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VOLONTE. DE DIEU, OBJET


La volonté de Dieu porte même sur les futurs libres. Cette vérité incontestable, admise par tous les théologiens catholiques, reçoit cependant des explications différentes selon les différentes écoles. Ces solutions ont été exposées soit à Liberté, t. ix, col. 672-674, soit à Science de dieu, t. xiv, col. 16121618, soit à Providence, t. xiii, col. 1014-1015 ; cf. Prémotion, ibid., col. 67-69. Les futurs sur lesquels porte la volonté divine sont même en nombre infini. Voir Science, col. 1605. Cf. S. Thomas, I a, q. xiv, a. 12.

4. La volonté de Dieu et le mal.

Le problème du mal pose plus d’une question touchant le rôle qu’y peut avoir la volonté divine. Les principes de solution ont été rappelés à Mal, t. ix, col. 1697-1699 ; et les solutions apportées à Providence, t. xiii, col. 1017-1019. On n’ajoutera donc ici que quelques précisions. Voir également plus loin la solution du problème du mal dans la doctrine de l’optimisme.

Tout d’abord, on suppose exclue l’hypothèse absurde du dualisme, admettant un principe souverain du mal. Voir l’exposé de cette erreur à Mal, col. 1680-1689 et les principes de sa réfutation, ibid., col. 1699. Cf. Manichéisme, ibid., col. 1872. Ensuite, il faut admettre que la plupart des maux d’ordre physique et moral sont la suite du péché originel, lequel a introduit dans la nature humaine un déséquilibre qu’avait voulu corriger le Créateur. Le péché est ainsi devenu la cause prochaine de bien des maux, que Dieu n’aurait pas voulu, même d’une volonté indirecte ou permissive, si l’homme lui avait été fidèle. Voir plus loin, Volonté antécédente et volonté conséquente. Enfin, à la base de toute discussion, il faut placer la distinction entre le mal physique et le mal moral, le « mal métaphysique », imaginé par Leibniz, D’étant pas autre chose que la limitation exigée par la nature même des êtres finis. Le mal physique est constitué par un désordre dans la nature physique des êtres : par exemple, dans la nature extérieure, les tremblements de terre, les inondations, les naufrages, etc. ; dans la nature sensible de l’homme, la souffrance physique et morale, la maladie, la mort elle-même. Le mal moral est le défaut de moralité, privant l’homme de la possibilité d’atteindre sa fin dernière, parce qu’il introduit en sa volonté un désordre qui l’en détourne : d’un mot, c’est le péché.

a) La volonté divine ne saurait porter sur le mal lui-même qui n’est pas une réalité, mais simplement la privation d’un bien dû à la nature d’un être et exigé par cette nature. Ce mal ne peut donc exister par lui-même, mais suppose un bien qui en est le lujet. Dieu ne peut donc vouloir directement aucun mal puisque sa volonté ne peut porter que sur un bien participant de sa fécondité inépuisable.

b) S’il s’agit du mal physique, on doit dire que Dieu le veut, mais d’une manière simplement indirecte, en raison d’un bien à sauvegarder. Le mal physique étant la privation d’une perfection duc à la nature physique d’un cire, cette privation a pour raison d’être la perfection qu’il s’agit précisément de sauvegarder. Les maux physiques que l’homme doit rapporter, soit dans la nature extérieure, soif dans sa propre sensibilité, proviennent toujours du jeu normal des lois physiques ou physiologiques, Pour supprimer les maux, il faudrait, en définitive, supprimer les lois elles mêmes, ces lois qui sont la condit ion même de l’existence du monde et de tout le bien qui s’y trouve. Dieu veul la conservation de ce bien et, la

voulant, il cul aussi, mais d’une manière simple ment Indirecte, les privations partielles et individuelles qui résultent du choc de certain ! effets parti Miliers correspondant, chacun pris a paît, au jeu intimai des lois. Pour éviter CCS effet*, il faudrait que

Dieu intervienne incessamment, à coup de miracles : ce qui est contraire à la sagesse même de Dieu et au bon gouvernement du monde. Voir plus loin, Puissance absolue et puissance ordonnée. La pensée de saint Augustin sur ce point est très nette, voir Mal, col. 1692 sq. Sur la nature du mal d’après saint Thomas, voir ibid., col. 1696 sq.

