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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. DÉBUT DU XII* SIÈCLE

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a) Fulbert de Chartres († 1028).

C’est dans ses sermons qu’on trouve sa doctrine trinitaire. La Trinité est comparée au soleil, dans lequel il y a trois éléments : la sphère, la lumière, la chaleur. Serm., i, P. L., t. cxli, col. 317 B. Ailleurs, Fulbert cherche dans l’Ancien Testament des preuves du mystère. Serm., vii, col. 331 C-334 C. La lettre à Adéodat est d’une théologie scripturaire plus sérieuse : l’évangile de saint Jean y est mis à contribution. Epist., v, col. 196-204. Signalons aussi une hvmne à la Trinité, col. 342 D-343 A.

b) Odilon de Cluny († 1048). —

Dans un sermon sur la Nativité on trouve les grandes lignes d’une doctrine trinitaire assez complète. P. L., t. cxlii, col. 993 B.

c) Guitmond d’Aversa († 1079). —

Cet auteur fait une sorte d’exposé de la foi chrétienne. L’âme de l’homme fournit une image des trois personnes en une seule substance : faite à l’image de Dieu, elle est substance spirituelle et, d’elle-même, c’est-à-dire de cette substance, elle possède trois réalités distinctes : l’intelligence, la mémoire, la volonté. Confessio de SS. Trinitate, Christi humanilate…, P. L., t. cxlix, col. 1497 D-1498 A.

d) Pierre Damien († 1072). —

Trois opuscules touchent au dogme trinitaire.

— L’opuscule I, De fide catholica, en dix chapitres, rappelle ce que la tradition nous oblige à croire touchant la Trinité et l’incarnation. L’Écriture est fréquemment invoquée et l’on sent l’influence du tome de Léon à Flavien. P. L., t. cxlv, col. 19-39. La procession du Saint-Esprit est exposée dans le dernier chapitre, col. 37. et dans le second des « scholia » qui terminent l’opuscule, col. 40. — La procession du Saint-Esprit, exposée spécialement en fonction de l’erreur des Grecs, fait l’objet exclusif de l’opuscule xxxviii, col. 633-642.

— Contre les Juifs, Pierre défend l’existence de la Trinité en s’appuyant uniquement sur des textes de l’Ancien Testament, Opusc. ii, præamb., col. 42-44 ; ce qui, à plusieurs reprises, l’amène à préciser la place tenue par le Fils de Dieu dans la Trinité.

— De ses Carmina sacra et preces, Pierre Damien consacre le premier à une prière à Dieu le Père, le second à une prière à Dieu le Fils, le troisième à une prière à Dieu le Saint-Esprit et il ajoute sept petites prières à la Sainte-Trinité. Ibid., col. 917-925.

2. Le début du XXIe siècle : tendance traditionnelle. —

Le xire siècle marque le réveil de la pensée religieuse. Mais la raison entend prendre part — une part quelquefois aventureuse — dans l’exposé du dogme. Toutefois, dès l’aube de cette période, un grand docteur contribue à fixer la théologie trinitaire dans les voies traditionnelles, en lui faisant en même temps l’apport d’un exposé dialectique solide et de bon aloi. C’est saint Anselme de Cantorbéry.

a) Anselme de Cantorbéry († 1109). —

Sur la méthode de saint Anselme dans la recherche de la connaissance des mystères, voir ici t. i, col. 1346 ; cf. col. 1343. Le début du De fide Trinitatis et de incarnatione Verbi, dirigé contre Roscelin, montre la vraie pensée de l’archevêque : il est absurde de subordonner la foi à la raison ; c’est plutôt l’attitude inverse qui l’impose. Les vrais théologiens doivent humblement s’appuyer sur les données de l’Écriture. C. i, ii, P. L., t. clviii, col. 259-265. Suit la réfutation des assertions rosccliniennes, avec la solution des difficultés. Anselme précise surtout les notions de nature et de personne en distinguant en Dieu ce qui est absolu et ce qui est relatif. Ce qui lui permet de montrer la non-répugnance du mystère à la raison : l’unité dépend de la substance, la multiplicité de la relation et, en Dieu, nec substanliri potest amittere singularitatem, nrr relatio pluralilatem. C. ix, col. 284 A. La théorie de ! relations reprend ainsi, dans la pensée et sous la plume d’Anselme, la place essentielle que lui assigne la tradition dans l’exposé du mystère. C’est Anselme qui trouve le premier la formule dogmatique que consacrera le concile de Florence, proclamant l’unité existant en Dieu, ubi non obviât aliqua relationis oppositio. De processione Spiritus sancti, c. ii, col. 288 C. Cf. B. Adlhoch, Roscelin und S. Anselmus, dans Philosophisches Jahrbuch, t. xx, 1907, p. 443 sq.

