Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/891

Cette page n’a pas encore été corrigée

331 1

    1. YOLONTA RISMK##


YOLONTA RISMK. EN DIEU

3312

mensonge et ordonné le meurtre, c’est que ces deux actes n’ont de malice qu’en raison de la prohibition générale qu’en a faite Dieu. In III um Sent., dist. XXXVIII, n. 5, p. 919.

Par le point de vue historique, Scot rejoint Abélard ; mais chez Scot, l’explication n’intervient que pour mettre en meilleur relief la thèse fondamentale : enseigner qu’une moralité absolue, inhérente à des choses contingentes, puisse s’imposer à la volonté divine, ce serait équivalemment admettre que cette volonté doive nécessairement et simplement être déterminée par les choses qu’elle pourrait vouloir (par ses volibilia) en dehors de Dieu lui-même. Or, la volonté divine n’est déterminée que par elle-même et ne peut vouloir les choses autres que d’une manière contingente et absolument libre. Dist. XXXVII, schol., p. 879. Cf. É. Gilson, La philosophie au Moyen Age, Paris ; 1922, t. ii, p. 80.

En ce qui concerne les idées des choses en Dieu (les possibles), Duns Scot admet que ces idées, en tant que simples possibles, sont des créations véritables de l’intelligence divine. Voir ici t. iv, col. 1879. La volonté n’intervient que pour faire de ces idées les représentations vraies des êtres que Dieu appelle à l’existence. Mais alors cette vérité est contingente comme les êtres eux-mêmes. In I am Sent., dist. III, q. iv, n. 20, t. v, p. 490 ; cf. dist. XXXV, n. 12, p. 12511252. Cf. Landry, op. cit., p. 318, 319. Position intermédiaire entre celle de saint Thomas, pour qui les possibles préexistent en quelque sorte à la connaissance que Dieu a de son essence, et celle de Descartes qui fera des idées éternelles un produit direct de la volonté divine.Voir plus loin.

3. L’école nominaliste.

Scot admettait encore entre les attributs divins une distinction formelle, t. iv, col. 1875-1876 ; l’école nominaliste n’admet aucune distinction, même de simple raison. C’est là le point de départ métaphysique d’où dérive le volontarisme nominaliste, beaucoup plus accentué que celui de Scot.

La position d’Occam a été retracée à Nominalisme, t. xi, col. 763. À l’intérieur de Dieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’entendement divin ne se distingue pas de la volonté parce qu’il est la volonté même. Pour les œuvres ad extra, on peut admettre une certaine direction de la volonté par l’entendement, en raison même de la liberté de la volonté et de la contingence des effets. Rappelons ici la conclusion de M. Vigneaux :

Pour Occam, la volonté divine est dirigée dans la mesure où elle peut l’être. Elle n’a aucun privilège sur l’entendement. Quand on pense au seul entendement divin, il faut penser qu’il est Dieu, en son acte indépendant de tout le reste ; de même, quand on pense à la seule volonté divine, elle est Dieu et rien ne la précède ; quand on pense à l’entendement et à la volonté à la fois, il faut concevoir qu’en Dieu ils sont un. La doctrine occamiste de l’entendement et de la volonté est dominée par cette pensée qu’en Dieu tout est également parfait et absolument simple. IbM., col. 763.

On ne saurait pour autant parler d’arbitraire, puisque ce que Dieu fait est par là même juste, eo ipso quod ipse vult benc et juste factum est. In l um Sent., dist. XVII, q. iii, F.

De ces affirmations de principe, à la rigueur compatibles avec la stricte orthodoxie, Occam, par une logique trop absolue, tire une conclusion déconcertante pour la piété chrétienne, conclusion qu’on lui a reprochée au procès de 1326. C’est l’article 5, ainsi conçu : Odire Deum potest esse aclus rectus, in via et a Deo præceptus. Voir ici, t. xi, col. 894.

