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TRINITÉ. L’ANCIEN TESTAMENT

arrivant par degrés et l’ordre de la théologie, ordre qu’il nous faut également tenir, ni ne produisant tout en bloc, ni ne cachant rien en fin de compte, cela serait malhabile, ceci impie ; cela serait capable de repousser les étrangers, ceci nous aliénerait les fidèles. Et je vais ajouter ce qui, peut-être, est déjà venu à la pensée de quelque autre, mais qui, chez moi, est le fruit de ma propre réflexion. Le Sauveur avait par devers lui des enseignements que, selon sa parole et bien qu’ils fussent déjà fort instruits, ses disciples ne pouvaient porter encore — pour les raisons peut-être que j’ai dites — et qu’à cause de cela il leur cachait ; et il disait également que nous apprendrions tout à la venue de l’Esprit. Une de ces choses cachées était, je pense, la divinité de l’Esprit, qui devait être ultérieurement déclarée, quand cette connaissance serait opportune et accessible, après le triomphe du Sauveur. »

A ces textes patristiques et à ceux que l’on pourrait encore citer, fait écho la voix de saint Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa —IIæ q. clxxiv, ad. 6 : Si de prophetia loquamur, in quantum ordinatur ad fidem Deiiatis, sic quidem crevit secundum très temporum distincliones, scilicet ante legem, sub lege et sub gratta. Nam, anle legem, Abraham et alii Patres prophelice sunt instructi de his quæ pertinent ad fidem Deitatis… Sub lege autem facla est revelatio prophetica, de his qux pertinent ad fidem Deitatis excellentius quam ante… præcedentes Patres fuerant instructi in fide de omnipotentia unius Dei ; sed Moyses postea plenius fuit instructus de simplicitate divinse essentiœ… Postmodum vero, tempore gratiæ, ab ipso Filio Dei revelatum est mysterium Trinitatis.

Nous n’avons pas à commenter les textes qui viennent d’être signalés ; mais il était utile de les rappeler par manière d’introduction, afin de préciser le sens de nos recherches. Au cours de notre étude, nous aurons successivement à envisager :
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. I. La préparation de l’Ancien Testament|I]]. La préparation de l’Ancien Testament.
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. II. La révélation chrétienne|II]]. La révélation chrétienne (col. 1571).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. III. Le témoignage des deux premiers siècles|III]]. Le témoignage des deux premiers siècles (col. 1605).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. IV. Les hérésies du IIIe siècle|IV]]. Les hérésies du IIIe siècle (col. 1625).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. V. Les Alexandrins|V]]. Les Alexandrins (col. 1637).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. VI. La crise arienne et les grands docteurs de la Trinité|VI]]. La crise arienne et les grands docteurs de la Trinité (col. 1652).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. VII. La systématisation augustinienne|VII]]. La systématisation augustinienne (col. 1681).
[(Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, ÉCRITURE ET TRADITION. VIII. La fin de l’âge patristique|VIII]]. La fin de l’âge patristique (col. 1692).


I. La préparation de l’Ancien Testament.

i. l’unité de dieu.

On ne saurait avoir le moindre doute sur le sens général de la révélation faite au peuple d’Israël : tout l’Ancien Testament insiste sur le monothéisme comme sur le premier article de la religion. Lorsque Moïse reçoit de Jahvé les commandements sur le mont Sinaï, c’est par là que débute la Loi : « Je suis Jahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de la servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras pas d’images taillées, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas ; car moi, Jahvé ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent et qui fais miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. » Ex., xx, 2-6. Dans le Deutéronome, la solennité de l’affirmation est encore plus grande : « Écoute, Israël, Jahvé notre Dieu, est un Dieu unique. » Deut., vi, 4.

