pour mémoire les documents

du magistère réprouvant ces thèses : concile de Sens, contre Abélard. prop. 7, Denz.-Hannw.. n. 37 1 ; Jean XXII. proscrivant les erreurs d’Fekart. prop. 1, ibid., n..")lll ; concile de Constance condamnant Wiclif. prop. 27. ibid., n. 607 : concile de Florence, au décret pro Jacobitis, ibid.. n. 7()(i ; Pie IX Indiquant parmi les erreurs gunthériennes les oppositions au dogme de la liberté divine. Ibid., n. 1655 ; enfin définition du

concile du Vatican, ii>ni.. n. I7.x3. 1805, on a noté le