C’est du même principe nominaliste que découle l’affirmation de Jean de Mirecourt, également censurée : odium proximi non est denvriloriurn uni quia prohibitum a Dco temponiliter. De la liberté avec laquelle Dieu crée, dans l’âme, intellect ion, volition, sensation, comme il le veut et l’entend, il suit, dit le même auteur, que « Dieu par lui seul peut faire que l’âme haïsse le prochain et Dieu sans démériter ». Art. 27 et 31. Voir t. xi, col. 899.

Avec la même énergie, Biel affirme l’indépendance absolue de la divine volonté. Le principe est toujours qu’aucune distinction, même de simple raison, ne saurait exister entre intelligence et volonté divines. Par conséquent, la volonté divine n’a besoin d’aucune aide ; elle n’est tenue à aucune règle extérieure : « Que Dieu ne puisse rien faire contre la droite raison, c’est la pure vérité ; mais la droite raison, en ce qui concerne les œuvres extérieures, est la volonté divine. Celle-ci n’a aucune autre règle qu’elle-même à laquelle elle doive se conformer ; mais la divine volonté est la règle de toutes les choses contingentes. Ce n’est pas parce que quelque chose est droit et juste que Dieu le veut ; mais parce que Dieu le veut, c’est droit et juste. » Voir dist. XVII, q. i, a. 3, coroll. i, K. Voir ici, t. xi, col. 764. Cette dernière affirmalion restera courante chez les théologiens du début du xve siècle.

4. Gerson.

Parmi ces théologiens, le chancelier Gerson tient une place éminente. Nous citons d’après l’édition d’Anvers, 1706. La position de Gerson est objectivement résumée par Ellies du Pin, dans la préface de cette édition. Gersoniana, t. IV, t. i, p. cv. Gerson accepte pleinement les deux principes du nominalisme : d’une part, la souveraine liberté et indépendance de la volonté divine par rapport aux choses créées, Contra vanam curiositatem, lect. i, t. i, col. 92 AB ; d’autre part, négation de toute distinction, même simplement formelle à la façon de Scot, entre les attributs divins. Ibid., lect. ii, consid. v » et vus col. 100 D-101 A, 103 C ; De oita spiriluali animæ, lect. ii, iii, t. iii, col. 14 B, 26 A.

Dans ce dernier texte, Gerson se demande s’il faut théoriquement identifier la droite raison (l’intelligence ) et la volonté en Dieu ; mais, ajoute-t-il, « il est certain que, dans les préceptes moraux, la droite raison n’a pas priorité sur la volonté : Dieu ne veut pas donner ses lois à la créature raisonnable parce que la droite raison a jugé auparavant qu’il le fallait ; c’est plutôt le contraire ». La conclusion s’impose, celle que nous avons trouvée chez Biel : « Dieu ne veut pas que les choses extérieures soient parce qu’elles sont bonnes, à la façon de la volonté humaine attirée par la présentation du bien vrai ou apparent ; c’est le contraire, les choses extérieures sont bonnes parce que Dieu les veut telles, à tel point que s’il voulait qu’elles ne fussent pas ou fussent autres, cela serait également bien. » De consolalione theologiw, part. I, t. i, col. 147 A. De telle sorte — et c’est ainsi que Gerson interprète l’affirmation étrange d’Occam, — même la haine de Dieu pourrait, les circonstances étant changées, n’être plus intrinsèquement mauvaise. De vita spirituali animæ, lect. i, coroll. 10, t. iii, col. 13 C. Toute la rectitude morale de la volonté humaine résulte donc de sa conformité, de la conformité de ses actions et de ses omissions à la loi divine et à la règle qu’elle pose. Id., ibid., D.

Cependant, quand Gerson quitte le domaine de la spéculation et en vient aux conseils pratiques de la vie spirituelle, il expose la soumission à la volonté divine telle que nous l’avons entendu de la bouche de saint Thomas, voir Volonté, col. 3349. Voir Explicatio : Fiat volunlas tua, t. iii, col. 355-366 ; cf. De directione seu rectiludine cordis, considcratin Vii-x, ibid., col. 469-17(1.

5. Pierre d’Ailly.

La conception de Pierre d’Ailly