Mais, de plus, des considérations d’ordre moral viennent encore justifier les décrets de la volonté divine : « La douleur, qui contrarie l’inclination de la nature sensible, ne laisse pas de coopérer efficacement au maintien ou au rétablissement de l’ordre universel, parce qu’elle apporte un appui au commandement divin (en rappelant l’homme au sentiment de sa condition réelle et de l’hommage qu’il doit à son Créateur) et un exercice de la vertu. » A. d’Alès, art. Providence, dans le Dicl. apol., t. iv, col. 436, où l’on trouvera le développement de cette double idée. Ajoutons que le mal physique peut tenir’une grande place dans l’ordre de la providence surnaturelle. Par les souffrances chrétiennement supportées et par la mort acceptée avec foi et résignation, le croyant sait qu’il est configuré aux souffrances mêmes et à la mort de son Rédempteur, que par là il acquiert des mérites immenses et se prépare dans l’autre vie un bien infiniment supérieur à ceux dont il est privé ici-bas et qu’enfin ses souffrances et sa mort s’ajoutent pour ainsi dire aux satisfactions offertes par le Christ pour obtenir ici-bas la conversion des pécheurs et l’extension du règne de Dieu.

Il convient de mettre en relief un point souvent laissé dans l’ombre. Dans l’ordre providentiel, choisi et réalisé par la volonté divine, on ne doit pas établir un lien de finalité entre le mal physique et le bien. Ce que Dieu veut, c’est l’ordre providentiel dans l’ensemble de bien qu’il représente : le mal n’est voulu qu’accidentellement, parce qu’il se trouve englobé dans la série des biens voulus directement. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xix, a. 9, ad l um ; / ; i /" m Sent., dist. XLVI, q. î, a. 2 et 3 ; dans ce dernier article, saint Thomas note que le mal physique ne concourt pas en soi à la perfection de l’univers, mais qu’il peut accidentellement apporter un élément à cctle perfection. On ne saurait donc dire que Dieu veut ce mal pour le bien qui en résulte. C’est ce bien que Dieu veut et, par là, d’une manière simplement indirecte, il veut le mal qui en est, pour ainsi dire, la condition préalable.

c) S’il s’agit du mal moral, on doit dire que Dieu ne le veut en aucune façon, ni directement, ni indirectement. Il le permet simplement. Dieu pourrait vouloir indirectement le mal moral si ce mal était joint nécessairement à un bien plus grand que le bien dont nous prive le péché. Or, ce bien plus gr ; tnd est inconcevable, car le péché est un mal tel qu’il détruit, pour la créature qui s’en rend coupable, le souverain Bien lui-même. Dieu ne veut donc le mal moral que d’une volonté permissive. Cf. conc de Trente, sess. vi, can. 6, Denz.-Bannw., n. 816. I.a volonté permissive n’est pas a concevoir de la part de Dieu comme une attitude en quelque sorte négative ; c’est une volonté positive de permettre le mal moral ; c’est positivement vouloir ne pas empêcher le péché d’être commis par la volonté rebelle mais libre de la créa t lire. À moins de vouloir instaurer un ordre de choses en dehors des voies normales, la nature défectiblc faiblissant en fait chez plusieurs, il faut conclure que Dieu, tout en pouvant empêcher le mal moral, n’est pas tenu de l’empêcher et. en fait, le tolère. La liberté, avec son défaut naturel de faillibilifé chez l’homme encore voyageur, serait en fait violentée et anormale ment gouvernée si Dieu ne tolérait pas en certaines

créatures le péché.