Ainsi la théologie trinitaire d’Anselme fait une grande place à la dialectique. Est-ce à dire que, par elle-même, la raison puisse s’élever à la connaissance du mystère ? On accuse Anselme d’avoir eu cette prétention. Dans le De fide Trinitatis, c. iv, col. 272 D, il renvoie au Monologium et au Proslogium, « écrits, dit-il, surtout dans le but de prouver, par des raisons nécessaires (necessariis rationibus) et sans l’autorité de l’Écriture, ce que nous croyons par la foi touchant la nature divine et les personnes, en dehors de l’incarnation ». Il ne faut pas exagérer la portée de cette assertion, bien adoucie à la fin de l’opuscule, col. 284 BC. Anselme semble vouloir simplement « retrouver par la raison les mystères déjà établis. Anselme (Saint), t. i, col. 1346. Cf. Proslogium, c. xxiii, et Monologium, surtout c. lxv-lxvi. La vraie pensée de l’auteur serait d’expliquer le mystère en coordonnant, avec une logique aussi rigoureuse que le comporte la matière, les éléments essentiels, sans prétendre en épuiser la vérité, de telle sorte que cette vérité demeure encore ineffable et incompréhensible. P. L., t. clviii, col. 211-213. Cf. Th. de Régnon, Études…, étude viii, c. ii, t. ii, p. 23 sq. ; et Janssens, De Deo trino, Fribourg-en-B., 1900, p. 413.

A l’instar d’Augustin, Anselme étudie dans l’âme l’image de la Trinité, c. lxvii, col. 213 BC, et par cette étude des opérations intellectuelles, il lui semble qu’il pénètre jusque dans le sanctuaire de la divinité, non pour comprendre, bien entendu, mais du moins pour affirmer par argument probant ». De Régnon, op. cit., t. i, p. 304. Dieu se contemple lui-même dans son acte d’intellection ; de là, naissance du Verbe mental qui explique les relations constituant le Père et le Fils. Mais comment n’y a-t-il qu’un seul Verbe et comment ce Verbe ne procède-t-il que du Père ? Anselme, qui ne distingue pas « intellection » et « diction », déclare ce fait inexplicable. Monol., c. lxiii-lxiv, col. 208 B-210 D. Quant au Saint-Esprit, il est l’amour commun du Père et du Fils, ne faisant qu’une essence avec eux. Ibid., c. lvii sq., col. 204 B. Cette procession par l’amour fait que le Saint-Esprit se distingue du Fils. Voir Janssens, op. cit., p. 593 sq., comparant sur ce point Anselme et saint Thomas ; cf. p. 621.

La question du Filioque amène saint Anselme, durant son séjour en Italie, à composer le traité De processione Spiritus sancti, P. L., t. clviii, col. 285326. La dialectique y a la part principale ; les formules concernant la pluralité des personnes en raison de « l’opposition des relations » s’y rencontrent assez nombreuses, ainsi col. 287 B, 288 C, 289 A, 290 A, 322 BC, 323 C. La procession ab utroque n’est qu’une application du principe de l’opposition des relations ; mais Anselme indique également, de cette procession, une raison psychologique : « Si Dieu s’aime, sans aucun doute, le Père s’aime et chacun aime l’autre. » Monol., c. li, col. 201 AB. Il est donc impossible de concevoir une procession selon l’amour, dans laquelle le Fils n’aurait pas sa part active comme le Père.

Aux Grecs qui reprochent aux Latins d’admettre ainsi pour le Saint-Esprit deux principes, Anselme répond en paraphrasent l’ensi ignement de saint Augustin. De Trtnitate, I. » ’, c. xiv, P. L., t. xlii, col. 920921 : Nous ne croyons pas que ! >’Saint-Lsprit procède de ce qui rend deux » le Père et le Fils, mais