Il fallut d’ailleurs de longs siècles au peuple d’Israël pour comprendre toutes les exigences du monothéisme et pour s’y plier. L’histoire du peuple choisi n’est pour ainsi dire pas autre chose que celle de ses infidélités à Jahvé et de ses relèvements ; et ce n’est pas seulement à la période des Juges, mais aussi à celle des rois que s’applique le saisissant raccourci, dans lequel un auteur inspiré résume ses impressions :

« Lorsque Jahvé leur suscitait des juges, Jahvé était

avec le juge et il les délivrait de la main de leurs ennemis pendant toute la vie du juge, car Jahvé avait pitié de leurs gémissements contre ceux qui les opprimaient et les tourmentaient. Mais, à la mort du juge, ils se corrompaient de nouveau plus que leurs pères, en allant après d’autres dieux pour les servir et se prosterner devant eux, et ils persévéraient dans la même conduite et le même endurcissement. » Jud., ii, 18-19.

Cette histoire est bien connue ; nous n’avons pas à la refaire ici. Mais on comprend sans peine que l’enseignement des prophètes ait dû, sans relâche, mettre en relief l’unité de Jahvé et ses attributs de sainteté. de justice, de bonté, de miséricorde, afin de détourner le peuple d’Israël du polythéisme qui le sollicitait de toutes parts. De longs siècles furent nécessaires pour achever cette tâche. Les noms d’Élie et d’Elisée, puis ceux d’Amos, d’Osée, d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel, de Malachie, d’autres encore jalonnent les étapes de la divine pédagogie, grâce à laquelle la nation choisie acquit enfin le sens de sa mission et put apparaître comme le signe de Dieu parmi les Gentils. Lorsque, au lendemain de la captivité de Babylone, les exilés purent reprendre le chemin de leur patrie et rebâtir le temple de Jérusalem, l’œuvre était achevée : la foi monothéiste était solidement implantée en Israël et, si les tentatives des rois syriens purent à un moment faire encore des renégats, si, jusque dans l’armée de Juda Machabée, des soldats se laissèrent aller à porter des objets votifs consacrés aux idoles, II Mach., xii, 40, le soulèvement dont les Machabées furent les héros et les victimes montra clairement que désormais le peuple de Dieu était capable de défendre sa foi jusqu’à la mort.

On croyait, à n’en pas douter, que Jahvé était le Dieu unique, le créateur du ciel et de la terre, à qui une seule parole avait suffi pour appeler le monde à l’existence :

« Tu as fendu la mer par ta puissance, dit un

psalmiste ; tu as brisé les têtes des monstres sur les eaux ; tu as écrasé la tête du crocodile, tu l’as donné pour nourriture au peuple du désert. Tu as fait jaillir des sources et des torrents, tu as mis à sec des fleuves qui ne tarissent point. A toi est le jour, à toi est la nuit ; tu as créé la lumière et le soleil ; tu as fixé toutes les limites de la terre ; tu as établi l’été et l’hiver » Ps., lxxiv, 13-17. Plus magnifiquement encore, un autre psaume chante les merveilles de la création :

« Tu t’enveloppes de lumière comme d’un manteau et

te déplies les cieux comme une tente. (Puis) il façonne avec les eaux sa haute demeure ; des nuées il se fait un char, il s’avance sur les ailes du vent. Des souffles (de la tempête) il fait ses messagers et ses serviteurs du feu et de la flamme (de l’orage). Il affermit la terre sur ses fondements, pour qu’elle demeure inébranlable de siècle en siècle ; l’abîme l’entourait comme un vêtement, les eaux recouvraient les montagnes, mais à ton commandement elles s’écartent, à la voix de ton tonnerre elles prennent la fuite. Les montagnes s’élèvent, les vallées se creusent à la place que tu leur as marquée. Tu as fixé des limites que les eaux ne franchiront pas, elles ne reviendront plus recouvrir la terre. » Ps., civ, 2-9.

La toute-puissance de Dieu ne saurait être arrêtée par aucun obstacle ; elle pénètre le secret des cœurs aussi bien que les obscurités de la nuit : « Ta science est admirable, plus que je ne puis comprendre, elle est élevée au delà de ce que je puis atteindre. Et où donc irai-je pour me, dérober à ton esprit, où fuirai-je pour me cacher de ta face ? Monterai-je jusqu’aux cieux, tu y es ; descendrai-je au scheol, te